Le financement des startups par les grands groupes français en plein boom

Plus de quinze ans après l’éclatement de la bulle internet qui avait échaudé bien des groupes du CAC 40, le « corporate venture » fait un fulgurant come-back en France. Dans une approche plus structurée.
Delphine Cuny
De Safran à Orange, en passant par EDF, la CNP ou Seb, le nombre de fonds de "corporate venture" a explosé en France depuis deux ou trois ans, pas seulement chez les groupes du CAC 40, mais aussi des ETI et des entreprises mutualistes.

[Article mis à jour le 11 mai à 11h30 : chiffres et graphique]

Longtemps frileux, échaudés par les déboires connus lors de l'éclatement de la bulle Internet en 2000, les grands groupes français sortent de leur réserve et se mettent à investir significativement dans les startups. « On assiste à une nette accélération du corporate venture en France ; c'est un phénomène que l'on ne peut pas négliger », a relevé vendredi Cécile Brosset, la directrice du Hub Bpifrance, qui tenait une table ronde sur le sujet. Et ce même si « le nombre d'acquisitions par des grands groupes reste proche de zéro ! », a-t-elle ajouté.

Le nombre de transactions réalisées par des fonds de capital-risque émanant de grands groupes ou entreprises de taille intermédiaire a explosé l'an dernier : selon les chiffres non exhaustifs, rassemblés par le Hub, service d'apporteur d'affaires pour les grands groupes et les startups au sein de la banque publique d'investissement (qui a corrigé ses propres chiffres le 11 mai), il y a eu 79 deals impliquant des « corporate ventures » en 2016, contre 55 l'année précédente, pour un montant cumulé d'au moins 1,4 milliard d'euros (en triplement par rapport aux 550 millions de 2015).

Corporate venture France BPI

[L'envol des investissements des fonds de corporate venture en France depuis 2012, en milliard d'euros. BPIFrance - graphique modifié le 11 mai 2017]

Aux Etats-Unis, sur le seul premier semestre, le « corporate venture capital » (CVC dans le jargon) a financé des startups à hauteur de 8,6 milliards de dollars. Loin derrière les géants Google Ventures ou Intel Capital, le français Axa était tout de même au niveau mondial le 24e fonds corporate le plus actif l'an dernier, selon CB Insights.

Les plus dotés : Axa et Airbus

De plus en plus de groupes créent leur structure dédiée de capital-risque, bien structurée et distincte des équipes internes de fusions et acquisitions. S'ils n'étaient qu'à peine une poignée de pionniers il y a dix ans, dont La Poste, BNP, SFR, Bouygues et Total, ils se sont multipliés depuis trois ans. Parmi les plus gros figurent Axa Strategic Ventures, de 230 millions d'euros, le fonds de 150 millions créé par Airbus, Maif Avenir (125 millions) de l'assureur mutualiste, les fonds de 100 millions d'Engie ou d'Air Liquide. Selon une étude de Bain & Company et Raise en 2015, environ 40% des groupes du CAC 40 avaient une activité de « corporate venture ». A l'inverse, Société Générale défend sa position de ne pas créer son bras de "CVC", privilégiant l'open innovation et « la coopération opérationnelle » avec les startups, sans s'interdire une acquisition, comme Fiduceo, ou des prises de participations, comme TagPay, ou des investissements indirects, dans des fonds VC.

Certains de ces fonds ont participé aux plus grands tours de table des pépites de la French Tech, à l'image de Total, après Engie et Air Liquide, dans Sigfox, ou de Renault dans Devialet. Crédit Agricole et Maif Avenir se sont classés parmi les cinq premiers investisseurs dans la French Tech l'an dernier.

Bpifrance, le fonds souverain le plus actif au monde dans la technologie

Pour autant, le « corporate venture » représente encore un pourcentage limité des investissements en capital-innovation dans les startups en France, de l'ordre de 5% (contre 16% aux Etats-Unis). Mais ces fonds n'hésitent plus à faire cavalier seul, sans s'associer à un fonds de capital-risque classique, dans 24% des deals. Ou à s'associer entre eux, ponctuellement sur des opérations ou au sein de fonds multi-coporate comme Aster Capital (Alstom, Solvay, Schneider).

Ce réveil des grands groupes intervient après de multiples sollicitations des pouvoirs publics, du gouvernement - en son temps Emmanuel Macron avait incité les grands groupes à être plus audacieux, tout comme Axelle Lemaire, dans le prolongement du rapport Lemoine - et de la BPI et ses dirigeants. La Banque publique demeure le premier investisseur dans les startups en France et c'est aussi le fonds souverain le plus actif au monde dans la technologie, devant Temasek et GIC de Singapour sur la période 2010-2017. La Caisse des Dépôts est cinquième.

Delphine Cuny

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Commentaires 7
à écrit le 09/02/2017 à 16:13
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IL doit y avoir un bug dans les chiffres, car je ne vois pas comment les fonds de corporate venture peuvent avoir fait 2,7 Md€ d'opérations, ... alors que les levées totales tout investisseurs confondus on atteint 2 Md€ ! A raison de 5 ou 10% de p...

à écrit le 31/01/2017 à 8:51
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AFIC L’Association des investisseurs pour la croissance. "François Hollande était "l'ami du capital investissement", certains en attendent autant du prochain" .......... L'AFIC a fait 16 propositions à destinations des candidats à la présidence d...

le 31/01/2017 à 17:38
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@ Marco1 : très bien le programme !! Espérons que Macron ou autre le reprendra. On pourrait aussi étendre le crédit d'impôts à plus d'entreprises dans le cadre du Financement participatif qui a un grand rôle à jouer également. De même faire en sorte ...

à écrit le 31/01/2017 à 6:31
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L'annexion par le glacis de connivence du dernier bastion de la liberté d'entreprendre, grâce à l'accès au crédit presque gratuit et au cornaquage institutionnel et législatif destiné à contraindre les parcours. Et pendant ce temps on nous fait croir...

à écrit le 30/01/2017 à 18:18
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A ce demander s'il ne s'agit pas d'un publi reportage pour glorifier la BPI ...et l'aveuglement de ses dirigeants ...à l'heure où Medtech pépite française de la haute technologie vient de passer sous pavillon américain faute d'avoir obtenu les financ...

le 31/01/2017 à 17:42
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@ ldx : je ne pense pas que vous puissiez dire çà au regard de tous les investissements et réussites de la BPI et de ses partenaires qui ont véritablement fait un bon travail jusqu'à présent, plus qu'il en était attendu à l'origine, même s'il peut y ...

à écrit le 30/01/2017 à 9:10
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Alors que "les grands groupes" sont en train d'anéantir l'économie mondiale à cause de l’accaparement des richesses on leur confie en plus un secteur qui aurait pu incarner un foisonnement de dynamisme et d'idées neuves. Dans 5 à 10 ans c'est un sect...

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