Travail du dimanche : la carte brouillée des "zones touristiques internationales"

Le gouvernement suggère douze quartiers à Paris comme nouvelles "zones touristiques internationale". Mais leur définition floue alimente le débat sur le nombre de commerces autorisés à poursuivre leur activité le dimanche, dans les lieux les plus visités. Objectif: stimuler l'activité.
Marina Torre
Parmi les zones définies par le gouvernement comme ayant un rayonnement international figurent les Champs Elysées mais aussi la place des Ternes ou le quartier d'Olympiades.
Parmi les zones définies par le gouvernement comme ayant un "rayonnement international" figurent les Champs Elysées mais aussi la place des Ternes ou le quartier d'Olympiades. (Crédits : Reuters)

Comment définir le degré de rayonnement international d'un quartier ? C'est l'une des questions de fond que pose le gouvernement avec ses projets de zones touristiques internationales (ZTI) dans la capitale où les magasins pourront ouvrir tous les dimanches et tous les soirs jusqu'à minuit. Car parmi les douze ZTI définies dans les projets d'arrêtés diffusés en vue d'une concertation avant leur promulgation prévue pour le 15 septembre figurent non seulement les Champs Elysées, St-Germain-des-Prés ou Montmartre, mais aussi Olympiades près de la place d'Italie, Beaugrenelle (XVe arr.) ou les Halles.

>> Pourquoi les futures zones touristiques internationales à Paris font polémique

Quels critères?

Une liste dénoncée par l'intersyndicale Clic-P qui voit justement dans la présence de ces quartiers a priori moins "touristiques" que d'autres le signe d'une volonté de généraliser de manière détournée le travail dominical et nocturne. Ce réseau de représentants syndicaux (Sud, FO, CGT, Unsa) qui s'oppose depuis longtemps à ces pratiques et a notamment engagé des procès contre Séphora sur les Champs Elysées, prévoit un recours au Conseil d'Etat à l'encontre de ces projets de délimitation.

En question : dans quelle mesure les zones retenues correspondent aux critères des zones touristiques internationales. Ceux-ci sont évoqués de façon succincte dans l'article L3132-24 du code du Travail modifié par la loi Macron qui dispose que :

"Les zones touristiques internationales sont délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et, le cas échéant, du président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre ainsi que des organisations professionnelles d'employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l'affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l'importance de leurs achats."

Aux yeux des opposants au projet, les trois critères cités - rayonnement international, affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et importance de leurs achats -  mériteraient de plus amples précisions. Dans la liste retenue, "il y a des zones touristiques qui attirent surtout des Français. Combien faut-il d'acheteurs étrangers pour les qualifier d'internationales 20, 30% ou plus ? De même, le gouvernement nous dit que Beaugrenelle se trouve près de la Tour Eiffel et que de nombreux touristes résident dans le XVe. Mais cela ne veut pas dire qu'ils y effectuent leurs achats. Quant à Olympiades où l'on nous dit que les visiteurs viennent pour le quartier chinois, c'est une pantalonnade. A ce compte, il y a aussi un quartier chinois à Belleville !", Laurent Degousée, représentant Sud Commerce.

Le rôle du voyageur chinois

Il faut dire que dans la compétition que se livrent les grandes villes européennes pour attirer les touristes et susciter leurs dépenses, les voyageurs chinois sont des proies particulièrement prisées. Les attirer et les retenir passerait, entres autres, par une plus grande amplitude horaire d'ouverture des magasins dans les lieux les plus visités. Mais même à Paris, certains élus, même au sein de la majorité, rejettent cet argument mis en avant par le gouvernement dans la mesure où il ouvrirait la porte à une extension bien plus large des dérogations. Le député socialiste et ancien maire du XIVe Pascal Cherki en faisait déjà était lors de la lecture en séance publique à l'Assemblée au mois de février :

"Comment capte-t-on le pouvoir d'achat, le contenu du porte-monnaie du touriste chinois ? Parce que ce n'est pas au consommateur français mais bien au touriste chinois que l'on s'intéresse dans les zones touristiques internationales. (...) Les tour-opérateurs reçoivent des commissions des grands magasins afin de rabattre les touristes présents sur le territoire parisien. Si vous créez des zones touristiques internationales, par effet boule de neige, vous allez être obligés de traiter tous les grands magasins de la même façon : en effet, vous donnez à ceux qui seront ouverts le dimanche un avantage concurrentiel que les autres vont réclamer. Si vous créez une zone touristique internationale sur les Grands Boulevards, vous serez obligés d'en créer une dans le quartier du Bon Marché, puis dans celui de la Samaritaine, puis autour de tous les grands magasins. Sinon, certains se demanderont pourquoi ils sont, d'une certaine manière, discriminés par le gouvernement."

Un état des lieux de la ville de Paris

La mission d'information et d'évaluation chargée par le Conseil de Paris de dresser un état des lieux juge dans un rapport remis en décembre 2014 que "les arguments économiques en faveur d'une ouverture dominicale plus large ne sont pas concluant", notamment en ce qui concerne les zones touristiques.

Pour l'heure, sept zones touristiques sont déjà définies, dont le Viaduc des Arts dans le XIIe arrondissement, qui ne figure plus dans le récent projet soumis par le gouvernement. Sa suppression était souhaitée par certains élus de Paris, notamment en raison d'une perte de terrain des magasins dédiés à l'art historiquement installés dans ces emplacements et une hausse de la vacance commerciale.

Ailleurs, notamment à Montmartre ou rue de Rivoli, c'est la nature même des commerces concernés qui pose problème. Là, "l'essentiel de l'activité repose aujourd'hui sur la vente de « souvenirs » de mauvaise qualité importés d'Asie dont l'apport économique est très faible et les retombées en termes d'image plutôt négatives", est-il écrit dans le rapport.

Zones touristiques à Paris

 Pour plus de simplicité, les élus de l'opposition réclamaient quant à eux que l'ensemble de la ville soit transformée en "commune d'intérêt touristique", et donc que tous ses commerces soient autorisés à ouvrir le dimanche quand ils le souhaitent.

Les critères finalement retenus seront d'autant plus déterminants que l'opportunité d'étendre le nombre de zones touristiques est elle-même contestée. Déjà, une grande part des commerces parisiens (20 à 25% selon l'Apur) sont ouverts tous les dimanches dans la capitale en tenant compte notamment des sept zones touristiques actuelles. Or, ce sont principalement des petits commerces et restaurant qui sont concernés. Autrement dit, des établissements de moins de 11 salariés qui pourraient ne pas être soumis à l'obligation de fournir des compensations financières aux salariés travaillant le dimanche.

Le Chiffre: 1,7 million de touristes chinois en France

Les touristes Chinois dépensent-ils vraiment des fortunes à Paris ? Difficile de s'en faire une idée précise. Des statistiques émanant de groupes privés comme les banques ou les opérateurs de ventes détaxées donnent quelques indications sur les fameuses dépenses des touristes chinois lors de leurs voyages. D'après Global Blue, la Ville Lumière serait la destination préférée des Chinois pour leurs emplettes, mais aussi celle des Américains des Japonais et ou encore des Taiwanais. La précision de l'étude ne va pas jusqu'à détailler le niveau quartier par quartier...

A l'échelle de la France, la banque China Union Pay évalue de son côté à au moins 385 millions (54,5 millions d'euros) de yuans le montant des dépenses des détenteurs de ses cartes de crédit dans l'Hexagone en 2014. Un montant qui ne recouvre évidemment pas l'intégralité des dépenses de 1,7 million de Chinois qui ont visité la France l'an dernier. Pour les détenteurs de ces cartes, elle représente tout de même la première destination européenne et la septième mondiale. Les touristes chinois privilégient les destinations les plus proches. A commencer par Hong Kong même où leurs emplettes s'élèvent à plus de 5 milliards de yuans (700 millions d'euros), de même pour Macao et la Corée du Sud. La récente chute de la devise chinoise risque de changer la donne puisque les achats à l'étranger, surtout pour les produits de luxe, deviennent moins avantageux.

Marina Torre

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Commentaires 6
à écrit le 24/08/2015 à 12:20
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La carte brouillée des embrouillaminis à la Socialistes qui on aussi peur du travail que de perdre leur portefeuille. Il est vrai qu'avec 85 millions de touristes par an et seulement la 5ème place au palmarès des recettes, il ne faut pas être énarque...

à écrit le 23/08/2015 à 22:45
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L'État Français se mêle de tout et fait n'importe quoi à force de demi mesures, comme à son habitude. Tout le monde doit être logé à la même enseigne ! S'il y a liberté d'ouvrir le dimanche, il faut que ce soit partout. Décider que les touristes étra...

à écrit le 23/08/2015 à 15:34
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Parle-t-on du travail le dimanche, du travailleur du dimanche ou bien du travailleur dudit manche ? Le français c’est compliqué, comme pour la croissance faut-il plus de dépenses, de fonctionnaires et d’impôts ou bien moins ? A 6 millions de chômeurs...

à écrit le 23/08/2015 à 15:13
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Ou est l'intérêt pour un touriste Chinois de venir acheter à Paris des souvenirs "made in china" ? Plus sérieusement, le gouvernement devrait se poser la question sur la manière de faire revenir l'emploi en France qui a été délocalisé en Chine. Et p...

à écrit le 23/08/2015 à 12:29
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Paris est étranglé, congestionné par une fréquentation humaine et automobile trop importante. La destination Paris sera de plus en plus banalisée, une destination " low-cost" en charter "low-cost", pour une visite "low cost", des loisirs low-cost, de...

à écrit le 23/08/2015 à 9:48
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Il est inéluctable que tous les commerces auront l'autorisation d'ouvrir en continu: la polémique actuelle me paraît d'un autre âge. A noter que le net est ouvert en continu. Cordialement

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