Sponsoring : avis de tempête sur le Vendée Globe

Entre les difficultés économiques et des bateaux de plus en plus chers, les sponsors sont plus frileux à s'engager dans la course du Vendée Globe. Au point que les organisateurs de la célèbre course en solitaire autour du monde multiplient les rencontres entre les candidats et les entreprises et envisagent quelques ajustements à partir de 2016. En attendant, plusieurs grands marins recherchent toujours leur partenaire.
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Avec la crise économique, sponsoring et skippers peinent à souffler dans la même direction. A moins d'un an du départ du Vendée Globe, la célèbre course en solitaire autour du monde, les skippers inscrits sont pour l'instant deux fois moins nombreux que la précédente édition en 2008, "année record pour la participation (30 inscrits)", tiennent néanmoins à souligner les organisateurs. Pour l'heure, "on est à la 15ème inscription. Si on fait la moyenne sur les 6 dernières éditions, on est autour de 20 et je pense qu'on sera autour de 18-20", précise Bruno Retailleau, le Président du Vendée Globe . Toujours est-il que plusieurs marins, et pas les moins aguerris, sont toujours en quête de financement.

Cette situation est du "jamais vu pour une telle course à un an du départ", a souligné Jean Le Cam, un des skippers en cale sèche et pourtant deuxième du Vendée Globe 2004. "Mon précédent sponsor, VM Matériaux, m'a expliqué qu'il arrêtait notre partenariat car il n'avait pas de visibilité sur son marché", a-t-il expliqué à Reuters. Idem pour Raphaël Dinelli ou Jérémie Beyou, vainqueur de la solitaire du Figaro et de la transat Jacques Vabre cette année aux côtés de Jean-Pierre Dick, tous deux sans sponsors.

Les deux assureurs Generali et Aviva ont viré de bord

Yann Eliès et la britannique Dee Caffari sont également dans le même bain. Yann Eliès, sous contrat avec l'assureur Generali de 1998 à 2010, doit en effet trouver un nouveau partenaire. "Dès l'automne 2008, la crise financière s'est déclenchée avec la faillite de Lehman Brothers et ses premières répercussions sur le secteur financier. Entretenir un bateau et une équipe sur un projet de 60 pieds (plus de 18 mètres, ndlr) coûte environ 2 millions par an (construction du bateau, entretien, salaires de l'équipe, skipper inclus). Or, Generali est un groupe qui a toujours investi modérément en communication et ce budget de sponsoring est apparu disproportionné dans un contexte économique qui risquait fort de s'obscurcir (on le voit bien à présent !)" a expliqué à latribune.fr une porte-parole de Generali. 

Rien à voir avec son accident survenu pendant la course, assure-t-elle. "Dès avant le départ du Vendée Globe, nous avions prévenu Yann que nous arrêterions après la course et ce quels que soient ses résultats. Ce n'est donc en aucun cas lié à son accident. L'accident nous a conduit au contraire à proroger son contrat jusqu'à la fin de 2010 pour qu'il puisse avoir le temps de se reconstruire physiquement et moralement et de se lancer dans la recherche d'un nouveau sponsor. C'est ainsi qu'il a pu faire le Figaro 2009 et 2010 sous nos couleurs (Il s'était classé 2è de la course en 2009)". Et de poursuivre : "En termes de sponsoring, le budget vendée Globe était le plus important. Nous avons donc cessé nos investissements sur le circuit Imoca monocoques de 60 pieds, ndr). Nous avons choisi de nous recentrer sur le circuit Figaro qui est l'un des meilleurs en termes de retombées médias au regard de l'investissement qu'il suppose. Nous avions laissé ce circuit de côté depuis la construction du 60 pieds. Nous avons choisi d'y revenir avec un jeune skipper (Nicolas Lunven ,ndr) dont la filiation faisait sens avec notre histoire dans la voile. Et ce d'autant que Yann voulait absolument rester sur le circuit Imoca (...)".

Pour la fin de l'histoire entre Aviva et Dee Caffari, cela n'a rien à voir avec la crise, a expliqué un porte-parole, mais le résultat d'un changement de stratégie. "Aviva a souhaité soutenir Dee Caffari dans sa tentative de devenir la première femme à boucler 2 tours du monde à la voile en solitaire dans les 2 sens. Le partenariat s'est donc terminé comme initialement prévu à l'issu de cet exploit (en 2006)". "A l'époque, il fallait faire émerger la marque et la voile est un des meilleurs moyens".

En l'occurrence , c'est beaucoup une histoire de personne et nous voulions soutenir la femme dans ses exploits. "Les retombées de notoriété ont été satisfaisantes, mais aujourd'hui nous avons une autre démarche". Fini la voile, Aviva a décidé depuis de ses tourner vers le football et le rugby et " engagé une nouvelle stratégie de partenariats, avec le "naming" (le fait de donner son nom à une enceinte sportive) de l'Aviva Stadium à Dublin (ex Lansdown Road), l'équipe de football de Norwich City (Premier League UK), la Premiership rugby", selon un porte-parole du groupe.

Face à ces désistements notamment, les organisateurs de la course ont donc décidé cette année d'accompagner davantage les candidats en leur facilitant les démarches via différentes réunions à Barcelone, Londres, Paris et Nantes avec des agences de communication, des investisseurs internationaux et régionaux.

Cap vers un nouveau modèle économique

Plus chanceuse, la britannique Samantha Davies a ainsi pu officiellement annoncer ce week-end sa participation à la course après avoir déniché son sponsor . Elle va courir sur le monocoque de 60 pieds de Roland Jourdain (édition 2008)  sous les couleurs de Savéol, une entreprise agroalimentaire bretonne qui produit des tomates. En réalité, le projet est pluri-partenarial et fédère deux autres entreprises. Moins engagées financièrement, leurs noms seront donc moins exposés. 

"Je suis convaincu de ce modèle économique" que les entreprises Virbac (laboratoire de santé animale) et Paprec (recyclage de déchets) ont été les premières à mettre en place avec Jean-Pierre Dick, plaide Luc Talbourdet, président de la catégorie Imoca, association de coureurs et d'organisateurs de courses au large. Plus prudent, Bruno Retailleau estime que "ça n'est pas la seule réponse". "L'avenir ça ne sera pas l'inflation des budgets", insiste-t-il. Or, la voile est "un des sports dont le niveau d'investissement est le plus élevé car les bateaux coûtent chers, reconnaît Luc Talbourdet.

Plus de 4 millions d'euros de budget maximum

Car le voilà le nerf de la guerre: le budget du Vendée Globe est élevé. Le prix d'un 60 pieds neuf a été multiplié par huit entre 1989 et 2012 pour atteindre 3 millions d'euros; moitié moins pour un bateau d'occasion. A cela, s'ajoute 1,4 million d'euros liés aux frais de fonctionnement (entretien, électronique, mât de secours,...), frais de course (inscription, formation météo, déplacement du skipper et de son équipe, communication satellite, préparation mentale,...), logistique, assurances, salaires et charges du skipper et de son équipe.

"On ne peut pas faire comme si rien ne se passait. Je pense que les budgets notamment les bateaux ont connu une fuite en avant" avec le risque notamment que les PME régionales, actuellement impliquées quasiment autant que les grandes entreprises internationales décrochent.

Et pour arriver à des budgets plus raisonnables, Bruno Retailleau évoque deux solutions susceptibles de réduire la note de 30 à 40%. Ou bien la monotypie  (ndlr, bateaux fabriqués sur le même moule) sachant que les skippers ont actuellement le choix entre plusieurs catégories, ou alors encadrer la jauge plus strictement (mât et quille). "C'est une de ces voies qu'il faut trancher dans le premier trimestre 2012".

Effet de levier de 1 à 20

Toutes ces sommes investies dans cette course ne sont pas à pure perte.  "Les études que nous avons faites montrent que l'effet de levier est maximal sur le Vendée Globe.  Pour le Vendée Globe, cet effet est de 1 à 20, selon le classement à la ligne d'arrivée, avec des retombées globales, qui s'élèvent à 145 millions d'euros" insiste Bruno Retailleau.

L'occasion surtout d'accoler les valeurs de la voile à celles d'une entreprise, véritable moteur  tant auprès des salariés que des clients. "La course porte avec elle des valeurs qui sont extrêmement fortes. Un homme ou une femme seuls face à la mer, c'est l'exploit sportif et l'aventure extrême aux sens les plus stricts du terme".

 

 

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Commentaires 5
à écrit le 08/12/2011 à 13:45
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On s'en moque. C'est un truc pour Riches ,alors eux aussi doivent avoir la crise, Celle de l'anneau est effectivement insupportable comme à la Rochelle,où le temps d'attente est de plus de 10 ans. Alors le gueux lui n'a pas ce souci,et la plaisanc...

le 13/12/2011 à 20:05
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c'est amusant de voir que certains font un classement...avec deux catégories de personnes : les riches et les pauvres. Moi je me classe dans la catégorie pauvre (pas de bateau..juste un vélo). Pourtant quand dans mon poste de radio (le média le moins...

le 16/12/2011 à 14:51
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Juste pour le fun, un bateau de compétition n'a rien à voir avec un yacht. Difficile de faire plus spartiate, la lutte contre le poids est passée par là. Et je pratique ce sport depuis 40 ans en louant des bateaux à plusieurs. Hors saison c'est un lo...

à écrit le 07/12/2011 à 9:35
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Dommage. La voile est loin d'être le sport le plus onéreux, ce qui manque surtout ce sont les retombées audiovisuelles qui permettent à des sports comme le foot ou la F1 de vivre grassement. Or, ces dernières années, on constate d'une part que l'on e...

le 08/12/2011 à 18:59
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franchement je suis déçu qu'on ne mette pas plus d'argent dans la voile.comme s'il y avait des priorités urgentes!

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