La Halle qui pleure, Primark qui rit… le triomphe de l'habillement ultra low-cost ?

La Halle, André ou encore Galeries Lafayette prévoient de baisser des rideaux. Tandis que Primark, Uniqlo ou H&M continuent d’en ouvrir. En matière d’emploi, pas sûr que le résultat se termine pour autant de façon positive.
Marina Torre
Primark se passe de campagne de publicité pour asseoir une notoriété en grande partie fondée sur des prix très bas.

Entre étoffes présentées dans des écrins de luxe et modèles produits à bas coûts et vendus à prix bradés, point de salut ? Pour plusieurs grandes enseignes françaises, la stratégie de montée en gamme pour viser un segment intermédiaire tombe à l'eau. En témoigne la vague de fermetures de magasins annoncées dans la distribution de prêt-à-porter depuis le début du printemps.

Dernier cas en date : celui de Vivarte. Derrière la polémique engendrée par le chèque de départ de l'ex-patron du groupe, Marc Lelandais, et au-delà des conditions financières du groupe, la fermeture d'au moins 174 magasins La Halle (anciennement "aux vêtements") et de 34 boutiques de chaussures André s'explique en partie par la concurrence féroce de rivaux "low-cost".

 Une semaine plus tôt, les Galeries Lafayette annoncent leur choix de tourner le dos à certaines zones de chalandises pour se concentrer sur une clientèle plus aisée en fermant boutique à Thiais, Béziers et peut-être Lille. Si les conditions sont bien différentes, l'enseigne fait là aussi le choix de quitter des terres où règnent désormais des multinationales qui vendent des vêtements à très bas prix. C'est le cas précisément dans le centre commercial Belle Epine, emplacement historique du groupe de la famille Moulin dont le gestionnaire, Klépierre, cite l'installation de multinationales du vêtement low-cost pour vanter l'attractivité du site nouvellement rénové.

>> Les Galeries Lafayette tournent une page à Belle Epine

"Modèle" Primark

Le "modèle" Primark aurait-il eu la "peau" de celui de La Halle ? Si le succès se mesure aux parts de marché, de fait, l'arrivée fracassante de l'enseigne irlandaise n'est certes pas passé inaperçue. Dans un marché du prêt-à-porter qui ne progresse qu'à peine en France, la filiale du groupe britannique Associated British Food est parvenue à se classer parmi les premiers vendeurs de vêtements en à peine un an et grâce à 5 magasins seulement. Sans dévoiler ses résultats par marché, le groupe coté outre-manche a indiqué que l'activité de ses 278 magasins dans le monde a permis de faire grimper son bénéfice de 30% à taux de change constant. Il revendique avoir vendu 150 millions de t-shirt l'an dernier. Le tout sans opération marketing télévisée ni campagne d'affichage.... et même sans site de vente en ligne!

Les scandales comme celui du Rana Plaza (voir enrichissement) liés aux pressions sur les baisses de coûts dans la chaîne d'approvisionnement qui ont également atteint d'autres multinationales de la mode à bas prix ne se sont apparemment pas non plus traduit par une baisse de leur vente. Bien au contraire. Uniqlo, le fleuron du japonais Fast Fashion continue lui aussi d'ouvrir des magasins. A cela, il faut bien sûr jouter H&M qui continue également son déploiement.

Face à ce rouleau compresseur, et pressé de justifier leur existence "physique" par l'essor de la vente en ligne, les enseignes de mode "à petit prix", notamment françaises, se sont retrouvées à la peine. D'où la tentative d'en sortir "par le haut" à la Halle, en tentant de faire grimper le prix du panier d'achat dans des magasins rénovés où l'on trouve plusieurs marques. Une transition qui n'aurait pas eu le temps de faire ses preuves.

"En douceur"

" Quand on veut faire évoluer une marque il faut le faire en douceur. On ne peut pas dire aux gens : ce que je vous ai dit pendant vingt ans était de la blague", commente ainsi Yves Marin, analyste chez Kurt Salmon spécialiste de la consommation. En guise de contre-exemple, ce dernier avance le cas des Galeries Lafayette qui ont précisément fait le choix du premium d'où les fermetures de magasins dans les zones où la clientèle ne suivrait pas ce modèle. "Mais eux le font depuis cinq ans", pointe-t-il.

"La transformation du modèle économique impliquait forcément une perte de clients en attendant d'en attirer de nouveaux. Cela ne se fait pas en un an", opine Lionel Deshors, directeur du cabinet de recrutement CCLD. Ce dernier, qui a observé des mouvements de personnel dans le groupe, estime que ce changement aurait eu du mal à s'imposer dans l'entreprise elle-même : "le changement a  été trop rapide. La direction n'a pas eu le temps de faire accepter cela au management."  Après la restructuration de la dette, et l'arrivée des nouveaux actionnaires, la nouvelle direction  - Richard Simonin à sa tête - ont décidé de mettre un terme à l'expérience.

Mais même avec un peu plus de temps, cette stratégie de "montée en gamme" aurait-elle seulement une chance ? "On peut tirer sur les prix jusqu'au point où cela ne fonctionne plus. C'était la tentation de Kiabi il y a quelques années, celle que tente aussi Tati, qui risque aussi d'échouer" estime Yves Marin. Pour ce dernier, seules les enseignes internationales capables de s'appuyer sur des revenus à l'étranger et une base financière solide peuvent se permettent cette évolution "logique dans tout marché". Il faudrait encore ajouter la volonté de le faire.

En guise d'exemple de "montée en gamme" réussie, l'analyste cite les cas de H&M et Zara, "qui l'ont fait à travers la segmentation". Autrement dit, seuls quelques cintres à chaque collection, sont dévolus à des étoffes un peu plus chères. Parfois promues par des égéries ou signées par des grands noms de la mode.

Quelle équation pour l'emploi ?

Finalement, entre les tentatives avortées et ces "réussites" industrielles, qui en sort gagnant ? Coté emploi, qui reste un sujet brûlant, cela reste incertain. Aux Galeries Lafayette comme à La Halle, les négociations ne font que commencer. Dans la maison-mère Vivarte, elles débutent précisément ce 16 avril et porteront sur plus de 1500 postes sur 17.000 en France menacés de suppression- logistique et siège compris. "Nous privilégions les propositions de départs volontaires, les retraites anticipées etc", précise Jean-Pierre Quintanilla, représentant syndical à la Halle. Aucune proposition de reclassement externe n'aurait encore été formulée.

Car rien n'assure évidemment que les quelques Primark qui pourraient prochainement ouvrir - dont un à Toulouse à l'emplacement d'un ancien Galerie Lafayette Maison - ne suffisent à compenser. Ne serait-ce que parce que le maillage territorial des uns ne correspond pas forcément à celui des autres.

Cela dit, d'autres enseignes visant plus largement l'équipement à très bas prix devraient également faire leur apparition en France. C'est le cas du géant américain Costco, spécialiste des ventes événementielles en gros. La Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a donné son feu vert en mai 2014 à son installation à Villebon-sur-Yvette dans l'Essonne après des recours administratifs. Une ouverture serait suivie par au moins deux ou trois autres en France.

Pour les cadres en tous cas, "des emplois seront transférables. Primark et Costco ont des visions très à l'anglo-saxonne où la compétence importe plus que l'expérience. Peu importe que le candidat ait eu exactement le même poste auparavant, ce qui compte c'est qu'il connaisse la grande distribution. Donc il y aura certainement des possibilités de reclassement" affirme Lionel Deshors. Reste que ces grandes surfaces en libre-service emploient par définition un peu moins de personnel en rayon que des boutiques physiques où conseils et services sont privilégiés.

Marina Torre

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Commentaire 1
à écrit le 23/04/2015 à 23:49
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Le supposé analyste Yves Marin fait visiblement du French Companies bashing : seules les enseignes étrangères ont grace à ses yeux. Et j'aimerais avoir les résultats d'une enseigne KIABI prétendument dans le faux quant à sa stratégie de prix abordabl...

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