Le tourisme fait sa révolution numérique sous la pression des start-up

Les locations entre particuliers sont au beau fixe. Ce phénomène touche aussi bien les logements que les voitures ou les bateaux. Pour autant, les professionnels traditionnels ne baissent pas la garde et proposent des offres plus inventives.
Le français Sailsharing s'est lancé dans la location en ligne de bateaux de plaisance. En 2015, sa flotte devrait atteindre les 500 navires. / DR

À l'heure du Web 3.0, le tourisme fait lui aussi sa révolution sous l'influence de start-up qui inventent de nouvelles applications et des services innovants dédiés aussi bien aux particuliers qu'aux professionnels. L'occasion pour les Français de réaliser de substantielles économies. Notamment sur les frais d'hébergement.

Car, plutôt que de séjourner en hôtel ou en club, de plus en plus de vacanciers ont désormais coutume de loger chez l'habitant grâce aux offres proposées par des plates-formes de location entre particuliers. À l'instar de la plate-forme communautaire américaine AirBnB qui revendique 600.000 locations auprès de 11 millions de voyageurs. Dont 1 million de voyageurs en France, devenue le deuxième pays utilisateur après les États-Unis.

De quoi susciter l'enthousiasme de Guest To Guest. Avec plus de 47.000 maisons réparties dans 174 pays, cette start-up française se revendique comme le troisième site mondial d'échange de maisons. Son activité consiste à orchestrer ces échanges entre particuliers, à charge pour les invités de décerner des points à leurs hôtes. En les cumulant, ceux-ci peuvent les utiliser pour trouver à se loger sans échange réciproque de maison. Plus de 60 % des échanges s'effectuent sur la base de ces points.

«Les revenus du site proviennent de la vérification des identités et bientôt descommissions prélevées sur les dépôts de caution et la souscription aux primes d'assurances», explique Emmanuel Arnaud, le fondateur et président de l'entreprise.

«Nous estimons que 30% des personnes prendront une assurance pour couvrir leur logement ou les frais de voyage en cas d'annulation», prévoit le dirigeant qui prépare une levée de fonds pour cette fin du mois d'avril.

Ces financements contribueront à agrandir l'équipe de six personnes avec le recrutement de professionnels du marketing et de développeurs informatiques.

Avec Internet, la location de vacances entre particuliers fait aussi tache d'huile dans le monde du nautisme. Sailsharing, un autre acteur Français, s'est lancé en juillet dernier sur le créneau des bateaux de plaisance avec le concours de propriétaires privés. La flotte ainsi constituée compte 150 navires à louer à des prix 30% inférieurs en moyenne à ceux du marché. L'inscription sur la plate-forme est gratuite.

«Pour nous rémunérer, nous prélevons une commission de 15% sur le prix de la location», explique Romain Dalongeville, le responsable marketing de cette entreprise qui compte deux autres passionnés de voile.

 Créée en 2013, la start-up parisienne vient de signer un accord avec Axa Yachting qui distribue ses solutions d'assurance sur le site. De quoi gagner la confiance de nouveaux propriétaires et multiplier par trois le nombre de bateaux disponibles.

«Autre bonne nouvelle, nous venons de lever 150.000 euros de fonds d'amorçage sur la plate-forme de financement participatif d'Anaxago», annonce le porte-parole qui espère atteindre les 500 bateaux de location en 2015.

Tout se partage, tout se loue désormais

Qu'il s'agisse de louer ou d'échanger son bateau ou son logement, se pose toujours le problème de la réception du vacancier durant l'absence du loueur. Pour résoudre ce problème, des services de conciergerie commencent à émerger, grâce notamment à Bnbsitter.

Ce site fait le lien entre les particuliers qui ont des biens en location et des professionnels de l'accueil. Une vingtaine de services y sont référencés pour le moment.

«Leur mission consiste à accueillir le voyageur, lui remettre les clefs, faire le ménage et le lavage du linge», déclare Biagio Tumino, l'un des deux cofondateurs de Bnbsitter qui compte quatre personnes.

Les prix : le check-in et le check-out 19,99 euros chacun, le ménage à partir de 19,99 euros.

«La conception de notre plate forme s'inspire du site Uber qui gère les demandes des clients et la disponibilité des chauffeurs privés en temps réel», confie le cofondateur du site qui est partenaire de Home Exchange, un autre site de troc de maisons.

«Nous comptons être rentables dès l'an prochain», assure le dirigeant qui travaille sur une seconde levée de fonds, après avoir recueilli en 2013 quelques dizaines de milliers d'euros.

À l'ère de l'économie collaborative, tout se partage et se loue. Même les voitures en stationnement dans les aéroports. Une idée poussée par la plate-forme Tripndrive. Le principe ? Le propriétaire, en instance de voyage, renseigne le site sur ses dates d'arrivée et de départ de l'aéroport où sa voiture sera mise en location à 60 % moins cher que le prix usuel du marché.

«Nous nous engageons à lui reverser des revenus sur les kilomètres parcourus et à lui assurer la gratuité du stationnement, même si son véhicule n'est pas loué», souligne François-Xavier Leduc, le CEO et cofondateur de Tripndrive.

Avant d'être louée, la voiture passe dans un tunnel où elle sera photographiée pour certifier l'état du véhicule. Idem lors de son retour de location.

«Notre métier, c'est de créer de la confiance et un écosystème fiable», argue le dirigeant qui a consacré avec ses associés une centaine de milliers d'euros au lancement de son activité.

«Aujourd'hui, nous sommes huit personnes et nous comptons nous développer dans les dix plus gros aéroports français et gagner l'export en 2015.»

Les économies ainsi permises sur l'hébergement et la location de voiture vont, à n'en pas douter, contribuer au développement de nouvelles activités touristiques.

C'est en tout cas la conviction de Frédéric Vanhoutte, l'organisateur des Totec, une conférence internationale axée sur le tourisme et les innovations, dont la sixième édition aura lieu en décembre prochain à Paris. Cet expert en e-tourisme cite l'exemple de la plate-forme WonderfulTime qui met en relation les touristes avec des personnes remarquables afin de vivre des expériences insolites et haut de gamme. Autre exemple : Cookening, le site qui permet d'aller déjeuner chez l'habitant.

Face à ces développements, les acteurs traditionnels n'ont comme alternative que de concocter eux-mêmes des services innovants ou à forte valeur ajoutée. Ainsi le loueur Marin d'Eau Douce donne-t-il «le la» avec sa flotte de bateaux électriques sans permis pour naviguer toute la journée sur les canaux parisiens.

Fabriqués en France, ses 15 bateaux accueillent entre 5 et 11 personnes. Le tarif journalier démarre à 150 euros. À bord, une tablette géolocalise les passagers et leur délivre des informations sur les lieux environnants.

«Nous nous adressons aux particuliers mais aussi aux entreprises pour lesquelles nous avons conçu des animations comme des chasses au trésor», détaille Olivier Doin, l'un des deux cofondateurs de l'entreprise créée fin décembre 2013.

Les deux trentenaires ont consacré 400.000 euros à cette activité qui devrait arriver à l'équilibre d'ici deux à trois ans.

Autre exemple de service innovant, celui de My Phone In Paris qui loue aux touristes étrangers des smartphones (des iPhone 5 en l'occurrence) pour 15 euros la journée (hors assurance). Les clients disposent d'un forfait illimité sur les appels nationaux et internationaux, sur Internet et des applications préchargées (RATP, Vélib, Petit Futé, Facebook, etc.).

«Une fois la location du smartphone prépayée sur le site, nous livrons et reprenons gratuitement l'appareil à l'adresse indiquée par le client», explique Jonathan Negrin, le directeur général de la start-up.

«Des modèles autres que l'iPhone seront disponibles ultérieurement, annonce le dirigeant qui a déjà investi 15.000 euros dans cette activité. Nous sommes en phase de test, nous espérons trouver des financements pour disposer d'une flotte d'une centaine de terminaux d'ici à six mois».

Le premier incubateur au monde dédié au tourisme

Bien entendu, l'arrivée des smartphones et des tablettes va contribuer à booster les visites dans les lieux touristiques. My Super Souvenir (MSS) en est convaincu.

«Nous proposons aux visiteurs d'un site touristique de créer et de partager en quelques clics un film souvenir dont ils sont les héros», résume Alex Chinon, designer de formation, CEO et cofondateur de cette entreprise créée en collaboration avec un spécialiste du marketing et un ingénieur en informatique.

Leur modèle repose sur la vente de films personnalisés (une série de clichés de leur visite où leur photo est incrustée), pour un peu moins de 10 euros, de cartes postales et autres produits dérivés.

Par exemple, MSS démarre avec le site du Futuroscope de Poitiers.

«En contrepartie, le parc d'attractions reçoit des revenus complémentaires et dispose d'un outil de communication viral», fait valoir le CEO qui prévoit de déployer son offre sur d'autres lieux en France, mais aussi à l'étranger. À l'instar de MSS, la plupart des entreprises citées dans cette enquête sont hébergées au sein du Welcome City Lab, un laboratoire ouvert depuis six mois à Paris.

«Il s'agit du premier incubateur au monde dédié à l'innovation dans le tourisme urbain», revendique Laurent Queige, le délégué général qui accueille déjà 27 startup avec l'ambition de faire de Paris le leader mondial dans l'innovation touristique.

Ce projet est appuyé par sept grandes entreprises (Air France, Amadeus, Galeries Lafayette, etc.) qui veulent stimuler leur propre innovation au contact de ces startup et repérer les meilleurs talents avant la concurrence.

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>>> FOCUS La réalité virtuelle entre dans les centres culturels

Les centres culturels font aussi leur révolution numérique, comme en témoigne Smartapps. Cette entreprise créée en 2010 a développé une plateforme adoptée par des musées parisiens afin de construire et gérer leurs propres applications. Ce qui permet aux visiteurs de les télécharger sur leur smartphone pour préparer leur visite ou enrichir leur parcours. Forte de ce savoir-faire, l'entreprise a développé avec le musée Jacquemart-André un pilote qui ouvre la voie aux visites virtuelles.

smartapps 

« Notre application permet aussi aux visiteurs de se géolocaliser dans le bâtiment », indique Frédéric Durand, directeur associé de Smartapps.

L'entreprise, qui compte 6 personnes dont 3 ingénieurs, consacre 30 % de son chiffre d'affaires en R&D.

« Nous explorons les nouveaux usages, comme la géolocalisation Indoor, les visites immersives en 3D », décrypte le directeur associé de l'entreprise, qui prévoit de proposer dans six mois des applications en réalité augmentée via les Google Glass.

De quoi intéresser les musées français et étrangers, sachant que l'entreprise a noué un partenariat avec un distributeur britannique qui fournit des services et des produits aux institutions culturelles.

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