Contrefaçon : la bataille des colosses de l'e-commerce chinois pour leur réputation

Alibaba réfute les doutes émis par les autorités chinoises sur l’authenticité des produits vendus sur ses principaux sites Internet. Son principal rival, Jingdong Mall, bien moins connu, se flatte d’avoir été bien mieux noté, et en profite pour courtiser les producteurs français.
Marina Torre
En juin 2014, le milliardaire Richard Liu enfourche un scooter de livraison pour célébrer l'anniversaire de sa compagnie, JD, créée 10 ans plus tôt.

Les mastodontes de l'e-commerce chinois ont un adversaire commun : la contrefaçon. Le désormais célèbre Alibaba et son rival JD (Jingdong Mall), un peu moins connu dans les pays occidentaux, s'affrontent pour conquérir les millions de cyberacheteurs chinois comme pour séduire des producteurs du monde entier. Mais cette conquête est pavée d'embûches: l'Administration de l'industrie et du commerce chinois vient de mettre son grain de sable sous la forme d'un livre blanc, paru le 27 janvier, qui fait trembler la compagnie fondée par Jack Ma tandis qu'elle arrange les affaires de celle créé en 2004 par un autre milliardaire, Richard Liu.

D'après ce document, contesté par Alibaba, il apparaît que moins de 40% des produits vendus sur Taobao, son principal site d'achat en ligne, sont "authentiques". JD, quant à lui, obtient 90% de satisfaction de la part du régulateur - un score que les dirigeants de la plateforme n'ont pas manqué de vanter, mercredi 3 février, lors de l'inauguration à Paris d'un portail destiné aux marques françaises.

"Tolérance zéro"

"Notre principal concurrent, que je ne nommerai pas, et dont le nom commence par A, se trouve tout en bas du classement. Nous sommes au premier rang", lance ainsi narquoisement le directeur de la division JD Worldwide. " Nous appliquons une politique de tolérance zéro à l'égard de la contrefaçon", affirme-t-il encore lors de la cérémonie.

Au cours de celle-ci, Richard Liu, des entrepreneurs français ainsi que le président de la commission des affaires économiques au Sénat Jean-Claude Lenoir, ont signé une déclaration dans laquelle ils promettent de "faire des efforts pour garantir la qualité des produits français vendus dans l'espace France" et pour faire en sorte que "la propriété intellectuelle sera rigoureusement protégée."

Un message destiné non seulement aux consommateurs mais aussi aux entrepreneurs européens courtisés pour y exporter leurs produits. "Vendre en Chine, au départ, cela nous fait un peu peur. La garantie de la qualité prime pour nous, puisque nos appareils contiennent des embouts bucaux", expliquent ainsi Thibault et Mathieu Vincent, les deux frères cofondateurs d'Oniris, une société qui fabrique des appareils contre le ronflement, et qui envisagent de les vendre sur JD.

Cet attachement affiché pour "l'authenticité" des produits, martelé à plusieurs reprises par les intervenants, est même mis en scène sur un écran où s'affiche le mot "fake" (faux) surtitré d'un message signifiant "l'authenticité est au cœur des valeurs de JD".

Infrastructure gigantesque

Le Pdg de la compagnie, Richard Liu, n'est pas allé jusqu'à évoquer publiquement son rival. Il affirme toutefois détenir désormais 50% de parts de marché dans l'e-commerce chinois et assure pouvoir "gagner encore un peu plus la confiance des consommateurs."

Pour espérer y parvenir, JD met en avant son infrastructure gigantesque : 97 entrepôts, dont un de 100.000 m2 près de Shanghai, plus de 2.000 centres de transit, une flotte de camions, près de 70.000 employés... Son réseau logistique, qui couvre presque autant de territoires que la poste chinoise, l'autorise à faire des promesses qui feraient pâlir d'envie les plus grands cybermarchands occidentaux. Dans des métropoles souvent embouteillées, tout produit commandé avant 11 heures du matin peut-être livré le jour même, et les produits commandés avant 11 heures du soir sont livrés le lendemain avant 15 heures. Gratuitement.

Jack Ma a raillé ce modèle qui, pour l'instant, ne produit pas de bénéfice net pour JD, assurant qu'elle mènerait à une "tragédie". Il s'est depuis excusé. Son propre groupe, Alibaba, repose sur un système relativement moins lourd en infrastructures. Ses sites comme Taobao et Tmall servent de plateforme d'échange entre des entreprises et des particuliers ou bien entre particuliers et particuliers. Cette situation complexifie le contrôle des produits qui sont échangés sur les places de marché et a déjà donné lieu à des controverses sur l'authenticité des produits. Pour tenter d'y remédier, l'entreprise a par exemple décidé en 2011 d'augmenter les tarifs pour y être enregistré, provoquant la colère de petits commerçants chinois dont certains ont manifesté devant le siège de l'entreprise, à Hanghzou.

Le problème des vendeurs tiers

Cela dit, l'ancien 360Buy, rebaptisé JD en 2013, n'échapperait pas totalement à la contrefaçon. Une connaisseuse du secteur explique que "l'authenticité des produits sur JD est parfois remise en cause, notamment par des blogueurs". Paolo Beconcini, avocat spécialiste de la propriété intellectuelle et associé au cabinet Carroll, Burdick & McDonough écrit dans un article datant d'août 2014 que des entreprises ont ainsi pu "vendre sur JD, Taobao ou même Amazon de faux sacs Armani, Burberry, ou Prada."

En cause, une fois de plus,les articles commercialisés par des vendeurs tiers à qui le portail offre sa visibilité mais pas forcément ses entrepôts. Dans ce cas, la responsabilité légale du site marchand qui loue son espace paraît plus complexe à déterminer.

Ce problème risque de se poser avec d'autant plus de force qu'Alibaba comme JD se déploient désormais à l'étranger.

Outre la France, ce dernier a lancé un portail aux Etats-Unis et en Australie pour attirer les producteurs à qui il propose gratuitement des services d'études de marché.

Appuyé par Tencent, le géant du web chinois qui en a acquis 15% et met à sa disposition son application WeChat, lancé sur le Nasdaq en mai 2014, JD compte en outre comme son concurrent, installer des entrepôts un peu partout dans le monde, et notamment en Europe. La bataille ne fait que commencer.

Marina Torre

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Commentaire 1
à écrit le 06/02/2015 à 14:19
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Sur Alibaba (Taobao en chinois) , le pire côtoie le meilleur, et très souvent, aucune facture n'est possible. La fraude à la TVA y prend des proportions qui sont à la hauteur de la taille du pays...

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