Une petite révolution est en marche dans les hôtels de luxe

Une décoration personnalisée, une restauration recherchée et parfois même des services innovants… Les grandes chaînes d’hôtel oublient (au moins en façade) des années de luxe industrialisé et semblent gagnées par la tendance “Mama Shelter“. Même le Hilton s’y met, sur le papier.
Marina Torre
Avant sa rénovation, les murs du "Grand Salon" du Concorde Opéra étaient rouges. Montant total des rénovations : 50 millions d'euros de dollars.

Dorures tout juste restaurées du foyer classé, Black Angus au menu du Terminus, suite présidentielle qui, à défaut de piano, n'a de "Maria Callas" que le nom... Au Concorde Opéra, Hilton se donne des airs parisiens dans un bâtiment Belle Epoque. Le groupe américain n'avait plus d'adresse dans la Ville Lumière depuis 2013. Il y est revenu début 2015, en hissant son logo bleu sur le fronton de l'ancien Grand Hôtel Terminus. Il y fait face à une gare St Lazare récemment transformée en centre commercial dernier cri.

Hôtel mythique

L'établissement rangé dans la catégorie 4 étoiles - même si la "maison n'aime pas trop ce classement", appartient à la gamme Hilton & Resort, vouée aux loisirs. Ses hôtels sont par principe moins standardisés que les Hilton d'aéroport, clairement destinés à un tourisme d'affaires. Celui-ci, par son décor au moins, se donne une touche "frenchy" destinée à plaire en priorité à sa clientèle américaine, la plus nombreuse parmi ses visiteurs. "Un hôtel mythique comme celui-ci, l'occasion ne se rate pas", indique Rob Palleschi, le patron de cette filiale.

Lors d'un bilan annuel présenté le 11 février, Olivier Petit, associé chez In Extenso/Deloitte, spécialiste du secteur, commente :

"Dans les années 1970 à 2000, l'hôtellerie s'est tournée vers une hyper-standardisation, une hyper-rassurance du client. Tous les produits étaient identiques partout dans le monde de manière à s'assurer que l'on avait bien le même niveau de service partout. Aujourd'hui toutes les marques ou presque, tous les grands groupes hôteliers ont développé une marque 'lifestyle' où elle apporte de la personnalité"

Tous copieraient de près ou de loin le modèle d' "hôtellerie expérientielle", décliné en boutique-hôtel et autres hôtels-concept avec moins de chambres, mais une décoration, une restauration et un service ultra-travaillés. Sur ce principe repose le nouveau succès des Trigano, le Mama Shelter avec sa déco signée Stark, ses grandes tablées et ses mises en scènes désormais déclinées de Belleville à Beyoğlu. Une tendance remarquable pour Olivier Petit :

"Les exemples comme Mama Shelter sont intéressants car ils prennent le contre-pied de la tendance des hôteliers qui considèrent que restauration, spa etc. demandent trop de personnel et dégagent trop peu de marge brute. A contrario, ces nouveaux concepts reposent sur l'idée que pour dégager cette marge brute, il faut créer un lieu de vie et donner envie aux gens de venir grâce à la restauration."

 Du bling-bing au bobo

Le groupe Hôtel de Paris s'inscrit dans la même lignée depuis l'ouverture du Murano près de la place de la République ouvert au début des années 2000 et désormais remplacé par le 1K. Sébastien Didelle directeur marketing des Hôtels de Paris, qui gère les lieux, explique :

"A l'époque de sa création, le quartier n'était pas encore bobo comme aujourd'hui. Son aspect un peu 'bling-bling' qui s'adressait à une clientèle de 'techies' qui n'avaient pas encore de lieu pour se retrouver tranchait un peu trop. Nous avons décidé de le transformer en lieu plus ouvert sur la rue avec une terrasse."

Transformé en "1K", il garde sa vocation excentrique avec "son bar à mezscal, et ses ceviche péruviens au menu. Un concept voué à être exporté ailleurs". Le bar - glacé à Paris - est également un élément central du Kube près de la gare du Nord puisque c'est lui qui attire les clients.

Pour ses autres établissements plus classiques comme le Normandy Hotel actuellement en rénovation, le groupe hôtelier créé en 1992 prévoit d'installer la salle du petit déjeuner dans un lieu "réutilisable, peut-être dans une bibliothèque où l'on puisse poser son ordinateur, se connecter. Un lieu convivial car les hommes d'affaires qui rentrent tard le soir n'ont pas forcément envie de se retrouver tous seuls dans leur chambre", explique le directeur marketing.

Un avis apparemment partagé par Olivier Petit, chez Deloitte, qui va plus loin :

"Si l'hôtellerie reste dans une approche trop classique, trop standardisée elle va se faire tailler des croupières par les nouveaux types d'hébergement".

"C'est ainsi que Paris veut se montrer"

Chez Hilton, pas question cependant d'aller trop loin dans le décalage, du moins dans la Ville Lumière. "Le monde veut voir Paris et c'est ainsi que Paris veut se montrer", affirme Rob Palleschi :

"Nous avons eu d'autres opportunités à Paris, mais des investisseurs de l'extérieur nous ont proposés des idées qui, à mon sens, ne correspondent pas à l'esprit parisien. A Tokyo ou New York, vous pouvez avoir des hôtels qui évoquent l'Asie ou le Moyen-Orient mais ici, le marché n'est pas prêt pour cela"

Un classicisme qui se retrouve au Concorde Opéra où, malgré une décoration moins standardisée que dans d'autres établissements du groupe, service et architecture d'intérieur n'en restent pas moins définis par un cahier des charges ultra-détaillé. Lequel laisse peu de place à l'imagination. Par exemple, le designer de chaque maison peut choisir les lampes comme il le souhaite...  "à condition qu'elles soient murales afin que le client puisse utiliser la table de chevet à sa guise", explique Celia Geyson, chargée de l'architecture et du design du groupe en Europe et au Moyen-Orient.

Et pas question de faire oublier que l'on se trouve dans un Hilton. Les incontournables pommes granny, trônant dans tous les Hilton, trouvent leur place dans l'"Executive Lounge", l'espace réservé aux clients privilégiés. Ces clients, d'affaires ou non, capables de s'offrir régulièrement des séjours dans un établissement de la chaine, voient leur fidélité récompensée par de menues exclusivités, comme ce bar en libre-service toute la journée. Ces clients, affublés d'une carte "HHonnor sont très importants pour nous" confirme un autre responsable du groupe, en France cette fois. Verdict de l'une de ces clientes choyées après un passage à Paris: "chambres pseudo rénovées mais kitsch et à peu de frais, décor à l'Américaine mais magnifique atrium classé et concierge exceptionnel". Les avis sont un peu moins tranchés sur TripAdvisor.

Résidence secondaire

Pour tous les hommes et femmes d'affaires qui ont leur résidence secondaire dans tous les Hilton de la terre, l'heure n'est donc pas (encore) au dépaysement total, du moins à Paris. Mais, en pleine folie des rénovations et ouvertures de palaces, la nouveauté viendra peut-être du futur établissement parisien de la chaîne, au 55-57 avenue de Saxe. Un bâtiment acheté fin juin 2014 par la compagnie de Phalsbourg à la Foncière des régions qui abrite encore des bureaux d'Orange et doit être reconverti en hôtel Hilton. Fait rare pour la chaîne, il comptera moins de 200 chambres et un restaurant avec vue au dernier étage. Pour l'instant ce n'est qu'un projet : l'ouverture est prévue pour fin 2017 et aucun permis de construire n'a encore été déposé.

Marina Torre

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Commentaire 1
à écrit le 20/02/2015 à 20:19
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A préciser qu'il ne s'agit plus d'un Concorde mais d'un Hilton. Il s'appelle Hilton Opera et non pas Concorde. Concorde Hotels appartient à Louvres Hotel et il n'y en a que 2 a Paris, le Concor Montparnasse et le Lutetia.

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