Le capital-investissement éprouve un grand appétit pour le secteur bancaire

Les difficultés de Deutsche Bank relancent les paris sur un rapprochement entre Postbank et l’Autrichienne Bawag, détenue par le fonds américain Cerberus. Qui entend bien prendre part à une éventuelle consolidation du secteur bancaire européen.
Christine Lejoux
Le géant bancaire Deutsche Bank entend se séparer de sa filiale Postbank.

Les déconvenues de Deutsche Bank pourraient bien faire les affaires des fonds de capital-investissement. La lourde perte trimestrielle annoncée dans la nuit du 7 octobre par le géant bancaire européen a en effet relancé les spéculations sur l'avenir de sa filiale Postbank, la banque postale allemande. Une filiale dont Deutsche Bank souhaite se séparer, au moyen d'une introduction en Bourse ou d'une cession.

Dans ce dernier cas, nombre de banquiers d'affaires imaginent un rapprochement entre Postbank et la banque autrichienne Bawag, dont 52% du capital se trouvent entre les mains du fonds américain de capital-investissement Cerberus. Lequel avait confié en début d'année à l'agence Reuters, par la voix de son directeur des opérations Keith Tietjen, vouloir « prendre une large part à une (éventuelle) concentration du secteur bancaire européen. »

Des offres d'achat qui viennent plus des fonds que des banques

Une consolidation qu'Yves Mersch, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), avait appelée de ses vœux le 10 mars dernier, à l'occasion d'un colloque organisé par le magazine The Economist, arguant du fait que cela permettrait aux banques « d'augmenter leurs bénéfices, sans pour autant cesser d'investir. » En 2014, déjà, lorsque la banque britannique Barclays avait annoncé un virage stratégique, avec, à la clé, de nombreuses cessions d'actifs, Joshua Harris, co-fondateur du fonds de capital-investissement américain Apollo, s'était dit intéressé par le secteur bancaire européen.

« Les fonds de private equity [capital-investissement ; Ndlr] montrent aujourd'hui un grand appétit pour les acteurs de la finance, en particulier dans les services bancaires, comme le montrent les exemples de Lone Star, qui a notamment racheté la banque IKB, et de Cerberus, qui a acquis Bawag. Dans ce secteur, les offres d'achat viennent à présent davantage des fonds de capital-investissement que des acteurs bancaires, ce qui rompt avec ce que l'on avait connu durant les deux précédentes décennies », constate Frédérick Lacroix, associé au sein du cabinet d'avocats Clifford Chance.

Des opportunités nées de la crise financière

De fait, l'appétit des fonds de capital-investissement pour les activités bancaires a débuté à la faveur de la crise financière de 2007/2008, qui avait plongé le secteur dans de graves difficultés. Alors sévèrement touchée par la crise des subprimes (crédits hypothécaires américains à risque), la banque allemande IKB, spécialisée dans le financement des PME, n'avait dû son salut qu'à son rachat par le fonds américain Lone Star, en 2007. De la même façon, empêtrée à l'époque dans un scandale financier, la banque autrichienne Bawag avait été sauvée de la faillite par Cerberus, qui l'avait rachetée en 2008, pour 3 milliards d'euros environ. Le fonds de capital-investissement a fait de Bawag une banque profitable, avec un bénéfice en hausse de 45% l'an dernier, à 333 millions d'euros. C'est dire si, huit ans plus tard, soit peu ou prou la durée moyenne d'investissement des fonds, il pourrait être tentant pour Cerberus de revendre aujourd'hui Bawag, afin d'empocher une jolie plus-value.

Plus récemment, ce sont moins des banques dans leur intégralité que des pans d'activités bancaires que les fonds de capital-investissement ont rachetés. En juin dernier, les fonds américains Advent et Bain, associés à leur concurrent italien Clessidra, ont ainsi acquis Istituto Centrale delle Banche Popolari Italiane (ICBPI), à un prix valorisant le groupe 2,15 milliards d'euros. Présent sur le marché porteur des paiements électroniques, ICBPI appartenait jusqu'alors à onze banques coopératives italiennes, dont Banco Popolare, lesquelles souhaitaient renforcer leur bilan. « Confrontées, entre autres, à la montée en puissance des fintech, nombre de banques jugent inutiles de rester dans des services très spécialisés, si elles ne sont pas en mesure de figurer parmi les dix premiers acteurs du marché en question », explique un bon connaisseur du secteur.

Les fonds se positionnent sur des activités spécialisées

Par ailleurs, la crise financière passée et, avec elle, les questions de vie ou de mort de certaines banques, il n'est pas sûr que le régulateur bancaire européen - la BCE, en l'occurrence - voit d'un très bon œil le rachat de banques entières par des fonds. « La prise de contrôle d'une banque doit être préalablement autorisée par le superviseur bancaire, qui doit notamment s'assurer de la réputation et de l'expérience de l'acquéreur dans le domaine bancaire, de sa solvabilité et de ses intentions, en particulier au regard de la durée de son investissement dans la banque. Ces conditions sont contraignantes pour des fonds de capital-investissement », souligne le même observateur.

Pas étonnant, donc, qu'Advent et Bain aient préféré se concentrer sur le segment des paiements, où ils procédé à une vingtaine d'investissements, ces toutes dernières années. Avant ICBPI, le duo avait en effet mis la main, en 2014, sur le Danois Nets, pour plus de 2 milliards d'euros. Le groupe, numéro un des services de paiement en Europe du Nord, était auparavant la propriété de 186 institutions financières, dont la banque centrale du Danemark. Encore avant, en 2010, c'est sur le britannique Worldpay, alors détenu par Royal Bank of Scotland (RBS), qu'Advent et Bain avaient jeté leur dévolu, moyennant 1,7 milliard de livres (2,3 milliards d'euros). Le mois dernier, le fabricant français de terminaux de paiement Ingenico aurait proposé 6,6 milliards de livres pour racheter Worldpay, selon Sky News. Advent et Bain ont décliné cette offre, lui préférant une introduction en Bourse de leur pépite. Laquelle devrait être la plus importante IPO (initial public offering) de l'année 2015, à Londres.

Christine Lejoux

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