Lia Giraud, celle qui fait de l'art avec du vivant

Née en 1985 à Paris, Lia Giraud est une artiste représentative du bioart, un courant de l'art contemporain formalisé dans les années 2000 et prenant pour médium les ressources offertes par la biotechnologie.
L'artiste « imprime » une image photographique sur des micro-algues grâce à la photosynthèse.

Ma rencontre avec Lia Giraud fut des plus simples et détonnantes. Au détour d'un site Internet, je découvre une partie de son travail. Mes vieilles ambitions scientifiques se mêlent instantanément à ma passion pour l'art. Je la contacte très rapidement et elle me reçoit aussi promptement. Je la découvre dans sa résidence/atelier à Montmartre, à la Cité internationale des arts.

Lia Giraud est une jeune femme au rire éclatant et à la personnalité toujours positive. À presque 30 ans, elle reste fascinée par la vie. Dans tous les sens du terme. Elle me raconte son parcours : ses hésitations entre les sciences et l'art au moment de faire un choix pour ses études ; son appropriation de la photographie à l'École nationale d'art de Cergy ; la fascination pour le RER A, qui semble rythmer la créativité des étudiants là-bas ; ses recherches parallèles sur la sociologie ; ses frustrations quant aux capacités de son médium à faire ressortir toute l'étendue des émotions ; les interrogations qui en découlent.

Esthétique et technique

Elle s'ouvre à ses voyages : le Canada, le Cambodge, les camps de Roms aux portes de Paris, l'Inde du Jugaad, ce « système D » indien poussé à l'extrême. Sa tendresse pour la créativité humaine, sa sensibilité pour les êtres, son sens aigu du détail et sa malice la rendent instantanément fascinante. Son travail sur les algues, tout à la fois esthétique, technique, conceptuel, brillant de simplicité et de finesse, interroge autant sur la manipulation du vivant, l'appropriation de l'image, la suprématie du temps ou même l'usage de la bonne terminologie !

Elle manipule le procédé naturel de la photosynthèse sur des micro-algues afin de leur faire « imprimer » une image photographique. Ce qu'elle appelle l'algae-graphie. Elle forme ainsi des images avec du vivant. Même manipulée, la nature continue d'être : elle évolue, vieillit et meurt ; tout comme l'image qu'elle a formée. Ce fut ma première rencontre avec le bioart.

Mon premier réflexe, en ancien ingénieur, est de lui demander comment elle procède. Elle prend le temps de m'expliquer les solutions, les longueurs d'ondes, les temps d'exposition, la couleur, la photosynthèse, la croissance des algues. Elle parle avec passion des personnes qui ont eu la bienveillance de l'aider dans ses recherches ou - a minima - de toujours lui avoir répondu. Elle insiste sur Claude Yéprémian, responsable de l'algothèque du Muséum d'histoire naturelle, le premier à lui avoir dit « oui ». Elle aime le parallèle avec la science-fiction : l'ambiance des laboratoires, les professeurs en blouses blanches, les expérimentations simplement « par ce que cela est possible ».

De ce procédé initial, tout est envisageable : des images animées, de la couleur, du travail sur du « temps réel long » (en imprimant sur les micro-algues un flux en direct). Elle continue d'expérimenter et de perfectionner son savoir-faire.

Des artistes vecteurs de progrès

Lia Giraud nous montre comment les artistes peuvent apporter du progrès bien au-delà de leur oeuvre propre. Par leurs essais, pour elle techniques, ils font progresser la connaissance de manière générale. L'innovation dans l'art d'aujourd'hui prend ainsi de multiples formes qu'il nous appartient de savoir percevoir et dénicher. Innovation dans le financement de la production également. Lia Giraud, Benoît Verjat et Alexis de Raphelis ont fait appel au financement participatif pour leur projet d'installation, Immersion.

Celui-ci fait dialoguer un film et une image vivante formée par les micro-algues. Cette interaction en temps réel vise à explorer les effets du temps. Ce projet a réussi son financement sur KissKissBankBank avec plus de 100 participants et le budget initial dépassé de moitié. Il a également bénéficié de la collaboration du designer Adrien Bonnerot, du photographe Olivier Gade et de l'aide technique de nombreuses institutions : Le Fresnoy ; ENSADlab ; SUPELEC ; Le Muséum d'histoire naturelle à Paris.

Le visiteur entre dans une salle obscure et aperçoit une sculpture en verre, le « temporium », à proximité d'un écran de projection. Cette sculpture abrite un laboratoire animé, mélange de mécatronique et de cultures vivantes. Le dispositif, entièrement autonome, s'anime par un échange de flux, de captations, de régulations, pour permettre la formation d'une image-vivante. Celle-ci et le film communiquent en temps réel au moyen d'une interface informatique.

Le déroulement du film influence ainsi la formation de l'image-vivante et en réponse le mouvement des micro-algues modifie la durée des plans du film. Un aller-retour permanent s'opère.

Je l'interroge sur ses ambitions par rapport à ses découvertes, si elle compte les breveter ou essayer d'en trouver des applications industrielles. Comment compte-t-elle en vivre ? Il y a un certain challenge à essayer de vendre des objets qui mettent des mois à être produits et se désagrègent en à peine plus de temps !

Elle me répond qu'elle a en ce moment la fortune d'être soutenue par sa résidence et son contrat doctoral à l'EnsadLab, et qu'elle compte bien en profiter pour explorer le plus de pistes possibles. Les problématiques économiques viendront plus tard !

D'un régne à l'autre

Lia Giraud est ainsi bouillonnante d'envies. Son prochain défi : les minéraux. Elle s'intéresse à la formation des stromatolithes, des roches calcaires bio-construites par des communautés bactériennes. Elle me parle d'expériences qui ont déjà été menées par d'autres. Elle a tout récemment découvert un type particulier de pierres qui permettraient de rendre à l'échelle humaine le temps nécessaire à la formation d'images.

En effet, la formation de roche minérale pure prend des dizaines de milliers d'années, les stromatolithes se construisent, eux, en quelques années seulement.

Tout cela engendre nécessairement chez elle de nouvelles interrogations : le minéral comme « enregistrement », l'importance du temps dans la construction de l'image, l'accumulation de l'histoire et de l'expérience par le vivant et le non-vivant.

Après le biologique et le minéral, pourquoi pas l'espace ensuite ? Avec elle, rien n'est impossible ! Est-ce peut-être la force des artistes ? En tout cas, c'est la sienne.

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Commentaires 2
à écrit le 08/10/2014 à 19:24
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La Bio art au niveau mondial est le seul espoir qui reste a l'art contemporain de s'en sortir de l'impasse dans lequel il se trouve, et finalement le photographe Italian Gianni Fasciolo est très conscient de ce fait la, et il n'en désespère pas du to...

à écrit le 23/08/2014 à 16:53
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Le nom BIOART a été officialisé en 1990 par le photographe gianni fasciolo, il soumet le film photographique aux agents atmosphériques, grâce à ces procedures biodynamique , il prépare les films qui seront imprimées sur C-print ou Lambda

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