Le paradoxe du transport aérien : l'économie flanche mais les bénéfices s'envolent

A l'occasion de son assemblée générale annuelle, l'Iata, l'association internationale du transport aérien, a une nouvelle fois revu à la hausse ses prévisions de bénéfices pour le secteur en 2013. Ils devraient s'élever, non plus à 10,6 milliards de dollars comme prévu, mais à 12,7 milliards. Une performance de taille au regard de la dégradation de l'économie. Décryptage.
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La situation économique se dégrade et, paradoxalement, le transport aérien, pris dans sa globalité, améliore ses résultats financiers. Un paradoxe pour ce secteur dont la santé financière a longtemps été corrélée à celle de l'économie mondiale. A l'occasion de son assemblée générale annuelle qui se tient ces lundi et mardi à Cape Town en Afrique du Sud, l'Iata, l'association internationale du transport aérien, a une nouvelle fois revu à la hausse ses prévisions de bénéfices pour le secteur en 2013.

Selon elle, les compagnies aériennes vont dégager cette année un bénéfice net, non plus 10,6 milliards de dollars comme prévu lors des dernières prévisions en mars dernier (lesquelles avaient déjà été révisées à la hausse par rapport aux 8,4 milliards prévus en décembre 2012), mais de 12,7 milliards de dollars, en augmentation de 67% par rapport à 2012 (7,6 milliards). Si ces objectifs se réalisent, il s'agirait de la troisième meilleure performance enregistrée par les compagnies aériennes depuis 2001 après celles dégagées en 2007 (14,9 milliards) et 2010 (19,2 milliards)

Un passager apporte 4 dollars de profit

Tony Tyler, le directeur général de l'Iata a tenu à relativiser ces prévisions .« Sur un chiffre d'affaires qui devrait s'élever à 711 milliards de dollars en 2013, 12,7 milliards de dollars de bénéfices représentent une marge nette de 1,8 %. Cela veut dire que les compagnies dégageront un profit de 4 dollars par passagers transportés, moins que le prix d'un sandwich dans la plupart des régions du monde. Le retour sur le capital investi sera de 4,8%, très loin des 7 à 8% nécessaires pour couvrir les coûts du capital », a-t-il déclaré.

Il n'empêche, au regard de la conjoncture, la performance du secteur est assez impressionnante. Car en dépit des prix élevés du carburant et de la faiblesse de la croissance mondiale, les bénéfices sont 2,5 fois supérieurs à ceux de 2006 (5 milliards) quand le baril se payait 45 dollars (55% de moins qu'aujourd'hui) et que la croissance économique mondiale était de 4%, contre 2,2% attendus en 2013.

Depuis, les mesures d'économies et de gains de productivité ont porté leurs fruits. Les coûts unitaires ont baissé de 23% par rapport à 2006. Elles continuent, en particulier en Europe, où les transporteurs historiques souffrent de la concurrence des low-cost et des transporteurs du Golfe.

Légère baisse du prix du baril

Aujourd'hui, la révision des prévisions tient à plusieurs facteurs. Déjà, la dégradation de l'économie (par rapport à ce qu'avait prévu l'Iata), sera compensée par une facture carburant moins lourde qu'en 2012. L'Iata table sur un prix moyen du baril en 2013 de 108 dollars, près de 4 dollars de moins que l'an dernier. Ensuite, les compagnies profitent d'un trafic passagers très dynamique, supérieur aux attentes. Comme en 2012, il devrait progresser de 5,3%, et non pas de 4,5% comme prévu en début d'année, et dépasser la barre des 3 milliards de passagers transportés (une situation qui contraste avec le transport de marchandises, dont le trafic, après avoir baissé de 1,1% en 2012, va légèrement augmenter de 1,5% en 2013).

Surtout, les transporteurs gèrent de mieux en mieux leurs capacités et utilisent toujours mieux leurs avions. Du coup, le coefficient d'occupation des avions atteint des niveaux historiques. Il dépasse les 80% (80,3%). « C'est l'élément clé », explique Brian Pearce, le chef économiste de l'Iata. En 2013, les capacités vont une nouvelle fois progresser à un rythme inférieur (+4,3%) à celui du trafic. Une conséquence de l'accélération de consolidation du secteur avec la multiplication des « joint-ventures ».

Consolidation
Ainsi les coûts unitaires baissent et l'optimisation des capacités permet d'augmenter les prix, (ou du moins de pas les baisser). La recette unitaire progresse. Les compagnies américaines sont un bon modèle. Les fusions opérées depuis 2008 (Delta-Northwest, United-Continental, Southwest-Air Tran) ont facilité les baisses de capacités sur le marché domestique. Celles-ci ont été diminuées de 10% entre 2008 et 2010, alors que le trafic est resté stable globalement. Cette stratégie explique les excellents résultats des compagnies américaines dont les profits sont une nouvelle fois revus à la hausse. Elles devraient dégager 4,4 milliards de dollars de profits en 2013, 800 millions de plus que prévu.
Les compagnies européennes suivent la même stratégie. La croissance du trafic, très forte (+4%) sera absorbée avec une capacité en hausse de seulement 2,7%. Ce qui n'empêche pas Christoph Franz, le PDG de Lufthansa, de déplorer un contexte de surcapacités. 

Cette discipline des capacités, les restructurations en cours et le fait que le scénario du pire ne se soit pas produit (éclatement de la zone euro) ont conduit l'Iata à revoir les prévisions des compagnies européennes. Elles devraient dégager collectivement 1,6 milliard de dollars, deux fois plus que prévu jusqu'ici. De fait, les compagnies américaines et européennes contribuent à hauteur de 60% à l'amélioration des prévisions de bénéfices annoncée ce lundi par rapport aux dernières prévisions, en mars.

L'Afrique sort du rouge

A part pour les acteurs d'Amérique latine dont la prévision est inchangée (600 millions de profits), l'Iata a revu en effet à la hausse les prévisions des compagnies asiatiques, du Moyen-Orient et d'Afrique, mais moins sensiblement que pour les américaines et les européennes. Les compagnies asiatiques devraient gagner 4,6 milliards de dollars (+600 millions), grâce notamment à la bonne tenue du trafic en Chine. Les transporteurs du Golfe devraient, quant à eux, enregistrer 1,5 milliard de bénéfices cette année (+100 millions, alors que les opérateurs africains ne devraient pas rester dans le rouge (-100 millions) mais dégager un modeste profit de 100 millions.
 

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