Livraison urbaine : un business de plus en plus électrique

Organiser des tournées en véhicules électriques à partir d'entrepôts en proche périphérie ou même dans l'hypercentre devient le leitmotiv des professionnels de la logistique. Mais la rentabilité de ce modèle n'est pas encore au rendez-vous...
Le concept de Distripolis de Geodis combine tricycles électriques et "bases logistiques urbaines écologiques". / DR Geodis

L' hypercentre urbain, nouvel eldorado des acteurs du transport et de la logistique ? Certains y croient. Et ce, malgré les multiples contraintes liées à la livraison en ville comme, entre autres, la rareté et le prix très élevé des aires de stockage : de 80 à 130 euros par mètre carré et par mois en proche périphérie ou en centre-ville, contre de 42 à 52 euros en lointaine banlieue ou en région. En outre, les politiques environnementales des municipalités visent à réduire à la la congestion du trafic urbain... tout en réduisant la largeur de la chaussée et les horaires de livraison autorisés.  Dur, dur de faire passe en ville un 3,5 t ou un semi-remorque !


Pas étonnant donc que le coût du « dernier kilomètre » s'envole, à près de 20% du coût total du transport, d'après une étude du CNRS-LET (Laboratoire d'économie des transports) de Lyon. Pour le réduire, des opérateurs comme Deret, Chronopost, Geodis, Sofrilog, Sogaris ou Vert chez vous expérimentent en grandeur nature de nouveaux modèles économiques. Lesquels s'appuient sur des entrepôts avancés en proche banlieue ou en hypercentre auxquels s'ajoutent des véhicules utilitaires légers, parfois électriques, voire des tricycles électriques.


Parmi les pionniers, Sofrilog est un réseau de logisticiens qui, fort d'une activité historique de commissionnaire de transport, s'est diversifié en 2009 dans le transport à la demande de certains de ses clients. « Depuis lors, nous avons deux créneaux : l'intercité et la distribution urbaine. Cette dernière est non seulement rentable, mais surtout en forte croissance », explique Sébastien Bossard, directeur commercial de Sofrilog (85 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2011, 550 salariés), qui rassemble 44 entrepôts sur le territoire, stockant 1 400 000 m3, entre autres à Rungis (60 000 m3), Vitry (50000 m3), Marne-la-Vallée (90000m3) et Trappes (90000m3). « Nous avons même, précise-t-il, un plan de déploiement national pour les trois années à venir en faveur de la distribution urbaine de colis. Dans ce but, nous utilisons des véhicules légers de 750 kg à une tonne. » Un premier pas vers une distribution allégée.


Mais le vrai tournant est écologique. À cet égard, le groupe Deret (170 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2012 avec 1700 personnes), basé à Orléans, mise dès octobre 2009 sur des entrepôts cette fois-ci non pas en périphérie mais en hypercentre urbain. Et, dans la foulée, sur des véhicules électriques. « En 2009, nous avons voulu revoir notre façon de distribuer les marchandises sur palettes, rolls et cintres. Nous avons alors pris la décision de refondre nos plans de transport en accord avec nos clients, expose Jean-Luc Fournier, directeur de la communication du groupe Deret.
Nous avons élaboré une solution novatrice de distribution urbaine qui devrait faire école : l'utilisation d'une flotte de camions électriques pour desservir les plus grandes villes de France à partir d'entrepôt de proximité. »

Des 12 tonnes électriques sillonnent les villes

Le groupe a alors mis en service pas moins de 56 camions électriques. Dont des camions de 5,5 t construits par Modec (repris par Navistar) et d'autres, de 10 et 12 tonnes, du constructeur Smith. Cette flotte électrique est complétée par des poids lourds hybrides pour le fret en amont. Le groupe ne s'est pas arrêté en si bon chemin puisqu'il en a profité pour ouvrir simultanément 24 entrepôts de proximité de 500 à 800 m2. Dont un qui se trouve sur la Presqu'île de Lyon, en pleine zone urbaine dense. « Ces entrepôts servent au tri et au transfert de marchandises, la nuit. Pas au stockage des produits, pour l'instant... sauf pour le stockage de consommables, par exemple, pour l'emballage », précise Jean-Luc Fournier.
De son côté, la société d'économie mixte Sogaris (48 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2011, 70 personnes) développe un concept de distribution urbaine qui se décline en trois approches. À commencer par ses « portes d'entrée logistiques », à savoir des plates-formes de plusieurs bâtiments comme celle de Rungis (210000 m2), partagée avec 80 clients et connectée au chemin de fer, à l'autoroute A86 et bientôt à la ligne T7 de tramway. « Dans l'immédiat, il s'agit de faciliter la venue des 2000 salariés mais, à terme, nous pourrons peut-être transporter du fret par le tram... », prévoit Christophe Ripert, directeur immobilier de Sogaris.
Viennent ensuite les hôtels logistiques, constitués d'un seul bâtiment implanté en partie dense de l'agglomération. Première opération, prévue pour ouvrir fin 2016, Chapelle International devrait installer un bâtiment de 43000 m2 d'un côté ou de l'autre du périphérique nord de Paris. « Cet hôtel bénéficiera d'un embranchement au chemin de fer et à la route.
Une surface de 26 000 m2 sera consacrée à la logistique, avec des surfaces de 500 à 3 000 m2 qui seront commercialisées auprès de transporteurs-logisticiens. Lesquels organiseront leur distribution en véhicules électriques, précise Christophe Ripert. Le reste de la surface sera consacré principalement à un data center [centre de données informatiques], ainsi que, sur 3 000 m2, à des activités de bureau liées à la logistique et au data center. »

Un espace de transit dans chaque arrondissement

Dans le même esprit, le groupe d'immobilier logistique cherche à développer un autre projet d'hôtel dans le sud de Paris ainsi que sur le canal Saint-Denis, qui irrigue les autres canaux parisiens.
Pour aller plus loin, Sogaris vient, après six mois de travaux dans un ancien parking, d'aménager un espace logistique urbain de 3000 m2 sous la dalle du quartier Beaugrenelle, dans le 15e arrondissement de Paris, en front de Seine. Loué pour une durée de douze ans par Chronopost, cet espace de transit de marchandises est le premier de toute une série d'entrepôts en hypercentre. « Tous les matins, deux à trois camions livrent de 60 à 80 m3 de colis et de plis. Nous organisons une centaine de tournées de livraisons par jour dans le 15e arrondissement parisien avec une dizaine de véhicules électriques de chez Goupil, Muses, PSA et Renault, indique Christian Ripert.
Nous voudrions déployer de tels centres dans chaque arrondissement. C'est notre axe de développement prioritaire. »

À terme, transporter du fret par le tramway ?

De son côté, Geodis pilote une flotte de 92 véhicules électriques, à savoir des utilitaires jusqu'à une tonne et des tricycles jusqu'à 200 kg, dans 57 villes de France. « Les utilitaires ont été conçus en collaboration avec nos conducteurs. Lesquels ont travaillé avec le loueur Fraikin et le constructeur-carrossier Gruau sur la base d'un Fiat Ducato »,
détaille Bruno Mandrin, directeur de la messagerie express de Geodis qui, avec son concept Distripolis, combine ces véhicules électriques à des « bases logistiques urbaines écologiques » (Blue). « Nous avons une demi-douzaine d'entrepôts Blue de 250 à 350 m2 pour le transit de fret, le stationnement sécurisé et la recharge électrique des véhicules à Paris, Strasbourg, Lille, Toulouse et Versailles. À Paris, nous livrons ainsi 1000 colis par jour. À ce niveau-là, nous quittons l'expérimental pour entrer dans l'industriel... »
Néanmoins le spécialiste de la chaîne logistique, qui a pourtant convaincu des chargeurs dans les secteurs de la santé, de la cosmétologie et des produits pour la jeunesse, considère que la livraison propre en ville peine à trouver sa rentabilité. « Les véhicules électriques reviennent 1,8 fois plus cher que leurs homologues thermiques, notamment en raison du prix des batteries au lithium », insiste Bruno Mandrin. Cependant, Geodis réduirait cet écart de 80% à 20%. Entre autres, grâce à la mise à jour permanente de sa base de données Geodriver-Copilote, conçue avec PTV Group et IER (Bolloré), qui accroît la productivité de la livraison en géolocalisant les adresses de livraison (65 millions d'adresses). Surtout, l'application mémorise les spécificités liées au destinataire : monter à l'étage sans ascenseur, livrer au voisin avec mandat, livrer uniquement le matin, etc.
Autre alternative aux camions thermiques, le transport de marchandises par tramway. Une expérimentation pilotée par l'Apur (Atelier parisien d'urbanisme) a justement été menée à Paris en 2011 en partenariat avec la RATP. Objectif : tester la faisabilité de ce mode de transport avec des rames de tramway dédiées, sans entraver le transport des voyageurs. Une fois cette phase validée, les promoteurs du projet ont lancé une étude de faisabilité auprès de chargeurs. Casino et Carrefour se sont portés volontaires. Les résultats de l'étude, menée par le cabinet Jonction, seront connus fin mars 2013. S'il se révèle faisable, le projet pourrait passer à l'étape du démonstrateur. Il s'agira alors d'une première en Europe. Car, jusqu'à présent, les lignes de « tramfret » en service à Dresde (Allemagne) et Zurich (Suisse) sont monochargeurs.

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Commentaires 3
à écrit le 28/03/2013 à 9:43
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A propos mule, mulet... il y a des communes (de grande taille) qui ont déjà prévu la circulation de leur personnel d'entretien de locaux et expaces verts avec une cariole attelée à un cheval... C'est bien écolo... mais quid des 20 automobiles qui "pi...

à écrit le 26/03/2013 à 20:17
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On peut tenter aussi les mules, les mulets et pourquoi pas les chameaux!!!

à écrit le 26/03/2013 à 16:39
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Il y a aussi la solution de distribuer à partir de péniches amarrées sur la Seine ! Cette solution avait été déjà avancées par mon arrière-grand-père, André Jozan, en 1887 !

le 06/11/2015 à 8:44
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Le médecin d'aujourd'hui n'est pas le médecin de hier. Un médecin de nos jour est un trader de la médecine qui ne palpe que les euros. Plus que l'humain c'est sont gros véhicule quatre quatre le plus important... triste constant...

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