Le commerce connecté met le paquet sur l’emballage

L'explosion du commerce en ligne et des drive implique également une augmentation du volume des emballages pour les transporter. Ce qui va à l'encontre des politiques de réduction des déchets. Un casse-tête qui crée pourtant des opportunités pour repenser cartons, boites et flacons.
Marina Torre
Avec un chiffre d'affaires de 13,3 milliards d'euros au deuxième trimestre 2014, soit une hausse de 10,5% selon la fédération e-commerce et vente à distance, nul doute que cartons, papiers bulle et autres pochettes plastiques de toute taille continuent de fleurir dans les linéaires des centres logistiques et sur les routes de France.

"Mis bout à bout, les cartons envoyés à la période de Noël couvriraient la distance entre Paris et Québec", expliquait Romain Voog, patron d'Amazon en France lors d'une conférence de prévision sur les ventes de fin d'année, en septembre. A l'instar du géant américain, les professionnels du e-commerce et les autres acteurs qui les rejoignent désormais pour participer à l'explosion des ventes en ligne, se préparent depuis des mois pour le "grand emballage" que représentent pour eux ces festivités. Ce, au moment même où, en France, le législateur est appelé à se prononcer sur une limitation des sacs plastiques en caisse des supermarchés, mesure parmi d'autres de la loi sur la transition énergétique qui vise une "réduction de la production de déchets".

 Une réalité pas encore chiffrée

Les systèmes d'emballage des magasins "physiques" sont les premiers visés par l'évolution de la législation. Or, et celle-ci paraît l'ignorer, c'est en particulier dans l'e-commerce que leur quantité explose.

"Il y a environ 100 milliards d'unités de vente consommateur sur le marché français mais la proportion qui transite via le e-commerce n'a pas encore été quantifiée", indique Annette Freidinger-Legay experte internationale en emballage et conditionnements. "On peut seulement supposer que plus le panier moyen augmente, plus il y aura de produits et d'emballages". Avec un chiffre d'affaires de 13,3 milliards d'euros au deuxième trimestre 2014, soit une hausse de 10,5% selon la fédération e-commerce et vente à distance, nul doute que cartons, papiers bulle et autres pochettes plastiques de toute taille continuent de fleurir dans les linéaires des centres logistiques et sur les routes de France.

Leur flot n'est pas prêt de tarir. Les trois quart des distributeurs, commerçants et e-commerçants interrogés pour l'Observatoire de l'emballage 2014 prévoient une augmentation du volume de production des emballages d'ici les deux prochaines années. "Un niveau sans doute dopé par le e-commerce", commente une représentante de Goudlink/MRC&C qui a réalisé cette enquête publiée ce 4 novembre. Par comparaison, ils n'étaient que 52% à envisager une hausse des volumes lors de la précédente édition de cette enquête menée par les organisateurs du Salon international de l'emballage.

Des cartons trop grands

Comment cela se traduit-il en matière de déchets liés au conditionnement ? Là encore, le flou est d'autant plus grand qu'est également inconnue actuellement la proportion totale d'emballage primaire, celui qui entoure le produit, par rapport à l'emballage qui sert à l'expédition. Dans le premier cas, "la quantité reste la même", affirme Annette Freidinger-Legay, "mais c'est surtout pour le second qu'il existe un axe  de réflexion plus important", portant principalement sur des solutions pour faciliter la collecte des produits en entrepôt tout en limitant les déchets. L'experte précise :

"une plateforme de e-commerce traite une multitude de produits différents, la variabilité du nombre de produits achetés par consommatrice ainsi que la variabilité des dimensions impliquent que l'emballage qui va regrouper tout cela est éminemment variable en dimension".

Résultat : les cartons standardisés reçus chez eux par les cyber-acheteurs dépassent souvent la taille des produits commandés. Pour éviter la casse, il faudra donc remplir le vide avec du bourrage, plus ou moins recyclé d'ailleurs. Or, cumulé, cette "place" inutile a un coût, en carburant notamment, plus ou moins répercuté sur le produit final.

L'impression 3D pour protéger son produit

Des pistes sont à l'étude pour remédier à cette externalité négative. Par exemple, chez ViaPost, une filiale de la Poste, dans l'entrepôt situé en région lyonnaise où transitent des produits de Rue du Commerce mais aussi de Spartoo, des cartons avec une "coiffe" sont utilisé. Lorsque c'est possible, les objets commandés sont placés dans ces boites puis un automate les referme, à la taille voulue.

Ailleurs en France, à Saint Dié des Vosges, le Centre Français de développement rapide de produits en Europe (Cirtes) a développé un système baptisé Pack & Strat qui repose sur l'impression 3D. Le principe : dans l'épaisseur de couches de cartons se découpe une forme réalisée à partir d'un modèle numérique qui épouse les contours d'un objet à protéger.

Seulement, bien qu'innovantes, ces techniques utilisent tout de même du carton. Est-il encore possible de réduire la quantité d'emballage ? Dans l'esprit des acteurs du marché interrogé par l'Observatoire cité plus haut, plus vraiment : 25% seulement des répondants envisagent la suppression du suremballage comme un levier d'innovation pour les années à venir. "Les problématiques environnementales sont totalement intégrées aujourd'hui" rétorque Annette Freidinger-Legay qui pointe des limites dans la réduction du poids ou de la taille des emballages.

Un support marketing dématérialisable?

Pour les marques, il est surtout difficile de se passer de ce support commercial que représente l'emballage... dans la grande distribution et le e-commerce 81% des professionnels jugent qu'il a impact direct sur les ventes. D'où l'intérêt de se pencher un peu plus sur le conditionnement utilisé pour l'expédition. Des questions qui se posent surtout dans le luxe, où, pour éviter les vols, les marques privilégient des colis banalisés, ce qui tend à réduire un peu le prestige du produit vendu. Pour résoudre ce dilemme, certaines demandent de parfumer des colis ou bien de décorer l'intérieur de la boîte.

Mais la tendance de fond consiste plutôt à "dématéraliser" le contenu marketing des emballages, en faisant appel par exemple à l'usage de QR-codes pour renvoyer l'utilisateur vers des sites internet. Ceux-ci, jugés disgracieux, commencent d'ailleurs à paraître obsolète à côté des nouvelles techniques employées par les imprimeurs qui consistent à "coder" n'importe quelle image pour qu'elle soit détectable par un smartphone. A l'image des billets de banque, "en utilisant de l'encre invisible, nous pouvons même utiliser ces techniques comme outils  anti-contrefaçon", explique ainsi Patrice Bernou, responsable marketing des presses numériques chez HP.

Des "encres conductrices" permettent en outre de remplacer les puces Rfid qui "n'ont pas fait leur preuve commerciale", selon Annette Freidinger-Legay, pour, une fois de plus tracer les objets ou bien renvoyer l'utilisateur vers un complément d'information en ligne. Ce qui paraît d'autant plus intéressant que la réglementation impose un nombre croissant d'informations à afficher et des tailles de caractères agrandies.

Le drive et la consigne

Reste enfin, que même "connectés", les cartons continuent de s'empiler. Et si le "click & collect" (acheter en ligne, retirer son produit en magasin, comme dans le cas des "drive") offrait bien une alternative : le retour des consignes ? Dans la mesure où "au-delà de 200km, une pollution est générée" par le contenant déplacé à vide, explique la spécialiste de l'emballage, si le producteur d'une boisson se trouve à Lille et le consommateur à Marseille, l'intérêt n'est pas évident. " En Allemagne, où "72% des bouteilles doivent être consignées, le système fonctionne parce qu'il y a des bouteilles standard et des circuits plus courts", note-t-elle avant de conclure que le "drive peut être un bon moyen de rapporter la consigne, la question tant de savoir si écologiquement, une fois récupéré cet emballage on a intérêt à le renvoyer à la marque qui l'a utilisée." Si, vraiment, les consommateurs sont enclin à privilégier l'usage, qu'importe donc le flacon...

Marina Torre

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