Les petites boutiques de prêt-à-porter en voie de disparition à Paris ?

A Paris, le nombre de boutiques de vêtements, chaussures et accessoires est resté quasi stable depuis 2011 selon l’Atelier parisien d’urbanisme. Mais l’e-commerce et surtout le développement des promotions toute l’année entament les marges des petites boutiques indépendantes...
Après les librairies et les agences de voyages, directement concurrencées par les ventes en lignes, les magasins de prêt-à-porter indépendants parisiens sont-ils les prochaines victimes des métamorphoses du commerce ?
Après les librairies et les agences de voyages, directement concurrencées par les ventes en lignes, les magasins de prêt-à-porter indépendants parisiens sont-ils les prochaines victimes des métamorphoses du commerce ? (Crédits : Reuters)

La Minaudière ouvrait tous les dimanches après-midi. Les gérantes de cette enseigne de vêtements et accessoires féminins rue de la Folie-Méricourt (XIe arrondissement) pouvaient se le permettre car elles n'avaient pas d'employées. Formées dans la communication, elles maîtrisaient le marketing digital sur le bout des doigts. Mais malgré l'animation de leur communauté sur les réseaux sociaux qui leur permettait "de voir accourir des clientes une heure après la mise en ligne des nouvelles pièces" et en dépit des "vides-dressing" où elles invitaient des bloggeuses, raconte Violaine Desgranges-Bessaih, co-fondatrice, la boutique et sa mini-succursale située une dizaine de mètres plus loin sur le même trottoir ont définitivement baissé le rideau en mai 2014.

5000 magasins de prêt-à-porter à Paris

Leur cas se révèle moins unique qu'il n'y paraît. Certes, globalement à Paris, le nombre de boutiques de prêt-à-porter n'a baissé que d'1,9% entre 2011 et 2014 selon l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur) dont l'étude triennale sur les commerces de la capitale est diffusée depuis ce 12 mars. C'est beaucoup moins que les commerces de gros (-23%), les agences de voyage, les garages (-14%) ou les librairies (-10%).  En outre, ce secteur se caractérise par une rotation élevée des boutiques : un tiers des 4944 magasins de prêt-à-porter dénombrés a changé de propriétaire au cours de cette période.

Reste que le nombre de disparitions (1047) est légèrement supérieur aux créations (943). Derrière cette apparente stabilité de l'effectif total pointe une évolution plus profonde dans un domaine jugé crucial pour l'attractivité touristique de la capitale. Les chaînes de magasins prennent en effet de plus en plus de place. François Mohrt, chargé d'études à l'Apur fait le compte :

"Autour de 30% de magasins de prêt-à-porter féminin faisaient partie d'une chaîne dans notre précédent décompte. Cette part est déjà passée de 18% à 21% lors des enquêtes antérieures. Il est probable qu'il y ait eu une augmentation cette année mais c'est à confirmer. "

Chasse aux bonnes affaires

Concrètement, ces chaînes disposent d'une force de frappe qui leur permet en pratique de mieux résister à la concurrence des ventes en ligne notamment. Ce qui irrite bien sûr les indépendants. Sur Facebook, le groupe "Soldes flottants, naufrage du métier" créé par le Patrick Aboukrat fondateur des boutiques multimarques Abou D'Abi Bazar fait ainsi la chasse aux "bonnes" affaires... mais pour les dénoncer. Le commerçant a d'ailleurs porté ses revendications jusqu'à Bercy, via une lettre à Carole Delga, la secrétaire d'Etat au commerce.

De son côté, la co-fondatrice de la Minaudière, désormais responsable de boutique... dans une chaîne de prêt-à-porter, raconte :

"Avec la succession des ventes privées, des promotions en tous genre chez nos concurrents, nous n'avions pas le temps de vendre les produits au prix normal. Les gens avaient toujours l'impression de se faire avoir quand ils achetaient plein pot. Certains exigeaient même des rabais pour des chemises à 19,90 euros !"

Commerces de bouche "épargnés"

Certes, des détracteurs pourront toujours fouiller dans ses comptes et reprocher une mauvaise gestion. Peut-être faut-il aussi blâmer l'emplacement choisi pour ses boutiques, dans une petite rue d'un quartier où pullulent surtout boulangeries, boucheries, bars et restaurants. Des commerces de bouche qui, eux, ont été relativement épargnés dans la capitale par l'arrivée massive des supérettes de proximité. Paris compte par exemple 15% de cavistes en plus en 2014 par rapport à 2011, le même rythme de hausse qu'au cours des trois années précédentes.

 "Nous nous félicitons de la diversité dans l'alimentation traditionnelle, boulangers, bouchers etc", vante de son côté, Olivia Polski adjointe à la Maire de Paris en charge du commerce, de l'artisanat,  des professions libérales et indépendantes. Il faut dire que l'action publique a privilégié ce type de commerce. François Mohrt, à l'Apur, rappelle :

"Dans les "rues-marchés" comme la rue Clerc par exemple, un artisan de bouche ne peut être remplacé que par un autre commerce alimentaire indépendant"

En outre, la Mairie met en avant l'action de la Semaest, une société de la Ville de Paris chargée de l'animation économique qui a repris des locaux pour les confier à des indépendants à un prix un peu moins élevé que le marché. L'organisme s'est notamment penché sur le cas des librairies. Selon son directeur général, Didier Dely, l'organisme en "possède" 55 dans le Quartier Latin, où par jeu de chaises musicales, certaines ont été remplacées par... des chaînes de prêt-à-porter.

Désormais, via des projets participatifs comme CoSto, la Semaest tente de digitaliser les boutiques ou créé des magasins éphémères afin de mettre en scène de jeunes créateurs d'entreprises indépendants. Une tentative pour les rendre visibles qui ne sera peut-être pas suffisante si l'histoire de La Minaudière se répète. Pour l'heure, globalement, des signaux plutôt positifs traduisent un frémissement de reprise dans le secteur. La Coface, groupe d'assurance-crédit estime à 169 le nombre de défaillances dans les commerces de détail de prêt-à-porter parisiens en 2014, soit 6,1% de moins que l'année précédente.

>> Le numérique au secours du «petit commerce»

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Commentaires 3
à écrit le 30/03/2016 à 23:44
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Il y a tout de même une certaine audace chez les indépendants, qui cherchent à innover et surtout à proposer un nouvel élan afin de se différencier du commerce de masse, ou on trouve de partout des fabrications médiocres à moindre couts. Je suis com...

à écrit le 14/03/2015 à 17:35
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Beaucoup ont disparu depuis le début des années 2000 ! Etant donné que les "chaînes" ont pris leurs places je boude Paris qui a perdu le charme de ses petits commerces et artisans ! à leur place des vulgaires souvenirs pour les nombreux chinois et a...

à écrit le 14/03/2015 à 12:35
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MDR ! C est seulement maintenant qu ils se le réveillent ! Ca fait de annees que des boutiques telles que les laines ecossaises disparaissent

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