Le "directeur des données", nouveau métier star dans les banques

Sous la double pression des enjeux liés à la réglementation et au big data, 16% des banques ont déjà nommé un "chief data officer", contre 14% seulement des sociétés de télécoms et 9% des groupes de médias.
Christine Lejoux
S'il existe un secteur d'activité qui regorge de données sur ses clients, c'est bien celui de la banque.

A nouvelle époque, nouveau métier star dans la finance. Les traders ont eu leur heure de gloire dans les années 1980. Dans la foulée de la crise financière de 2008 et de l'arsenal réglementaire qui s'en est suivi, ce sont les profils de gestionnaires des risques et de la conformité qui sont devenus très recherchés par les établissements bancaires.

Aujourd'hui, à l'heure de la révolution des données, les sociétés de services financiers font les yeux doux aux "chief data officers" (CDO, en français "directeurs des données"). Quelle fonction se cache derrière ce énième acronyme barbare ? "Le poste de chief data officer est nouveau, compliqué à définir. Il existe différents profils de CDO, en fonction, notamment, du degré de maturité des banques en matière de transformation digitale", prévient Stanislas de Roys, responsable du secteur banque chez Capgemini Consulting, qui a récemment réalisé une étude sur le sujet avec l'Efma, une association chargée de la promotion des innovations dans la banque et l'assurance.

Dans les grandes lignes, "le chief data officer est au cœur de la transformation digitale, c'est lui qui gère la mine d'or des données avant que celle-ci ne soit transformée en "extraits" utilisables", résume Stanislas de Roys. A. Charles Thomas, le premier chief data officer recruté par la banque américaine Wells Fargo - pas plus tard que l'an dernier - se définit, lui, comme "un chef d'orchestre, chargé de s'assurer que l'ensemble des services jouent en harmonie." Concrètement, le chief data officer, qui cumule compétences en systèmes d'informations, marketing et mathématique, est responsable de la gouvernance des données, éparpillées en divers endroits de l'entreprise. C'est lui qui, par son rôle de coordinateur, va définir et mettre en œuvre une stratégie assurant la richesse, la fiabilité et la cohérence des données internes et externes à l'entreprise.

50% des banques auront nommé un CDO d'ici à 2017, selon Gartner

Certes, ces nouvelles stars que sont les chief data officers sont courtisées par des industries de tous bords, aucun secteur d'activité ne pouvant faire l'économie de la transformation numérique. Mais les banques ont une longueur d'avance en la matière : à l'échelle mondiale, "16% d'entre elles emploient un CDO, contre 9% des groupes de médias seulement", indique Stanislas de Roys. Voire plusieurs chief data officers, un pour chaque métier de la banque (banque de détail, banque de financement et d'investissement, etc.). Le secteur bancaire devance même celui des télécoms, que l'on penserait pourtant plus en pointe dans ce domaine, 14% des groupes de "telcos" comptant un chief data officer dans leurs effectifs.

Dans la même veine, le cabinet Gartner estime que la moitié des grandes banques et compagnies d'assurance dans le monde auront nommé un CDO d'ici à 2017, contre une proportion de 25% seulement pour l'ensemble des grands groupes, tous secteurs confondus. De fait, en novembre dernier, Deutsche Bank a recruté son tout premier chief data officer, en la personne de JP Rangaswami, et l'assureur italien Generali s'apprête à faire de même. Quant à Cathy Doss, la chief data officer de la banque américaine Capital One, n'est-elle pas considérée comme la pionnière mondiale des CDO ? Comme souvent, les Anglo-Saxons ont flairé avant l'Europe Continentale le potentiel de ce métier mais "les banques françaises sont aujourd'hui très conscientes de l'importance de la fonction de chief data officer", insiste Stanislas de Roys.

La double pression de la réglementation et du big data

Il faut dire que s'il existe un secteur d'activité qui regorge de données sur ses clients, c'est bien celui de la banque. Paiements par cartes, retraits d'argent aux distributeurs, et maintenant consultations frénétiques de son compte bancaire via son smartphone... Il ne se passe pas un jour sans qu'un client ne fournisse des informations sur lui-même à sa banque, sans même s'en rendre compte. C'est dire si le big data revêt un caractère particulièrement crucial pour le secteur bancaire. Grâce à l'analyse et au croisement d'énormes masses de données structurées et non structurées (publications sur les réseaux sociaux, emails, etc.), le big data permet en effet aux banques de disposer d'une connaissance très pointue de leurs clients et, partant, de leur proposer le bon produit ou service, au bon moment, et via le bon canal de distribution.

Mais les données ne représentent pas seulement un enjeu commercial, pour les banques. Depuis la crise de 2008 et le tsunami réglementaire qui s'est abattu sur l'industrie financière, les banques doivent fournir aux régulateurs des données encore plus précises, plus fines et plus sûres que par le passé, que ce soit pour évaluer leur santé financière, ou pour lutter contre le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme ou l'évasion fiscale. Faute de quoi les banques risquent de lourdes amendes, à l'image du total de 100 milliards de dollars dont les banques américaines ont écopé entre 2008 et 2013. La fonction de chief data officer semble donc bien promise à un bel avenir.

Christine Lejoux

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