Négociations commerciales : Bercy tient les distributeurs à l’œil

Les contrôles de Bercy portant sur les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs ont augmenté l'an dernier dans un contexte de conflits exacerbés et de guerre des "promotions" entre enseignes.
Marina Torre
La DGCCRF a effectué au total 575.000 contrôles en 2015 dans 119.000 établissements (toutes catégories confondues), soit un peu moins qu'en 2014. Le nombre de manquements constatés est passé de 111.200 à 115.830.

Si François Hollande veut "exercer des pressions" sur la grande distribution et réformer une fois de plus les relations commerciales, la surveillance de ces dernières s'est déjà fortement intensifiée. La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a en effet effectué quelque 12.500 vérifications à ce sujet l'an dernier, soit environ 20% de plus que l'année précédente.

>>  "Il y a des pressions qu'il faut exercer sur la grande distribution"

Les contrôles se sont surtout intensifiés à la fin de l'année, dans le cadre de la période officielle des négociations instaurée par la loi LME de 2008. La DGCCRF avait déjà indiqué le 12 février avoir contrôlé 88 établissements depuis novembre 2015 " soit 70 % de plus qu'à la même période l'année dernière."

Vingt jours avant la fin de la période officielle des négociations qui se sont achevées le 29 février, des locaux du groupe Carrefour ont en outre fait l'objet d'une perquisition. "Plusieurs fournisseurs reprochaient à cette enseigne de leur imposer comme préalable à la négociation au titre de 2016 le versement d'une remise d'un montant significatif non négociable ", est-il écrit dans un communiqué de la DGCCRF.

Tensions dans les "box" de négociation

Cette période officiellement achevée le 1er mars s'est révélée particulièrement tendue dans le contexte de la crise agricole actuelle. Une partie des agriculteurs et des industriels jugent ces relations trop déséquilibrées depuis les alliances entre plusieurs enseignes en 2014. Ils reprochent surtout aux distributeurs d'amplifier la pression sur les marges en imposant baisses de prix, ristournes et autres clauses restrictives. Plusieurs professionnels du secteur ont évoqué une ambiance très conflictuelle dans les "box" où se rencontrent les représentants des centrales d'achat et leurs fournisseurs.

Même les "petits" fournisseurs n'auraient pas été épargnés. "Les négociations [y] restent guidées par la guerre des prix", regrette par exemple Dominique Amirault, président de la Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France. Ce, malgré la signature de plusieurs chartes visant à assurer une meilleure mise en avant de leurs marques en rayon.

En l'occurrence, cette fameuse "guerre de prix" entre enseignes s'est surtout traduite sous formes de promotions massives. Et la situation ne semble pas prête de se calmer. Ces campagnes "sont reparties de plus belle après la fin de la période des négociations pour 2016", assure un professionnel du secteur.

>> La croissance des ventes en grande surface dopées aux promotions

Saisines par le ministère

Reste évidemment à savoir si les contrôles renforcés déboucheront sur une augmentation des condamnations, les pressions dénoncées n'étant pas forcément synonymes de pratiques jugées illégales, ni systématiquement dénoncées comme telles par les parties concernées. Les signalements à la DGCCRF ont même légèrement diminué passant de 178 à 165 l'an dernier.

Toutefois, si des fournisseurs rechignent à engager des poursuites par peur des représailles comme des déréférencements par exemple, le ministère peut s'en charger. Des arrêts de la Cour de Cassation l'ont confirmé l'an dernier.

Des conflits qui ne datent pas d'hier

Plus généralement, quelque 23 décisions de justice ont été prononcées en 2015. Les sanctions ont en revanche augmenté et atteint 2,6 millions d'euros contre 707.000 l'année précédente (ces chiffres ne tiennent pas compte des versements aux plaignants qui peuvent être largement supérieurs). Mais, compte tenu des délais de procédure, les faits concernés sont souvent bien antérieurs à 2015, ou même aux alliances entre enseignes datant de l'année précédente.

Ces décisions concernent notamment des motifs de "déséquilibres significatifs". Parmi elles, certaines ont fait du bruit, comme celle de E.Leclerc, condamné en juillet à verser 61,3 millions d'euros. Le groupe avait indiqué avoir l'intention de former un pourvoi en cassation contre cette décision.

>> Que signifie vraiment la condamnation de E.Leclerc ?

Une autre décision a été moins médiatisée, peut-être en raison de la période au cours de laquelle elle est intervenue. En effet, la cour d'appel de Paris a confirmé le 25 novembre, soit deux semaines après les attentats de Paris, une condamnation de  Darty à 2 millions d'euros d'amende pour des clauses litigieuses dans des contrats avec une quinzaine de marques d'électroménager. L'enquête avait été lancée en 2009. "Nous avons introduit un pourvoi en cassation contre la décision de la Cour d'appel de Paris. Le dossier n'est donc pas clos", a fait savoir la direction du groupe à La Tribune.

Marina Torre

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Commentaires 2
à écrit le 08/03/2016 à 10:13
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Quelle hypocrisie. Nous sommes en capitalisme or la règle du capitalisme c'est de gagner toujours plus et de dépenser toujours moins ce que font, ce que sont même, les distributeurs. Leur demander de "faire attention" c'est contester massivem...

à écrit le 07/03/2016 à 21:12
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Casino dans la téléphonie paie certains fournisseurs a 320 jours !🤑👙🐷

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