Développement durable et luxe sont-ils compatibles ?

Problématique phare depuis une vingtaine d'années, le développement durable est incontournable aujourd'hui et concerne désormais tous les secteurs d'activité. Le luxe n'y échappe pas. Mais il se voit néanmoins taxé de mauvaise volonté lorsqu'il s'agit d'améliorer ses pratiques en faveur d'environnement, voire même accusé de ne pas vouloir intégrer la problématique dans ses stratégies. En apparence aux antipodes du développement durable, le luxe est pointé du doigt car souvent défini comme inutile et ostentatoire. Il semblerait pourtant que de nombreuses initiatives associant luxe et développement durable voient le jour. Leurre ou réalité ?
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Un mariage contre nature...
Souvent associé au gaspillage et à l'ostentation, le luxe paraît aux antipodes du développement durable qui, pour sa part est associé à la recherche de sobriété et à une réflexion profonde sur la consommation responsable. Lorsque le luxe s'associe à la liberté de création, à la beauté et au plaisir personnel, le développement durable tend à être associé à un monde contraignant, simple et relativement austère, mettant l'altruisme en avant. La question est également posée sur l'utilité du luxe, car les critiques les plus vives portent justement sur le caractère inutile que lui trouvent ses plus grands détracteurs. Le luxe est ainsi accusé d'utiliser et de gaspiller les ressources, humaines autant que naturelles, qui pourraient être nécessaires pour des industries plus utiles. De la même manière les disparités Nord/Sud focalisent de nombreuses critiques adressées à l'univers d'un luxe réservé à une élite et très longtemps synonyme de statut social : les défenseurs du développement durable aspirent au contraire à réduire ces inégalités, en favorisant l'éducation et le développement économique des régions du monde oubliées sur le passage de la mondialisation.
Malgré ce constat, il semblerait néanmoins que ce type d'opposition entre les deux mondes soit quelque peu archaïque. En y regardant de plus près, on s'aperçoit en effet que le luxe est en réalité très proche du développement durable dans son essence même.

Le luxe et la valorisation de ce qui est rare
Jean Noël Kapferer, professeur à HEC et co-auteur du livre Luxe Oblige explique : « Le luxe est par essence très proche des préoccupations du développement durable car il se nourrit de la rareté et du beau et a donc intérêt à les préserver. De plus, le luxe ne peut par définition accepter de polluer et de contribuer à l'enlaidissement de la planète. » Les savoir-faire ancestraux qui ont façonnés le luxe font l'objet de toutes les attentions des marques de luxe pour leur préservation et leur transmission. Il en va de même pour les matières premières utilisées qui sont la base même de ce qu'est le luxe. « Car si le luxe est plus d'actualité que jamais, il doit cependant jouer avec le paradoxe qui l'oblige à garder un pied dans la tradition et l'autre dans la modernité » comme l'explique Nathalie Rastoin, directrice générale d'Ogilvy France. Certaines des valeurs du luxe reposent également sur une fabrication locale et artisanale, celle-la même que le développement durable cherche à promouvoir et à préserver. Mais alors, si le développement durable et l'éthique apparaissent comme faisant partie des codes du luxe, pourquoi les initiatives de développement durable sur le secteur sont-elles généralement taxées de greenwashing ?

Le luxe DD n'est-il que du Green Washing ?
Si les marques de luxe communiquent sur leurs initiatives en matière de développement durable, les détracteurs tenteront de démontrer qu'il ne s'agit là que d'une opportunité tactique pour les marques plutôt que d'une véritable démarche stratégique : selon eux, les acteurs du luxe ne voient dans le développement durable qu'une tendance de plus ou une simple réponse commerciale face à une nouvelle demande des clients. Sylvain Lambert, responsable du développement durable au sein de l'organisme PricewaterhouseCoopers, explique : « Si les marques de luxe sont accusées de greenwashing, c'est aussi parce que les codes standards de communication du luxe sont aux antipodes du développement durable. La communication représente donc un danger. De plus, les résultats des initiatives ne sont pas encore mesurables compte tenu de la récence des actions ».
Pourtant les initiatives ne manquent pas et un travail de fond est en marche. Gucci s'est associé à l'Unicef depuis 6 ans pour créer chaque année une ligne d'accessoire dont 25% des bénéfices sont reversés à l'association. C'est ainsi plus de 7 millions d'euros qui ont déjà été récoltés. PPR et L'Oréal ont, pour leur part, mis en place une vraie stratégie de développement durable quant à leurs procédés de fabrication. Leurs performances écologiques sont auditées chaque année par des organismes externes. Des objectifs sont fixés pour dépasser ces performances. Les employés de PPR ont même été invités à réfléchir sur l'amélioration des performances écologiques du groupe dont les meilleurs dossiers ont été récompensés en mai 2010.

Les codes d'un nouveau luxe
Face à l'urgence de la situation et aux pressions faites sur l'univers du luxe, de nouveaux codes semblent apparaître. Le Salon 1.618 en est la vitrine. Barbara Coignet, fondatrice du salon, veut « redéfinir le luxe, réinterpréter les mythes qui le constituent, en s'attachant aux valeurs de l'éthique, de l'immatériel, de la rareté qui dépassent le seul cadre de la consommation ». Plusieurs marques éco-conçues ont vu le jour, telle la marque Absolution et son concept centré autour du néo luxe qui est l'inscription des valeurs du luxe dans les enjeux fondamentaux du 21e siècle : le respect de l'homme et de la planète.
Ou encore JEL, marque de bijoux qui prône l'extraction artisanale de l'or sans produit toxique et qui a mis en place une charte déontologique avec ses distributeurs. Du sourcing au packaging, en passant par les modes de productions, de communication, de distribution et par les produits lui-même, il semblerait donc que les nouveaux acteurs de l'industrie du luxe soient clairement inscrits dans une démarche de développement durable

Le luxe : accélérateur de bonnes pratiques dans l'industrie
De part sa vocation à la création et à l'innovation, le luxe semble devoir tenir un rôle d'exemple en matière de production et consommation responsable. Le luxe est vecteur de tendances, il dicte les codes à suivre et ceux à ne pas suivre. Le sociologue Thorstein Veblen voyant déjà cet aspect du luxe dans sa théorie de la consommation et des classes sociale, constatait que les conduites des membres d'une classe s'alignent sur celles de la classe qui lui est immédiatement supérieure. C'est un mode de vie auquel tout un chacun aspire et s'en donne l'illusion. Il s'avère que les marques de luxe ont bien compris ce phénomène et certaines se servent de leur aura pour participer à éduquer le consommateur en utilisant les outils de la communication et du marketing. C'est le cas du groupe LVMH qui dans sa démarche développement durable a compris l'enjeu du packaging des produits. A la fois véritable souci écologique et préoccupation indispensable, les marques du groupe y ont vu un outil de communication stratégique pour alerter les consommateurs sur l'impact environnemental des produits et les pousser à une consommation plus responsable.
Le luxe et le développement durable longtemps aux antipodes seraient donc plus compatibles qu'on ne pourrait le penser. Le développement durable tend à devenir plus créatif, moins morose et le luxe à communiquer davantage sur des pratiques plus responsables déjà bien ancrées mais sans cesse en quête de renforcement.

 

Source : ABC-luxe.com

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Commentaires 9
à écrit le 16/01/2012 à 13:44
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médiocre le kapferer avec des interventions dans des sociétés ou ses conférences sont gonflantes pour les salariées.un courtisan ils se trompent souvent dans ces approches

à écrit le 07/12/2011 à 22:04
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La tribune appartient bien a lvmh ? Cet article ressemble a un communiqué de presse

à écrit le 27/02/2011 à 12:53
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"Ceux sont ainsi plus de 7 millions d'euros qui ont déjà été récoltés." Grossière faute d'orthographe ! "Ce sont" !

à écrit le 24/02/2011 à 19:59
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Sensible à l'innovation, ayant la culture du produit "référence" qui dure toute une vie, le luxe peut développer des produits durables. Par contre, pour en faire une industrie durable, il est urgent de changer en profondeur la chaine logistique et le...

à écrit le 24/02/2011 à 14:31
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Rigolo ... à lire une seconde fois en sachant que c'est un "publi-rédactionnel". Evidemment objectif ... 'sanglots'

à écrit le 24/02/2011 à 14:30
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Les produits de qualité sont chers, mais durent longtemps, et reviennent moins cher au final que vite à jeter. Cela se vérifie régulièrement.

à écrit le 24/02/2011 à 13:34
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Le Club Marketing et DD de l'ADETEM a justement traité cette thématique le 27 janvier dernier avec Barbara Coignet de 1.618, l'IFOP et Sylvie Bénard de LVMH. Vous pourrez trouver un extrait des interviews réalisées à cette occasion dans l'émission de...

à écrit le 24/02/2011 à 13:34
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Le Club Marketing et DD de l'ADETEM a justement traité cette thématique le 27 janvier dernier avec Barbara Coignet de 1.618, l'IFOP et Sylvie Bénard de LVMH. Vous pourrez trouver un extrait des interviews réalisées à cette occasion dans l'émission de...

à écrit le 24/02/2011 à 11:47
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Réponse oui c'est un gadget pour bobos fortunés qui vont donner des leçons de Dev Dur au petit peuple qui n'a pas les moyens de se le payer!

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