Face aux fermetures des salles, le monde du sport entre crise et opportunités

Quand certains acteurs du secteur souffrent durement des fermetures imposées, d'autres engrangent de l'activité grâce notamment aux pratiquants qui cherchent des alternatives en ligne face aux restrictions. C'est le difficile constat que font les professionnels du sport; ceux qui travaillent dans les salles, face à des entrepreneurs du digital qui développent des solutions pour garder la forme, ou ceux qui utilisent le Web pour générer des revenus. Accessibles 24h/24 et 7j/7, les cours de sport en ligne se révèlent être un nouveau filon à exploiter.
(Crédits : Pixabay License)

Ni commerce, ni lieu de sorties, mais quotidiennement fréquentées, les salles de sport ont particulièrement souffert de leur statut intermédiaire depuis le début de la crise sanitaire. Fermées pendant le confinement en mars, elles ont ensuite réouvert lors du déconfinement de juin, avant de baisser à nouveau leur rideau le 24 septembre à Paris, (mais aussi à Lille, Toulouse, Saint-Etienne, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier, Bordeaux, Lyon et Nice.) Dans plusieurs villes, des salles de sport tentent de contester cette décision. Au total, les pertes sur les chiffres d'affaires en 2020 s'élèveront à un milliard d'euros pour les 4.500 salles de sport de France, a alerté l'Union Sport et Cycle, première organisation professionnelle de la filière sport et loisirs.

« Et encore, cela concerne seulement l'activité. L'impact sera bien plus conséquent pour l'économie française dans son ensemble », prévient Damien Jacquart, responsable marketing et développement commercial de l'organisation.

Côté enseignes, le constat est le même. Pendant le premier confinement, "Keep Cool", la deuxième plus grosse enseigne en France en nombre de salles avec 260 structures évoque une « perte de 25% de chiffre d'affaires pour le marché du fitness », d'après Thomas Monnier, le directeur général adjoint de la franchise sur Europe 1.

Malgré la promesse du gouvernement de compenser "totalement" les pertes, avec notamment « jusqu'à 10.000 euros d'aides pour ce mois-ci par propriétaire de salles de sport et une exonération des charges », l'avenir reste bouché pour le monde physique du fitness et sport.

Cours en ligne et YouTubeurs ont la cote

Un cataclysme dans le secteur du sport individuel qui profite pourtant à d'autres. De fait, depuis les fermetures, les pratiquants ne manquent pas de chercher des alternatives et se sont tournés vers Internet dès le mois de mars. En témoigne FizzUp, une application de santé et entraînement, qui compte plus de cinq millions d'utilisateurs. « Nos statistiques ont explosé pendant le confinement en étant multipliées par vingt », confie à La Tribune Léa Ducret, responsable marketing opérationnel.

De même, les séances de sport en ligne proposées par Decathlon Coach ont aussi connu un boom pendant le confinement. De 350.000 par semaine avant la crise, ce chiffre a doublé pour atteindre 700.000 sessions durant la période d'isolement, fait savoir l'enseigne. Les semaines du 13 et 20 avril ont été celles enregistrant le plus gros pic.

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Les communautés de sportifs grandissent

Aussi, les chaînes YouTube d'influenceurs fitness n'ont pas échappé à l'engouement pour le sport en ligne. Parmi elles, la coach "Sissy Mua" fait +38% entre la semaine du 9 mars et celle du 16 mars qui comptait alors à date 1,3 million d'abonnés. Tout comme "Tibo InShape" : +22% via sa chaîne Entraînement (637.000 abonnés) ou encore +24% pour Lucile Woodward et ses 224 000 abonnés d'alors. Présente également sur YouTube, l'émission de télévision "Gym Direct" a aussi vu ses cours en ligne enregistrer +14% de fréquentation cette même semaine. Et garder une audience hebdomadaire dépassant les 2 millions de vues pendant tout le confinement - dont quatre semaines à plus de 4 millions - contre de l'ordre de 300.000 auparavant.

Si l'audience s'est calmée par la suite et est redescendue à des niveaux plus « normaux », elle est toutefois restée légèrement supérieure à ce qu'elle était avant le confinement pour Sissy Mua et Lucile Woodward. Les chaînes Tibo InShape Entraînement et Gym Direct ont quant à elles continué à garder un nombre de vues près de deux fois supérieur à ce qu'il était. Du côté de FizzUp, les chiffres post-confinement sont « restés supérieurs à avant, mais on a noté une baisse légère de la motivation », tempère Léa Ducret.

Pas de croissance sur les nouveaux abonnés depuis l'automne

La fermeture des salles de sport ces dernières semaines dans les zones d'alerte renforcée et maximale n'a par contre pas eu d'impact significatif sur l'audience de ces différents acteurs. Le nombre de vues est plutôt stable depuis le début du mois de septembre pour les chaînes de Tibo InShape Entraînement, Gym Direct et Lucile Woodword. Seule celle de Sissy Mua a enregistré un bond important (+63%) la semaine du 5 octobre par rapport à la précédente.

La stagnation est la même chez FizzUp, alors que la grande majorité de ses utilisateurs se trouve à Paris, ville concernée par la fermeture. « On pensait en effet que cela entraînerait une hausse de nos statistiques, mais ce n'est pas flagrant », reconnaît Léa Ducret.

La responsable marketing lie ce faible impact à la période de l'année. « Beaucoup de personnes perdent la motivation de faire du sport à l'approche de l'automne. Chaque année, nos chiffres sont bas sur cette période ». Une perte de motivation couplée au fait que beaucoup de salles de sport restent ouvertes dans l'ensemble du pays, estime FizzUp.

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Des offres qui s'étoffent

Quelques franchises de salles de sport n'ont en tout cas pas attendu le confinement pour sentir l'envie de leurs clients à plus de digitalisation. Dès 2017, Basic-Fit a ainsi lancé son application sur les plateformes de téléchargement. Elle est aujourd'hui incluse dans le prix de l'abonnement en salle physique pour « aider à atteindre [ses] objectifs de santé et de forme physique » à la maison. Celle de Keep Cool, créée en 2011, s'est enrichie d'un programme sportif en 2018. D'autres sont arrivées plus récemment, comme l'offre Neoness Live, de l'enseigne du même nom, lancée en juillet dernier.

Ces acteurs du fitness ont par ailleurs étoffé leurs offres de cours en ligne en proposant des séances en direct sur les réseaux sociaux pendant le confinement. Des coachs indépendants et même des enseignes spécialisées dans le sport s'y sont mis. Si ces rendez-vous se sont raréfiés à la sortie du confinement, certains les ont repris depuis la fermeture des salles de sport. À l'instar de Go Sport, qui propose deux sessions de sport gratuit par semaine sur Instagram et Facebook.

D'après Léa Ducret, il n'y a par contre « pas eu de grosses applications fitness qui ont émergé ces derniers mois ». Cela pourrait toutefois changer très bientôt. Apple a par exemple annoncé en septembre la sortie de son application « Fitness+ » à la fin de l'année 2020. Coordonnée avec sa montre connectée Apple Watch, elle permettra de se créer un programme sportif personnalisé et de suivre des cours en vidéo sur n'importe quel écran.

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Le succès de la gamification

Une tendance émergeait déjà avant l'épidémie de Covid-19, et que la crise a exacerbé, est le développement des solutions de sport immersives. Comme celles proposées par Peloton, entreprise américaine qui a déployé une application de cours connectés à sa machine, par exemple un vélo d'appartement. Équipé d'une tablette, il est possible de suivre une séance donnée par un coach en ligne tout en étant en lien à une communauté avec laquelle échanger ou confronter ses expériences.

Une « gamification » de l'activité sportive pour Damien Jacquart, qui permet de maintenir l'intérêt des pratiquants et d'éviter la lassitude. Et qui plaît : « Les ventes e-commerce de matériels et accessoires ont explosé depuis le premier confinement, jusqu'à +300% pour certains acteurs d'équipement à domicile. On a aussi vu des pratiquants opter pour des solutions digitales et d'équipement plutôt que de se réinscrire à la salle de sport compte-tenu du manque de visibilité sur les ouvertures », observe l'expert. Une modification des comportements qui pourrait s'intensifier tant l'incertitude qui plane sur le secteur en France est importante.

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Les petites salles ne se relèveront pas

Pour l'Union Sport et Cycle, proposer des contenus digitaux à ses adhérents est en tout cas une transformation indispensable pour les salles de sport, sans pour autant se substituer à la présence physique. Ces cours en ligne sont un outil complémentaire, tout comme pourrait l'être un accompagnement global au-delà du sport (via des conseils sur de la diététique par exemple). Et un moyen de se démarquer de la concurrence en ligne.

Reste que, si les grandes enseignes ont pu rapidement proposer du contenu digital, tel n'est pas le cas de l'ensemble des salles de sport. « Les petits indépendants n'ont pas la possibilité de payer leurs locaux et leurs charges et d'investir en parallèle dans cette évolution », signale Damien Jacquart. C'est en plus un risque à prendre qui nécessite réflexion : est-ce que cet investissement permettra réellement de compenser la perte du nombre d'adhérents ?

Ces indépendants en situation compliquée représentent les deux tiers des 4 500 salles de sport en France. Si le plan de relance de 100 milliards d'euros annoncé début septembre par le gouvernement pourrait soutenir ces professionnels, « il y a de grandes chances qu'ils aient disparu le temps qu'il se mette en place », craint l'expert de l'Union Sport et Cycle. Car, en moyenne, un gérant de salle de sport doit continuer à payer 19. 000 euros par mois même lorsqu'il est fermé, d'après l'organisation professionnelle. Elle estime ainsi que 17% des salles de sport vont fermer avant fin 2020 et 61% dans moins d'un an.

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Commentaires 2
à écrit le 21/10/2020 à 8:34
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Le sport tue en ce moment. Il faut tout arrêter. La preuve ici en Thailande peu de cas de covid et environ 60/70 décès qui sont concernés ? ....des étrangers en majorité qui fréquentaient les salles de sport et en plein air en plus. Le sport tue .....

à écrit le 20/10/2020 à 13:44
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vivement la taxation du sport professionnel, en environnants . . .

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