"Si des clients préfèrent acheter leurs livres en bas de chez eux, tant mieux" (Amazon France)

Pour Romain Voog, Pdg de la filiale française du premier cyber-marchand de France, qu'importe "Amazon killer", cette application qui tente de détourner ses clients potentiels vers des boutiques physiques puisque l'important est de générer le plus de trafic sur son site. Grâce à ses capacités d'investissement, il compte encore miser sur l'accélération des livraisons et les services innovants comme l'abonnement.
Marina Torre
Romain Voog, PDG d'Amazon France depuis 2012, a dirigé les hypermarchés puis orchestré le site marchand de Carrefour entre 2005 et 2008.

Que l'on adhère à son modèle ou pas, Amazon reste le champion français de l'e-commerce... mais sera-t-il aussi celui de la recherche en ligne? A la veille de la publication par la Fédération e-commerce et vente à distance de son bilan pour 2014 qui devrait une fois de plus annoncer un record, Romain Voog, le Pdg de sa filiale française en justifie certains choix stratégiques et évoque les dernières polémiques concernant la marque. Or, Google a fait d'Amazon son rival, le cybermarchand américain se voyant lui aussi comme un moteur de recherche.

La Tribune. Un jeune français a récemment développé une extension (Amazon Killer) qui permet d'utiliser la force du moteur de recherche d'Amazon pour ensuite renvoyer des potentiels clients en magasin. Que vous inspire cette initiative?

Romain  Voog. Nous adorons les innovateurs, et nous sommes contents d'aider des lecteurs à découvrir de nouvelles œuvres indépendamment de l'endroit où on les achète. Il y a de la place pour tout le monde dans le milieu de la culture et du livre en particulier.  Si des clients trouvent plus simple d'aller acheter leurs livres en bas de chez eux, tant mieux! Tant mieux pour les éditeurs, pour les libraires, pour nos clients...

Amazon serait donc bien davantage un moteur de recherche qu'un distributeur?

Pourquoi les opposer? Aujourd'hui, Amazon est à la fois un distributeur et un moteur de recherche. Les statistiques prouvent que beaucoup de recherches commencent en ligne et finissent dans des magasins physiques. C'est vrai pour des téléviseurs, des vêtements, des produits culturels. Les deux se renforcent. Plus vous êtes une plateforme de recherche, plus vous avez de chances de vendre des produits. A nous de faire notre travail.

Un autre produit d'appel, Amazon Family, qui consiste à s'abonner pour recevoir régulièrement des produits de puériculture, a été récemment lancé en France. Aux Etats-Unis, la distribution de couches-culottes via ce programme vient d'être abandonnée. C'était une erreur?

Je ne pense pas. Vous trouvez sur Amazon des offres de fabricants et des marques propres. Amazon doit-il lancer sa marque propre de couches? Je n'ai pas de réponse aujourd'hui. Nous sommes une entreprise qui teste, apprend, change, recommence. On continuera d'expérimenter pour répondre au mieux aux besoins des clients. Si ça passe par le développement de plus de marques propres, on le fera, si ça passe par le développement de plus de marchands tiers, on le fait déjà. Nous sommes très humbles par rapport à ce que nous testons.

Tester demande beaucoup d'investissements... la rentabilité n'est donc pas pour tout de suite?

La rentabilité n'est pas une priorité d'Amazon, du moins à court terme. Jeff Bezos s'en était expliqué lors de l'introduction en Bourse en 1997. Il a clairement expliqué qu'Amazon était un investissement sur le long terme pour améliorer l'expérience client. Nous continuerons à le faire.

Jusqu'à quand comptez-vous assurer une livraison gratuitement ou investir pour proposer une livraison ultra-rapide à bas coûts l'un des principaux arguments de différenciation de votre service?

Ce sur quoi Amazon se repose pour se différencier, c'est avant tout la largeur de l'offre. Nous proposons 126 millions de références différentes soit 19 millions de plus que l'année dernière. Quand un client cherche à s'éduquer sur un produit, il vient souvent sur Amazon pour lire des commentaires etc. Ensuite, il y a la notion de pouvoir d'achat. Nous attachons énormément d'importance à ce que nos prix restent compétitifs à chaque instant.

Le troisième pilier c'est l'expérience lors de la livraison. A ce propos, nous sommes partisans de la clarté de l'offre. Nous ne cherchons pas à proposer des prix bas pour qu'ensuite cela soit agrémenté de frais de livraison élevés. Donc nous avons choisi une livraison [ plus de deux jours après la commande ndlr] gratuite. On a été les premiers à proposer la livraison en 24h00 pour 49 euros par an. Il est hors de question de revenir là-dessus. Au contraire, nous allons investir pour faire encore mieux.

Pour aller encore plus vite?

Plus vite bien entendu, avec plus de flexibilité... Pour l'instant, le plus vite que nous sommes capable de faire c'est charger des livres en 60 secondes sur les Kindle.

Vous évoquez la largeur de l'offre chez Amazon. Désormais, aux États-Unis elle va du produit frais à la série produite en interne. Y a-t-il une limite?

Notre objectif, c'est de permettre au client de trouver tous les produits qu'il souhaite et de s'informer le mieux pour réaliser un achat éduqué. Cela ne me dérange pas du tout que des clients se renseignent sur Amazon et aillent acheter ailleurs. On le sait bien, les clients se renseignent sur internet et finissent leur achat en magasin, ce n'est pas grave. Nous l'assumons, parce que le client découvrira peut-être d'autres produits et finira peut-être par acheter chez nous.

Le service d'Amazon est encore régulièrement salué par des prix, comme le "podium de la relation client" ou dans des sondages. Selon Harris, plus de 30% des internautes français le préfèrent encore à d'autres sites pour les biens culturels. Mais ce niveau baisse. Comment expliquez-vous cela?

Dans les produits culturels, Amazon représente 35% des sondés, une large majorité. Concernant l'évolution constatée, correspond-elle à de nouveaux entrants ou pas? Je ne saurais le dire.

Ce type d'études change-t-elle votre façon de travailler?

Pas du tout. Cela fait 14 ans qu'Amazon est implanté en France. Nous avons toujours fait en sorte de développer "l'expérience" client la plus aboutie qui soit et visé une amélioration notre service. Nous continuerons.

Assurer comme vous le souhaitez un bon "service client" , c'est aussi se montrer transparent, notamment sur ses conditions de travail. Que répondez-vous aux clients qui s'offusquent des pressions ressenties par certains salariés dans les entrepôts et à vos employés qui les dénoncent?

Nous parlons régulièrement avec nos employés. Nous ne pouvons pas maintenir cette culture du service client si tous les salariés ne sont pas mobilisés sur ce sujet. Il faut venir dans nos entrepôts et parler à nos salariés. La plupart sont satisfaits. Il y a toujours une minorité qui souhaite que ça s'améliore et c'est très bien. La meilleure chose à faire, c'est ouvrir la porte de nos entrepôts et c'est ce que l'on fait depuis deux ans car nous avons constaté qu'il y avait une sorte de malentendu qui avait pu s'installer. On a pensé que la transparence était la meilleure réponse. Nous avons eu une cinquantaine de visites de la part de journalistes, de responsables politiques, d'associations, d'écoles...

De même, comment justifiez-vous des pratiques fiscales controversées qui d'ailleurs font l'objet d'une enquête de Bruxelles?

D'abord, nous ne faisons pas de bénéfice! L'impôt n'est pas assis sur le chiffre d'affaires et certains aiment faire des amalgames parce que ça simplifie les choses mais il est assis sur le profit. Deuxièmement, nous payons la TVA. Ensuite, il faut élargir le débat de la contribution. Nous sommes aussi une entreprise extrêmement implantée localement, les millions de marge que l'on génère nous l'utilisons pour améliorer l'outil industriel et créer des emplois.

Enfin, vous avez démenti un pic de fréquentation le dimanche, contrairement à ce qu'affirmaient certains défenseur de l'ouverture dominicale des magasins. Quel jour les visiteurs sont-ils les plus nombreux?

Les jours se ressemblent. Le dimanche est un jour comme les autres, il n'y a jamais eu de pic ce jour-là. C'est un autre débat dans lequel Amazon a été impliqué sans que l'on comprenne vraiment pourquoi. Les fluctuations ont plutôt lieu dans la journée: le matin quand les gens arrivent au travail, la pause de midi, le soir quand ils rentrent chez eux.

>> Travail dominical : et non, le dimanche n'est pas le jour du cyber-shopping !

Marina Torre

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Commentaires 6
à écrit le 03/02/2015 à 17:37
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Bien sûr , ils ne font pas de profit pour l'instant, et c'est une façon de grossir sans payer d'impôts , ça permet de valoriser la société beaucoup plus rapidement, c'est plutôt ça qui les intéresse. Grossir , grossir et devenir incontournables . Ils...

à écrit le 03/02/2015 à 15:58
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Dans le même paragraphe il arrive à dire qu'il ne fait pas de bénéfice, et ensuite dit qu'il investit ses marges dans le dévellopement de son outil industrielle.... Comprend pas, si pas de marges, pas de bénéfices.... Boycott, depuis 4 ans je vais c...

à écrit le 03/02/2015 à 14:14
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La langue de bois comme on peut la détester au plus haut point. En gros pour lui tout est "bien", "tant mieux", bravo. Un discours d'enfumeur je-m'en-foutiste absolument navrant sans aucune empathie ni pour le client, ni pour l'employé, ni pour le fo...

à écrit le 03/02/2015 à 14:10
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C'est à nous citoyens de prendre nos responsabilités et de boycotter ce type de mafias. Sinon rien ne changera.

à écrit le 03/02/2015 à 12:41
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Amazon ne fait pas de profit ! Mais c'est quoi cet enfumeur ? Aller payer ses impôts hors de France alors qu'Amazon profite des infrastructures payées par les contribuables français sans que lui- même y contribue !!

à écrit le 03/02/2015 à 12:15
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AMAZON rigole !! C'est vrai de toutes les grandes surfaces installées en périphérie des villes qui tuent le commerce de proximité et tout le Ecommerce. Des villes désertées, peuplées de personnes agées , voilà ce que sera l'avenir....

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