Le MoMA de New York joue la carte de l'interactivité

Avec les nouvelles technologies, les musées doivent changer, repenser intégralement leur structure ainsi que leur approche du numérique pour s'adapter aux attentes de leurs visiteurs. Le célèbre musée new-yorkais a commencé à le faire, avec pragmatisme.
L'exposition « A Collection of Ideas », présentée au MoMA jusqu'au 15 février 2015. Le musée n'hésite pas à intégrer l'art numérique ainsi que les jeux vidéo à ses acquisitions.

Début février 2014, le musée d'art moderne de la ville de New York a annoncé la création d'une direction de la stratégie et des contenus numériques, confiée à Fiona Romeo. Le constat ? Très clair : à une époque où le numérique est de plus en plus omniprésent, il est devenu indispensable de renforcer les liens entre le public et les plates-formes numériques, afin d'améliorer l'expérience des visiteurs et de renforcer les liens tissés avec eux.

Bref, il faut faire entrer les musées dans... le XXIe siècle, une époque où l'art, la culture et les nouvelles technologies ne sont plus cloîtrés entre quatre murs. Glenn Lowry, le directeur du MoMA, ne s'y est d'ailleurs pas trompé, car si « environ 3 millions de personnes visitent le musée chaque année, 43 millions de personnes sont en relation avec la galaxie numérique du MoMA »...

Pour autant, le bon vieil audioguide - l'une des premières innovations technologiques à entrer dans les musées - n'est pas près de disparaître. Apparu en 1952, lors de l'exposition « Vermeer, vrai ou faux », au musée Stedelijk, à Amsterdam, cet outil peut sembler aujourd'hui archaïque au regard des nouvelles technologies. Il a simplement besoin de se réinventer, comme il a déjà su le faire par le passé.

Dans les années 1960, par exemple, la Smithsonian Institution avait mis au point un audio-guide modulable, capable de répondre aux attentes de ses visiteurs, à leur diversité et à leur éclectisme : il leur proposait plusieurs parcours pour la même exposition, chacun ayant un style différent.

En 1973, le Milwaukee Public Museum avait tenté d'aller un peu plus loin, avec des audioguides interactifs. Le récit audio qui accompagnait l'exposition se coupait brusquement si le visiteur ne répondait pas correctement à la question qui lui était posée. La lecture du récit reprenait une fois la bonne réponse cochée dans un lecteur de cartes perforées...

Du vieil audioguide à l'iPod interactif

Si l'actuelle stratégie numérique du MoMA est bien moins rigide, le but reste le même : améliorer la façon dont les collections sont présentées, explorées et appréhendées. Tout en mettant à contribution le visiteur et en le faisant participer. Récemment, le musée a ainsi lancé le programme MoMA Audio+, afin de redonner un sérieux coup de jeune au vieil audioguide.

Le musée prête ainsi des iPod qui permettent une interactivité accrue, un service de géolocalisation et une possibilité de partage de contenus via courriels ou réseaux sociaux. À l'heure actuelle, le musée travaille à la transformation de ce prototype en application téléchargeable sur smartphone.

Lors du lancement du MoMA Audio+, Glenn Lowry expliquait :

« Le guide de visite a maintenant évolué vers un outil plus personnel et plus fluide que nous sommes fiers de mettre à disposition de nos millions de visiteurs. En accord avec notre mission d'aider le plus grand nombre à comprendre et apprécier l'art moderne et contemporain, le guide Audio+ s'adapte aux besoins et au profil des visiteurs. Il est associé avec une connaissance croissante de l'environnement numérique et des pratiques des utilisateurs. »

La nouvelle directrice de la stratégie et des contenus numériques, Fiona Romeo, est désormais chargée de superviser les innovations, les collections en ligne, les outils numériques, ainsi que les applications mobiles du musée. Ce qu'elle n'aura guère de difficulté à faire, étant depuis longtemps une fan de l'institution :

« Le MoMA a toujours été ma première étape lors de mes visites à New York... c'est la meilleure collection d'art contemporain au monde », avait-elle assuré, lors de sa nomination, avec la foi du charbonnier.

Fiona Romeo n'est pas peu fière de la « provocation » dont fait preuve le MoMA avec ses acquisitions d'art numérique. Comme lorsque le musée a voulu montrer que les jeux vidéo sont une forme de design et d'art.

Ces innovations sont-elles cependant en phase avec ce qu'attend vraiment le grand public d'un musée ? Les plus sceptiques relèveront le mot « provocation » utilisé par Fiona Romeo. D'autres, ceux qui ne sont pas coutumiers des nouvelles technologies numériques, pourraient les considérer comme de simples et éphémères gadgets par rapport à ce qu'ils ont l'habitude de voir. Par ailleurs, les initiatives comme le Google Art Project donnent à l'internaute un accès numérique aux collections des musées. Le visiteur peut alors zoomer sur des images composées de 7 milliards de pixels et ainsi découvrir millimètre par millimètre les moindres détails et coups de pinceau, invisibles à l'oeil nu. Notre relation aux oeuvres s'en trouve par conséquent changée et, aujourd'hui, beaucoup rechignent à l'idée de voir de l'art dans ce format.

Rester proche de l'expérience physique

La stratégie numérique du MoMA a deux volets. Dans le premier, son approche est très peu révolutionnaire et s'attache à respecter l'échelle humaine. C'est peut-être là l'un de ses secrets : sa bonne réputation en matière technologique vient sans doute des innovations proposées, jamais brutales, toujours naturelles.

Un exemple ? Il est bien sûr possible de visiter en ligne les expositions du MoMA, mais les pièces ne sont pas présentées virtuellement comme elles le sont sur les murs du musée : un format adapté est choisi pour la présentation de chacune d'elle. De la sorte, on se rapproche davantage du catalogue traditionnel que d'une plate-forme numérique complexe à utiliser et dont le format ne correspond pas à une utilisation domestique.

Dans la même veine, l'application du musée se veut résolument pratique et accessible. Elle est gratuite, mais ce n'est pas autre chose que la version numérisée des classiques prospectus et cartes du musée. Autrement dit, l'expérience numérique proposée par le musée reste liée à l'expérience physique du visiteur, sans pour autant créer de redondance. Les initiatives numériques viennent donc en complément de l'exposition elle-même pour la rendre plus accessible, plus compréhensible tout en lui donnant une présence - et une audience - sur Internet. Ce que Fiona Romeo appelle « relier les expériences physiques et numériques entre elles ». Son credo.

Le second volet de la stratégie numérique du MoMA concerne les oeuvres elles-mêmes : au lieu d'essayer de numériser les pièces physiques, l'institution a commencé une collection permanente d'art numérique. Les acquisitions les plus récentes en la matière font état de 14 jeux vidéos et 23 oeuvres numériques. Là encore, ces entrées dans les collections permanentes restent en phase avec notre quotidien. Le MoMA met de côté le sens pratique et fonctionnel du numérique et hisse ce dernier au rang d'oeuvre d'art. Il explore ainsi le potentiel artistique de ces nouveaux médias.

En réalité, l'approche la plus révolutionnaire qu'a eu le MoMA n'est pas tant dans les outils et les technologies utilisés, que dans sa capacité à créer un dialogue et à stimuler son public. À notre époque, celui-ci veut participer, répondre et partager son expérience muséale. Or, c'est précisément pour répondre à ces attentes que le MoMA utilise le numérique.

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Traduit de l'anglais par Ken Haghen

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