Quand le capital-investissement courtise les particuliers

La société française NextStage a lancé le 15 juin un véhicule d’investissement auquel les particuliers pourront accéder. Des particuliers qui constituent un maillon essentiel de la chaîne de financement des PME, compte tenu du désengagement de nombre d’investisseurs institutionnels.
Christine Lejoux
Les investisseurs individuels ont représenté 10% des capitaux levés par les fonds de private equity entre 2012 et 2014, à l'échelle mondiale, contre 3% seulement entre 2009 et 2011, selon le cabinet Preqin.

Beaucoup d'assurance-vie, encore plus d'immobilier, une large portion de Livret A, un soupçon d'actions... Le capital-investissement - ce métier qui consiste à placer l'argent de grands investisseurs institutionnels dans des PME non cotées - entrera-t-il lui aussi un jour dans les réflexes de placement des particuliers français ? Les professionnels du "private equity" veulent y croire. NextStage AM, spécialisé dans le capital-développement, a donc lancé le 15 juin NextStage, une société d'investissement dans des PME européennes, pour l'heure réservée aux "zinzins" mais qui sera accessible aux investisseurs particuliers via sa prochaine mise en Bourse.

Déjà cotés à Wall Street, les géants américains du capital-investissement que sont Carlyle, KKR et Blackstone ont décidé, ces dernières années, de s'ouvrir plus directement et plus largement aux particuliers. Fin janvier, lors de la présentation de ses résultats annuels, Blackstone avait ainsi annoncé la création de Blackstone Total Alternative Solutions Fund, un fonds destiné aux investisseurs individuels. Pas à n'importe quels investisseurs individuels, c'est vrai, la souscription devant être de 250.000 dollars au minimum. Reste qu'il s'agit là d'un montant sans commune mesure avec le seuil de 5 millions à 10 millions de dollars que les fonds de private equity exigent de leur habituelle clientèle de fonds de pension, d'assureurs et autres investisseurs institutionnels.

Les particuliers ont représenté 10% des fonds levés par le private equity entre 2012 et 2014

C'est justement parce que ces derniers ont, du fait de la crise financière de 2008 et de la réglementation qui s'en est suivie, moins de marge de manœuvre pour investir dans le private equity que ce dernier a décidé de partir à la conquête des particuliers. Des particuliers qui doivent être bien conscients des risques d'illiquidité et de perte en capital auxquels ils s'exposent en se lançant dans le capital-investissement, mais qui, en échange, peuvent espérer des rendements à deux chiffres. Un luxe tel, dans l'environnement actuel de taux très bas, que les investisseurs individuels ont représenté 10% des capitaux levés par les fonds de private equity entre 2012 et 2014, à l'échelle mondiale, contre 3% seulement entre 2009 et 2011, selon le cabinet Preqin.

"Faciliter l'accès des particuliers au non-coté est d'autant plus important que les investisseurs institutionnels - exception faite de Bpifrance - se sont désengagés du financement des PME, pour se concentrer sur des sociétés valorisées au moins 50 millions d'euros, dans lesquelles ils investissent des tickets de 15 à 20 millions d'euros", insiste Xavier Anthonioz, président du directoire de 123Venture, une société de gestion dont "l'ADN réside dans la démocratisation du capital-investissement auprès des investisseurs particuliers, cette classe d'actifs étant encore trop confidentielle alors qu'elle procure des rendements intéressants." Dès sa création en 2000, 123Venture a donc lancé les premiers fonds de fonds pour particuliers, afin de permettre à ces derniers de profiter de l'expertise de sociétés de capital-investissement renommées.

1,2 milliard d'euros investi dans 271 PME européennes

La société, qui dispose également de sa propre équipe d'investissement, gère aujourd'hui 1,2 milliard d'euros, investis dans 271 PME européennes, pour le compte de 65.000 clients. Et ce, au travers de fonds offrant un avantage fiscal, comme les FIP (fonds d'investissement de proximité) et les FCPI (fonds commun de placement dans l'innovation), mais également au moyen d'une offre non fiscale (FCPR (fonds commun de placement à risques), etc.) ciblant les riches clients des banques privées, à la recherche d'une diversification de leur patrimoine. Mais, même dans ce domaine, l'heure est à la démocratisation : "Au-delà des clients privés dont le patrimoine est compris entre 2 millions et 50 millions d'euros, nous développons de plus en plus notre offre auprès des particuliers "retail", dont l'archétype est le cadre actif âgé de 35 à 40 ans", indique Xavier Anthonioz.

Une évangélisation qui n'est pas toujours aisée, compte tenu de la forte aversion des investisseurs individuels français au risque, surtout depuis l'éclatement de la bulle Internet en 2000 et la crise financière de 2008 : "Dans l'inconscient collectif, les PME font peur car elles sont synonymes de risque. Nous faisons donc de la pédagogie auprès des investisseurs particuliers pour leur expliquer que les PME, ce sont aussi des EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), des hôtels, des restaurants, des écoles privées, par exemple, c'est-à-dire des sociétés disposant d'une bonne visibilité sur leur activité", explique Xavier Anthonioz.

Et puis, les résultats sont là : "Cinq ou six ans après l'instauration de la loi Tepa [qui permet aux redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune de déduire de l'ISF 50% de leur investissement dans des PME européennes ; Ndlr], les particuliers ont au moins récupéré leur mise ou bénéficient de valeurs liquidatives en hausse, et ils le font savoir autour d'eux", affirme le dirigeant. Conséquence de ce phénomène de bouche à oreille, "la collecte sur les FIP et les FCPI augmente chaque année."

Christine Lejoux

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Commentaire 1
à écrit le 18/06/2015 à 8:22
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Prendre des risques? Pourquoi pas! Mais à condition que le bénéfice éventuel ne soit pas confisqué par l'état et là désolé! Pas un sou!

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