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A Strasbourg, la sobriété énergétique pour priorité

La Tribune de l’énergie a demandé à Alain Jund, adjoint au maire de Strasbourg chargé de l’urbanisme et de la transition énergétique, quels sont les enjeux et les mises œuvres d’un tel processus sur le territoire de l’agglomération.
Les enjeux de la mise en place d'une transition énergétique dans l'agglomération de Strasbourg

Strasbourg, au cœur d'une aire urbaine de près de 800 000 habitants, est reconnue pour la qualité de son offre de déplacements urbains doux -tramway, vélo...-. Ici, comme dans toutes les autres grandes agglomérations françaises, la transition énergétique est un enjeu majeur des politiques publiques locales.

La Tribune de l'énergie a demandé à l'adjoint au maire de la ville, Alain Jund, chargé de l'urbanisme et de la transition énergétique, de détailler les contours d'un processus qui, selon lui, va bien plus loin qu'une simple volonté politique.

La Tribune de l'énergie : Pour vous, élu chargé de cette question en particulier, cela signifie quoi, la « transition énergétique » ?

Alain Jund : Au niveau politique, c'est se demander comment on amène le territoire d'une agglomération à sortir des énergies fossiles. C'est aussi travailler sur la sobriété et l'efficacité énergétiques. Au niveau technique, c'est se demander comment on met ça en œuvre de manière concrète, tant à propos de la précarité énergétique que de la rénovation thermique ou des énergies renouvelables.

Il est vrai qu'en 2012, quand ce sujet a été abordé après les élections, certains se sont demandé de quoi il s'agissait. Notre chance a été que le débat sur la loi de transition énergétique se soit tenu parallèlement, ce qui a aidé à faire comprendre qu'il ne s'agissait pas seulement d'un enjeu local mais aussi d'un défi national.

LTDE : Quelles sont vos priorités ?

A.J. : Le premier enjeu, c'est la sobriété énergétique, essayer de consommer intelligemment. Nous travaillons sur ce point avec les communes de l'agglomération pour ce qui est de la gestion et de l'économie des flux. C'est aussi la démarche envers les citoyens avec le Défi des familles à énergie positive, qui a mobilisé 150 familles la saison dernière.

L'efficacité énergétique est le deuxième enjeu. Ici, on a principalement travaillé sur la rénovation thermique des logements, avec un objectif qui se concrétise de 2 500 logements sociaux par an, en plus du parc privé. La difficulté étant que le baril de pétrole tourne autour de 50 dollars, ce qui ne nous aide pas beaucoup. Malgré cela, nous avons gardé le cap sur le logement social, le logement privé, la copropriété, pour que le dispositif ne soit plus seulement lié aux maisons individuelles.

L'agglomération strasbourgeoise a d'ailleurs une particularité : le Plan local d'urbanisme intercommunal que nous avons voté en décembre dernier contient un article dédié à l'énergie. Nous imposons désormais des normes énergétiques qui vont à 15% au-delà de la réglementation thermique 2012. Nous avons aussi instauré le fait que les opérations urbaines d'une certaine ampleur doivent comprendre au moins 30% d'énergies renouvelables.

Le troisième axe, sur l'efficacité énergétique, recouvre toute la réglementation sur les nouvelles constructions et la rénovation de l'ancien. Le dernier volet concernant le développement des énergies renouvelables.

LTDE : En quoi la transition énergétique peut-elle améliorer la vie des Strasbourgeois ?

A.J. : Le premier effet collatéral important de la mise en œuvre au plan local des accords de Paris, c'est l'amélioration de la qualité de l'air. Pour cela, on doit passer du fioul aux énergies renouvelables, que cela soit la biomasse ou la géothermie. Assurer la transition énergétique, c'est aussi être moins dépendants des importations comme des incertitudes mondiales, avec une relocalisation de la maitrise de l'énergie.

Il y a ensuite deux éléments sur lesquels les citoyens peuvent se reconnaître. Le premier, c'est la diminution de la facture pour les locataires de logements sociaux, mais aussi pour ceux des copropriétés ou des usagers du service public -écoles, gymnases...-. Le second, c'est l'emploi local : que l'on parle de rénovation thermique des logements ou d'énergies renouvelables, la transition énergétique, c'est de l'emploi et un retour direct sur l'activité économique.

Atteindre, au minimum, 20% d'énergies renouvelables en 2020

LTDE : Sur les énergies renouvelables, justement, où en est-on à Strasbourg ?

A.J. : A Strasbourg, qui a la chance d'avoir un barrage hydraulique sur le Rhin, nous avons un taux de 14,5% d'énergies renouvelables sur l'agglomération, ce qui constitue l'un des tous premiers au niveau national. Des actions ont été engagées depuis deux ans sur la géothermie profonde, avec un premier puits creusé dans le nord de l'agglomération, qui chauffe l'équivalent de 8 000 logements. Il y en a un deuxième dans l'ouest et un troisième site doit démarrer dans le sud d'ici la fin de l'année. Le tout permettra de chauffer l'équivalent de 20 000 à 30 000 logements.

En 2014 et 2015, nous avons aussi ouvert trois centrales biomasse avec une clause pour que le bois utilisé provienne de moins de 150 kilomètres. D'autres démarches ont aussi été faites, notamment sur la fabrication de biogaz.

L'objectif est d'atteindre, au minimum, 20% d'énergies renouvelables en 2020. Cela devrait être rendu possible grâce notamment aux trois puits de géothermie et à une consommation d'énergie qui baisse sur l'agglomération depuis une dizaine d'années.

LTDE : Les Strasbourgeois sont-ils plus ou moins réceptifs que les autres ?

A.J. : C'est difficile à dire. Cela dépend beaucoup de la mobilisation politique que l'on met autour de ces sujets-là. Nous qui sommes « transfrontaliers » percevons que les villes en Allemagne ont un rapport moins distant à l'énergie, parce que la construction des politiques publiques y est très différente de la France. Le fédéralisme allemand a fait que les villes possèdent des coopératives, des établissements publics pour l'énergie. Cela amène le citoyen à ressentir l'énergie d'une manière très différente de l'autre côté du Rhin, où la politique locale en la matière est beaucoup plus forte qu'en France.

LTDE : Comment les sensibiliser davantage à la question de la transition énergétique ?

A.J. : Concernant les élus locaux, il faut faire un peu de pédagogie. J'ai été surpris récemment de constater que sur les trente-trois communes que compte l'Eurométropole, un certain nombre d'élus n'avaient pas encore identifié le fait qu'ils pouvaient agir sur leur propre « facture ». Très souvent, les débats sur l'énergie se réduisent à une problématique très technique et certains n'ont pas intégré qu'elle était devenue un réel enjeu de politique publique.

Le deuxième volet concerne les acteurs économiques. Certaines entreprises -mais pas toutes- ont compris que la transition énergétique, c'est de l'activité, des parts de marché, de l'emploi, de l'innovation, et pas seulement une injonction politique. Nous devons poursuivre ce travail de compréhension et l'amplifier.

Le troisième volet enfin, ce sont les citoyens. Il faut leur faire comprendre que changer leur manière de consommer l'énergie permet de faire baisser leur facture sans impacter leur confort.

Propos recueillis par Benjamin Hay

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