La saga Darty-Fnac-Conforama, un jeu de concurrence complexe

L’acquisition de Darty par Conforama ou la Fnac implique des choix stratégiques en matière d’emplacements géographiques, mais aussi une définition claire des ventes “omnicanales” et des gammes de produits sur lesquels s’exercera la concurrence.
Marina Torre
Les actionnaires de Darty ont jusqu'au 10 juin pour se prononcer sur l'offre de Conforama. Celle la Fnac est toujours en cours.

Dans le dernier épisode du feuilleton Darty/Fnac/Conforama, l'entrée de Vivendi au capital de "l'agitateur d'idées" a relancé l'intrigue en laissant ouverte la possibilité d'une surenchère. Surtout que si l'offre de Conforama a reçu la préférence de la direction de Darty, les actionnaires de ce dernier doivent encore se prononcer. Ils auront jusqu'au 10 juin pour le faire, même si dans un communiqué du 14 avril, l'entreprise dirigée par Alexandre Nodale continuer "d'appeler les actionnaires à se prononcer avant le 2 mai". Sur le fond du dossier, au-delà du montant de l'enveloppe, des questions de concurrence supposent des choix stratégiques.

Zones de chalandises: combien de magasins faudra-t-il lâcher?

En effet, le contrôle des concentrations implique notamment d'évaluer en premier lieu la proximité des magasins. Si des zones de chalandises se chevauchent trop et aboutit à une situation de monopole, le gendarme de la concurrence peut exiger des cessions de points de vente.

En région parisienne, ceux de Darty tendent à être plus proches des magasins Fnac que de ceux de Conforama d'après une étude du cabinet Microeconomix. En revanche, la relation s'inverse dans le reste de la France.

microeco fnac darty

Pour l'heure, l'Autorité de la concurrence étudie de près le dossier de la Fnac, la procédure étant entrée dans une phase 2, "d'examen approfondi" au mois de mars. Elle retient le nombre de 121 magasins (dont 35 franchisés) pour le distributeur de produits culturels, électroniques et électoménager.

Darty de son côté dénombrait lors de la dernière publication de ses résultats quelque 220 magasins intégrés et 68 franchisés (à fin janvier 2016). Conforama en compte 202 au total en France.

Une "pression concurrentielle" venue d'ailleurs

La situation se complique dans la mesure où la possibilité d'acheter des produits en ligne permet en théorie d'avoir accès à des réseaux de distribution concurrents, en théorie où que l'on soit en France. Ce qui, au passage, remet en cause la notion même de zone de chalandise.

A la demande de la Fnac, le gendarme de la concurrence a accepté de se pencher plus précisément sur cette question. Dans un document publié à l'occasion de l'annonce du passage à la phase II de l'enquête sur ce dossier, elle reconnaît même que:

"Le test de marché effectué au cas d'espèce confirme que les opérateurs de vente en ligne exercent une pression concurrentielle sur les acteurs qui disposent d'un réseau de magasins physiques."

Elle ajoute toutefois que cette concurrence tend à pousser les points de vente physique à aligner leurs prix sur ceux pratiqués en ligne. Mais précise tout de même qu' "il demeure aussi une interaction concurrentielle locale entre points de vente physiques, tant sur les paramètres tarifaires que non-tarifaires du positionnement des différents opérateurs". L'éventualité de devoir céder des magasins n'est donc pas écartée.

Pas simple, dans ces conditions, de prendre en compte l'impact réel des ventes en ligne. Ce d'autant moins que les formules du type "achat en ligne et retrait en magasin" ou visite en magasin-commande en ligne-livraison à la maison compliquent la définition stricte de ce qui relève ou non de l'e-commerce.

Chacun ses données

Le fait même d'ouvrir un point de vente ayant pignon sur rue, en augmentant la visibilité de la marque, aurait même tendance à accroître aussi le trafic d'une enseigne. Même un concurrent direct de Darty le reconnait. "A chaque ouverture, nous observons une croissance des ventes en ligne autour de la zone concernée", signalait ainsi Christophe Corfa, directeur du site du réseau Boulanger, le 28 janvier dans le cadre de la publication du bilan de la Fevad.

"La vente en ligne représente l'un des grands enjeux de ce dossier et il sera intéressant d'observer comment l'Autorité de la concurrence va s'approprier le sujet", souligne Emmanuel Frot, vice-président au sein du cabinet Microeconomix.  Ce dernier avance plusieurs méthodes possible d'évaluation:

"Le premier moyen d'étudier sera de prendre en compte la proportion des ventes en ligne dans le chiffre d'affaires. Une analyse plus fine consistera par exemple à étudier qui sont les clients, qui achète en ligne et vient retirer en magasin etc. à partir des données qui seront fournies par les parties"

Pour l'heure, les données relatives à l'e-commerce publiées par chaque partie paraissent difficilement comparables. La Fnac indique par exemple dans son rapport annuel que "46% de ses commandes en ligne totales" sont qualifiées d'"omnicanales". Le groupe sudafricain Steinhoff, propriétaire de Conforama, indique quant à lui que les ventes en ligne (en général) représente 6,1% de ses ventes totales et "plus de 10% sur les catégories stratégiques", en intégrant l'Espagne, l'Italie, la Suisse et les autres marchés où l'enseigne est active. Chez Darty, hors Mistergoodeal acquis en 2013, les transactions sur internet ou mobiles représentent 16% des ventes, la moitié correspondant à son programme de "click and collect", donc avec retrait en magasin.

La Fnac étend ses gammes

Enfin, bien sûr, les catégories de produits devront être étudiées de près. A première vue, les rayons de Conforama et de Darty semblent les plus proches. Mais la Fnac a amorcé depuis quatre ans un élargissement de ses gammes, et vend notamment des produits électroménagers.

Sur sa place de marché en ligne, l'entreprise originellement spécialisée dans les produits culturels vend déjà lave-linge, réfrigérateurs, aspirateurs ou vaisselle. Elle proposera bientôt du matériel de bricolage.

Marina Torre

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