Le crowdfunding français affiche de nouvelles ambitions

Au premier semestre, le marché français du crowdfunding a de nouveau doublé, à 133,2 millions d’euros, selon Financement Participatif France. L'association propose 15 mesures aux pouvoirs publics, afin d'accélérer encore ce développement, dans le contexte d'une concurrence européenne.
Christine Lejoux
A la fin de l’année 2014, 1,3 million de Français avaient déjà participé à une campagne de crowdfunding ; six mois plus tard, leur nombre s’élevait à 1,75 million.

« Vous avez dit crowdfunding ? » Il y a encore cinq ans, les mots de « financement participatif » ne disaient pas grand-chose à grand monde, en France. La progression phénoménale de ce jeune mode de financement - qui met en relation quasi directe, via Internet, des porteurs de projets en quête d'argent avec des épargnants désireux de prêter, d'investir ou de donner une partie de leurs économies - a changé la donne. Au premier semestre, le marché français du crowdfunding a de nouveau doublé, la cinquantaine de plateformes opérationnelles dans l'Hexagone ayant collecté 133,2 millions d'euros, contre 66,4 millions un an plus tôt, selon les chiffres publiés jeudi 17 septembre par l'association professionnelle Financement Participatif France.

Il faut dire que, dans un contexte d'adhésion croissante des Français à l'économie du partage, les contributeurs au financement participatif sont de plus en plus nombreux. A la fin de l'année 2014, 1,3 million de Français avaient déjà participé à une campagne de crowdfunding ; six mois plus tard, leur nombre s'élevait à 1,75 million. De plus, et tel était le but, l'assouplissement de la réglementation du financement participatif, entrée en vigueur le 1er octobre 2014, a donné un coup de fouet au secteur : « En l'espace d'un an, une dizaine de plateformes d'investissement [dans le capital de startups ; Ndlr] ont été créées et une quinzaine de plateformes de prêt aux entreprises ont vu le jour », indique Nicolas Lesur, fondateur de la plateforme de prêts aux PME Unilend et président de Financement Participatif France.

Une concurrence au moins européenne

C'est précisément le « crowdlending » qui représente le gros du marché du financement participatif. Sur le total de 133,2 millions d'euros collectés au premier semestre, 85 millions l'ont été via les plateformes de prêts, 24,5 millions par l'intermédiaire de l'investissement en capital (crowdequity) et 23,7 millions au travers des plateformes de dons. A noter que, sur ces 85,1 millions, pas moins de 61 millions sont à mettre à l'actif de Prêt d'Union, la seule plateforme française spécialisée dans les prêts aux particuliers. Aussi prometteur semble-t-il, le business des sites de prêt aux entreprises, ne pèse encore, lui, que 13 millions d'euros. Une somme à mettre en regard du marché global du crédit aux TPE et aux PME, estimé à 80 milliards d'euros par an, en France. « Nous ne menaçons pas encore les banques », sourit Nicolas Lesur.

Le « pas encore » est d'importance. En effet, les acteurs du crowdfunding français sont bien décidés à donner un nouveau coup d'accélérateur à leur industrie. Notamment parce que ses enjeux ne sont nullement franco-français, mais au moins européens. De fait, à l'échelle de l'Europe aussi, le financement participatif se développe à l'allure d'un cheval au galop, mais c'est le Royaume-Uni qui tient les rênes : sur les 3 milliards d'euros collectés en 2014 par le crowdfunding européen, 80% proviennent de plateformes britanniques, selon un rapport publié par le cabinet EY et l'Université de Cambridge. « Le Royaume-Uni a pris de l'avance sur plusieurs points, en particulier dans le domaine de la fiscalité », explique Nicolas Lesur. Les Britanniques bénéficient notamment de déductions fiscales sur leurs investissements en crowdfunding, une mesure qui entrera également en vigueur en Belgique à partir du 1er octobre.

15 propositions aux pouvoirs publics

Cet examen de la concurrence étrangère a amené Financement Participatif France à soumettre aux pouvoirs publics une liste de 15 propositions, destinées, d'une part, à favoriser encore le développement du crowdfunding et, d'autre part, « à renforcer la protection des épargnants », insiste Nicolas Lesur. Dans le domaine du prêt, l'association suggère notamment la création d'une fiscalité « adaptée à la prise de risques des prêteurs particuliers. » Pour l'heure, ces derniers sont soumis à la même fiscalité que celle des livrets bancaires, dont les intérêts sont imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu, à quoi s'ajoutent les prélèvements sociaux de 15,5%. Or, si les livrets d'épargne bénéficient d'une garantie en capital, tel n'est pas le cas du crowdlending, qui expose au contraire les épargnants à un risque de perte en capital.

Financement Participatif propose donc que les pertes subies dans ce cadre soient déductibles des gains, ainsi que la mise en place d'un abattement de 4.600 euros pour une personne seule, afin d'encourager la prise de risque des épargnants. L'association plaide par ailleurs pour la suppression du plafond de 1.000 euros, au-delà duquel un épargnant ne peut prêter à un même projet. Financement Participatif France milite également pour la suppression du seuil de 1 million d'euros, au-delà duquel il n'est pas possible d'emprunter pour un seul et même projet. « Cela permettrait d'attirer les très gros investisseurs, que des mises limitées à 1.000 euros par projet n'intéressent pas », explique Nicolas Lesur.

De nouvelles mesures dès le budget 2016?

De la même façon, les plateformes d'investissement en capital souhaitent que les startups aient la possibilité de lever plus d'1 million d'euros, sans avoir à publier la lourde documentation habituellement requise dans le cadre des appels publics à l'épargne. « Nous pourrions ainsi aller davantage vers le capital-développement, plus rentable que le capital-risque puisqu'il s'agit de financer des sociétés plus matures », argumente Stéphanie Savel, PDG de la plateforme d'investissement en capital Wiseed. Autre doléance exprimée par ces plateformes de crowdequity : élargir le type de titres financiers accessibles aux épargnants.

Ces derniers sont en effet imités aux actions ordinaires et aux obligations à taux fixe, alors que les financeurs professionnels, qui peuvent être amenés à co-investir aux côtés des plateformes, bénéficient, eux, de l'accès aux obligations convertibles et autres titres susceptibles de diluer les actionnaires particuliers. Financement Participatif France sera-t-elle entendue par les pouvoirs publics ? « Nous prenons toujours soin de consulter en amont Bercy, le Trésor, les autorités de régulation. Ces propositions ne constituent donc pas une surprise et, pour certaines, nous avons de bonnes chances d'être entendus », estime Nicolas Lesur. Dès le projet de loi de finances 2016, ce n'est peut-être en revanche pas gagné...

Christine Lejoux

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Commentaires 3
à écrit le 20/09/2015 à 12:23
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"De nouvelles propositions pour aller plus loin" (Financement Participatif France) > Pour le crowdfunding sous forme de don : - Faciliter l’accès au financement participatif pour les collectivités territoriales - Clarifier la loi sur la simplif...

le 20/09/2015 à 14:31
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FPF a de très bonnes idées. Ils ont une vision d'ensemble du monde du financement participatif.

à écrit le 20/09/2015 à 10:21
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C'est la loterie généralisée pour remplacer les professionnels ; ce numérique "d'out-sider" révolutionne métier de banque, dont les représentants se disputent a leur propre digitalisation "inside"de banque en ligne. Avec les regroupements sur les ma...

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