Procès Pérol : le ministère public réclame deux ans de prison avec sursis et 30.000 euros d’amende

François Pérol, président de BPCE, ne pourra plus jamais exercer dans la fonction publique, si le président du tribunal suit le procureur dans son réquisitoire.
Christine Lejoux
Dans le cadre du procès de François Pérol devant le tribunal correctionnel de Paris, le jugement sera rendu le 24 septembre.

Le réquisitoire du ministère public a été aussi écrasant que la chaleur, en ce jeudi 2 juillet, dernier jour du procès de François Pérol, président de BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne). Le dirigeant, accusé de prise illégale d'intérêts dans le cadre de sa nomination à la tête du groupe bancaire en 2009, encourt jusqu'à deux ans de prison et 30.000 euros d'amende. Et c'est bien 30.000 euros d'amende que la procureure Ulrika Weiss a réclamés à l'issue de son réquisitoire, ainsi que deux ans de prison avec sursis, l'interdiction d'exercer au sein de la fonction publique et l'inscription de cette éventuelle condamnation aux bulletins du casier judiciaire.

Pour rappel, François Pérol est accusé par les syndicats Sud et CGT des Caisses d'Epargne d'avoir accepté la présidence du directoire de BPCE en 2009, alors qu'en tant que secrétaire général adjoint du président de la République Nicolas Sarkozy, il avait travaillé durant l'hiver 2008/2009 sur le projet de fusion des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires, qui donnera naissance à BPCE en février 2009. Or la loi impose aux fonctionnaires d'observer un délai de carence de trois ans avant de rejoindre une entreprise privée qu'ils ont surveillée, contrôlée ou sur laquelle ils ont donné des avis aux autorités compétentes.

 Un rôle de simple messager

 Depuis le début du procès, le 22 juin, François Pérol et son avocat, Pierre Cornut-Gentille, se sont donc employés à minimiser le rôle de l'ancien secrétaire général de l'Elysée dans le processus de fusion de l'Ecureuil et des Banques Populaires. Tout secrétaire général adjoint de l'hyperprésident Nicolas Sarkozy qu'il était, François Pérol, à l'en croire, n'aurait eu aucun pouvoir de décision ni même d'influence. Il se serait cantonné au rôle de simple messager, de relais d'informations entre le ministère de l'Economie et l'Elysée. L'Elysée, où rien ne se décidait, l'Elysée, qui n'était rien d'autre qu'un lieu de circulation de l'information, selon François Pérol.

 "Je me suis demandé jusqu'à quel point on se moquait du tribunal. M. Pérol nous a dit la vérité, par moments, mais aussi une vérité tronquée, destinée à nous égarer », s'est agacée le procureur Ulrika Weiss. Et de citer le témoignage de Claude Guéant, lors du procès. Celui qui était secrétaire général de l'Elysée à l'époque des faits, et donc le supérieur hiérarchique direct de François Pérol, a admis, lors de son audition du 25 juin, que Nicolas Sarkozy s'était bel et bien emparé du sujet de la fusion entre les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires dès octobre 2008. Et pour cause : en pleine crise financière mondiale, les deux banques rencontraient des difficultés telles que la survie de l'Ecureuil semblait menacée.

 Sarkozy, à l'origine de la nomination de Pérol chez BPCE

"Tous les autres témoignages reçus durant l'instruction confirment que le projet de fusion entre les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires était devenu un sujet élyséen », souligne le procureur Weiss. Qui rappelle également la quarantaine de réunions qui se sont déroulées à l'Elysée avec les dirigeants des deux banques, entre octobre 2008 et février 2009. Claude Guéant est allé plus loin encore, lors de son audition, en révélant que c'était le président de la République lui-même qui avait proposé la nomination de François Pérol à la tête du futur BPCE. « Comment Nicolas Sarkozy aurait-il eu l'idée de cette nomination s'il n'avait pas travaillé étroitement avec François Pérol sur ce dossier ? », demande Ulrika Weiss.

Un François Pérol qui, de par ses fonctions précédentes à Bercy et au sein de la banque Rothschild, possédait en outre une excellente connaissance de l'Ecureuil et des Banques Populaires. Pour le procureur, c'est certain, François Pérol était étroitement impliqué dans le processus de fusion. Aussi, poursuit-elle, aurait-il dû décliner la proposition de Nicolas Sarkozy de prendre les rênes du futur BPCE. « Au lieu de quoi, vous avez alors saisi en urgence le secrétariat général du gouvernement, un avocat spécialisé dans le droit public et le président de la Commission de déontologie de la fonction publique », preuve, selon le procureur, que le haut fonctionnaire François Pérol savait pertinemment ne pas avoir le droit de présider quelques mois plus tard le groupe BPCE.

 La notion de conflit d'intérêts au cœur des débats

 "Vous saviez qu'il y avait un risque et vous l'avez pris [la Commission de déontologie n'avait pas le temps de statuer sur le cas de François Pérol avant la date prévue de sa nomination, le 26 février 2009 ; Ndlr] », reproche Ulrika Weiss au patron de BPCE. La notion de conflit d'intérêt, qui se trouve donc au cœur du procès, « est nimbée du soupçon de la prolifération des intérêts privés au détriment de l'intérêt général, cela entraîne un découragement de la démocratie », lance le procureur.

 Pour qui « il faut donc rétablir le sens, l'ordre », d'autant plus que « dans le cas de François Pérol, il y a le facteur aggravant du niveau des responsabilités qu'il exerçait, et qui nécessitait donc l'exemplarité. » Le président du tribunal, Peimane Ghaleh-Marzban, suivra-t-il le réquisitoire du procureur ? Ou aura-t-il été convaincu par les arguments de la défense, qui a invoqué un dossier « vide », « sans preuves », et qui a donc demandé la relaxe de François Pérol? En jeu : le maintien de François Pérol à la tête de BPCE, la Banque centrale européenne (BCE), le superviseur du secteur bancaire européen, veillant au grain à l'honorabilité des dirigeants. Le jugement sera rendu le 24 septembre.

Christine Lejoux

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Commentaires 26
à écrit le 06/07/2015 à 22:31
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Si ce n'était qu'un simple messager alors qu'il explique cette rémunération de "simple messager": Sa rémunération globale est en effet passée de 461.884,10 euros en 2009 à 1.606.000 euros en 2010. http://www.mediapart.fr/journal/france/180411/fr...

à écrit le 03/07/2015 à 18:00
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Tout le monde s'accorde à dire qu'il a sauvé la banque. Oui mais, il est copain de Sarkozy et la justice est politique. Alors, si on peu dégommer quelqu'un de compétent, avec plaisir, ça fera un adversaire de moins ! Pitoyable de sanctionner ainsi la...

à écrit le 03/07/2015 à 15:08
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cela ressemble à un procès en sorcellerie. Mr. Pérol a travaillé sur la fusion. Il devait être pertinent pour le poste, sinon il n'aurait pas été recommandé. Nicolas Sarkozy lui demande de diriger le groupe, il y avait urgence. Pourquoi devait-il lu...

à écrit le 03/07/2015 à 14:31
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Sentence particulièrement clémente. Certain s'étonnent qu'elle soit au maximum comme si ce maximum ne devait jamais être appliqué. Sauf ... que la prison est posée avec sursis. Pense-t-on au tribunal que Pérol pourrait garder son emploi ? Qu'il est d...

à écrit le 03/07/2015 à 10:23
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Accusateurs Sud et CGT, grand soutiens de l'industrie Française et de sa compétitivité. c'est pas à la direction de la Centrale, planqué en Suisse, havre du syndicalisme triomphant , que ça arriverait

à écrit le 03/07/2015 à 9:56
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30000€ c'est à peu de chose près le prix des études que le contribuable lui a payé, donc il n'y a pas trop de dégâts, il s'en tire bien le garçon!!!

à écrit le 03/07/2015 à 9:06
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On peut toujours s'interroger sur le caractère dissuasif des peines demandées! Je ne pense pas que M PEROL soit à 30000 € près et maintenant qu'il a fait son nid à Natexis ou il est bien rémunéré il ne reviendra pas dans le public. donc mis à part s...

le 04/07/2015 à 1:28
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Non !!!! il aurait volé un mobylette ou vendu du shit il serait parti libre. c'est comme ca ici.

à écrit le 03/07/2015 à 8:24
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Il a fait du bon travail chez BPCE, c'est bien vrai. Mais n'est-il pas aussi celui qui l'aura précipité dans l'abime en conseillant le rachat de Natixis lorsqu'il était banquier chez Rothschild? N'est-ce pas la banque française qui a été le plus lami...

à écrit le 03/07/2015 à 1:53
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Imaginez qu'un fonctionnaire municipal décide de faire un chèque de quelques dizaines de milliers d'euros à une entreprise jugée indispensable à la vie de la commune et que simultanément il se fasse nommer directeur général de cette entreprise avec u...

le 03/07/2015 à 7:14
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Etait-ce répréhensible de "renflouer" BPCE ? Eut-il été préférable qu'il laisse BPCE sans assistance, comme trop souvent l'Etat le fait des sociétés dont il est actionnaire ? Fallait-il nommer un irresponsable qui n'y connaissait rien, et tant qu'à f...

le 03/07/2015 à 8:37
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Mr Pèrol a remis en ordre la BPPCE ,c est un bon gestionnaire !!pourquoi le condamner ?et en fait on veut toucher qui ?ce qu il a fait mérite un avertissement!! point

à écrit le 02/07/2015 à 22:54
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Et si c'était simplement la bonne personne, au bon endroit, au bon moment? Car enfin: -les Caisses d'Epargne étaient-elles en difficulté? Oui -le groupe BPCE est-il sorti d'affaire sous la présidence de Perol? Oui Conclusion il a fait du très bo...

le 03/07/2015 à 1:42
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Il a donné 5 milliards d'euros directement du contribuable à ces banques avant de se faire nommer, et prendre une grosse paye! Et puis est-il indispensable que le privé débauche systématiquement des fainéants de fonctionnaires lorsqu'il recherche...

à écrit le 02/07/2015 à 22:37
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HEC, IEP, major de l'ENA... bref une pointure et qui réussit particulièrement bien à BPCE. Curieux pays où on s'escrime à punir la réussite.

le 02/07/2015 à 23:09
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Surtout le copain du petit a talonette Mettre un énarque qui sort d'un cabinet a la tete de soit disant banques populaires indépendantes il faut mieux en rires

le 03/07/2015 à 1:43
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Le même parcours que Hollande!

le 03/07/2015 à 5:51
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@Rires : 'ndépendantes', laissez-moi rire. Dès qu'elles se sont trouvées en difficulté elles sont allées se réfugier dans le giron protecteur de l'état...

à écrit le 02/07/2015 à 22:34
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Curieux droit qui impose qu'une personne particulièrement compétente pour un poste ne puisse surtout pas l'occuper...

à écrit le 02/07/2015 à 22:33
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Curieux droit qui impose qu'une personne particulièrement compétente pour un poste ne puisse surtout pas l'occuper...

à écrit le 02/07/2015 à 21:59
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Au delà du procès en instrumentalisation politique, je trouve plutôt sain que le contre pouvoir judiciaire agisse enfin sur la multiplication des conflits d'intérêts entre la fonction publique et le privé, que cela soit pour les fonctionnaires de dro...

à écrit le 02/07/2015 à 21:07
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On critique beaucoup la justice américaine mais dsk ete juge tres rapidement 7 ans ici et c'est pas fini Chirac Tibéri guerini etc c'est à la vitesse de l'escargot que ça avance et Ca remet en cause notre démocratie

le 02/07/2015 à 21:54
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Oui on les blanchit comme Naouri dans l affaire triangle ! Au bout de 10 ans ! Ça arrange tous ce monde qui se tient par la barbichette !😓👙

à écrit le 02/07/2015 à 20:52
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Quid de Rolland Dumas p ex président du conseil constitutionnel nui raconte dans son livre qu il devait annuler l élection d un président pour compte de campagne irrégulier et ne l a pas fait ! Pourquoi n est il pas traduit devant la justice pour hau...

à écrit le 02/07/2015 à 20:50
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Les procureurs s excitent moins sur le cas Valls Hamon Macron et Peillon qui sont tous inscrits au registre du commerce en totale contradiction avec l article 23 de la constitution de 1958 Mais si vous faites partie de la gauche caviar ! Vous passere...

à écrit le 02/07/2015 à 19:06
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avec un salaire de 550 000 euros sans les bonus depuis 2009, cela valait bien le coup de faire ce conflit d'interet. 30000€ d'amende, à peine le prix d'un café pour le monsieur. à quand des amendes à hauteur du prejudice subit? soit 550000€ par an +...

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