« Les taxis doivent utiliser les armes d'aujourd'hui »

Nicolas Colin, cofondateur de l'accélérateur de start-up The Family, est l'auteur de l'article « Les fossoyeurs de l'innovation », où il pourfend la rente des centrales de taxis qui tentent de bloquer l'essor des VTC. Le député Thomas Thévenoud a remis à Manuel Valls, le 24 avril, un rapport visant à trouver une régulation acceptée par tous.
La décision du gouvernement de geler les immatriculations de VTC, le 13 février dernier, a mis fin à plusieurs jours de manifestations des taxis à travers la France. / DR

LA TRIBUNE - L'innovation technologique ne remet-elle pas en cause la profession des taxis, ou du moins, n'implique-t-elle pas un profond changement de modèle économique ?

THOMAS THÉVENOUD - Les taxis, VTC, transports de personnes en général sont des métiers d'avenir, surtout dans une métropole mondiale comme Paris, première destination touristique du monde. Encore faut-il donner aux taxis les armes d'aujourd'hui.

En d'autres termes, cette profession ne peut désormais plus se passer des nouvelles technologies, grâce auxquelles les VTC ont émergé depuis 2009. C'est pourquoi mon rapport plaide pour la révolution numérique du secteur.

NICOLAS COLIN - Il est d'ailleurs étonnant que les sociétés comme G7, qui sont tout de même les acteurs leaders de la filière taxis, n'aient pas anticipé cette révolution d'usage avec les smartphones. Un grand capitaine d'industrie voit pourtant les choses arriver avant les autres.

Ce sont ces acteurs dominants qui ont les moyens d'investir et d'aller relever le défi industriel que constitue l'expansion d'Uber [application mobile qui met en relation particuliers et chauffeurs professionnels, ndlr], contrairement aux petits artisans taxis.

Les entreprises comme G7 et Taxis Bleus ne sont toutefois pas préhistoriques et proposent elles aussi des applications mobiles. Dès lors, comment expliquer le succès d'Uber ?

NICOLAS COLIN - Le problème vient du fait que toute l'économie des centrales de réservation a été essentiellement conçue pour une niche : l'offre « premium », celle des entreprises, des hommes d'affaires...

Tandis que le tout-venant a été mis de côté. Ainsi, les clients qui ont besoin d'un taxi de manière plus occasionnelle sont traités avec des applications, des propositions de valeur qui ne sont pas à la hauteur des attentes d'aujourd'hui : simplicité, ergonomie, fluidité, géolocalisation, facilitation des moyens de paiement.

Quand on voit que l'application G7 demande le paiement de 5 euros pour pouvoir accéder à la géolocalisation des taxis les plus proches, on comprend pourquoi les clients préfèrent se tourner vers une application qui propose le même service, mais gratuitement.

Pourquoi G7 a attendu la semaine dernière pour lancer une application gratuite ? Les VTC, eux, ont su exploiter cette faille et placer le client et la qualité du service au centre de leurs priorités.

THOMAS THÉVENOUD - Et cela va bien au-delà de la bouteille d'eau et du costume cravate du chauffeur. C'est tout un ensemble de paramètres : le fait de pouvoir géolocaliser les véhicules les plus proches via une application gratuite, proposer des forfaits pour les courses aéroports ainsi qu'un paiement à l'avance, par carte bleue...

NICOLAS COLIN - Pourtant, il y a quelques années, des entreprises comme G7 avaient équipé leurs taxis de boîtiers spéciaux pour géolocaliser leur flotte par GPS en temps réel. C'était leur grande force à l'époque. Ils étaient alors à la pointe de la technologie.

Mais maintenant celle-ci s'est simplifiée et surtout banalisée avec la généralisation des smartphones, et ces grandes entreprises se sont laissé dépasser par d'autres, plus innovantes : les VTC.

THOMAS THÉVENOUD - Mais attention : le développement des VTC implique la mise en place d'un certain nombre de règles du jeu.

C'est pourquoi je propose d'interdire la maraude électronique pour les VTC. Il n'y aura pas de course minimum, ni de délai d'attente, mais les VTC ne peuvent attaquer les taxis sur la maraude, ni pratiquer une tarification en dehors du forfait, comme a commencé à le faire Uber qui a introduit une sorte de « taximètre maison ». On ne peut pas non plus laisser l'application UberPop faire du taxi clandestin.

La révolution numérique doit être encadrée, ça ne peut pas être le Far West ! C'est pourquoi je pense que plutôt que d'attaquer en justice La Tribune et Nicolas Colin, Nicolas Rousselet ferait mieux d'attaquer Uber.

La réglementation ne va-t-elle pas à l'encontre de l'intérêt général ?

NICOLAS COLIN - La réglementation ne va à l'encontre de l'innovation que si l'on s'en sert mal. On ne peut pas s'abriter derrière une réglementation sans rien faire, sinon, elle est contournée par les clients grâce au numérique. La crise des taxis est un exemple de notre incapacité à utiliser la réglementation pour préparer nos entreprises à un marché sur lequel le niveau d'exigence a complètement changé. La réglementation ne doit être qu'une barrière temporaire qui doit ensuite permettre de redoubler d'efforts d'innovation, c'est ce que, pour l'instant, l'acteur dominant du secteur n'a pas fait. Mais l'État doit jouer sur les deux leviers : favoriser l'innovation en utilisant à bon escient la réglementation.

THOMAS THÉVENOUD - Absolument. Le pendant de cette nécessaire régulation, c'est la modernisation des taxis. C'est pourquoi je propose également de modifier le statut de locataire, qui concerne 7000 professionnels sur les 15 000 taxis parisiens et qui est un frein à la modernisation de la profession. Le locataire doit faire 4500 euros de chiffre d'affaires par mois pour dégager 1 centime de bénéfice. Je propose donc de sortir les 7000 locataires de ce régime, car selon moi, cela s'apparente à de l'esclavage moderne, et de les faire basculer vers un système de location-gérance qui s'apparente au statut de l'artisan. Cela permettra à ces chauffeurs de baisser leurs coûts, d'améliorer la qualité de leur service, de leur véhicule, ce qui participe de la modernisation de la profession.

En 2014, s'ils veulent continuer à se développer, et créer des emplois, les taxis doivent utiliser les armes d'aujourd'hui. Ils doivent conquérir le marché du numérique pour répondre aux attentes de leurs clients. Car comme je le disais précédemment, je pense qu'il y a un gisement d'emplois à créer autour du taxi, notamment dans la mesure où il doit constituer un substitut à la voiture individuelle dans une grande métropole comme Paris. Dans la ville du futur, ville connectée, intelligente, on aura de moins en moins besoin d'un véhicule personnel.

Il faudra donc nécessairement améliorer l'offre de transports en commun, de personne, l'autopartage... Indéniablement, ce secteur est un secteur porteur.

NICOLAS COLIN - La bataille sera gagnée lorsque les habitants n'utiliseront plus leur voiture individuelle pour se déplacer. Mais cela nécessite de comprendre les besoins des différents segments de la population. Ceux qui doivent aller d'une porte de Paris à une autre, ceux qui ont des enfants en bas âge, ceux qui ont des bagages... Dans un certain nombre de cas, on a besoin d'être transporté individuellement sur la route.

Or, pour l'instant, le taxi ne répond pas à cette demande et cela conduit à renforcer l'usage de la voiture individuelle avec les conséquences qu'on connaît : les embouteillages, la pollution. Les opérateurs qui régissent le marché ne sont pas encore parvenus à faire coïncider l'offre et la demande. Avec une démarche de marketing très agressive, les taxis doivent répondre à ces besoins et fidéliser leur clientèle. C'est comme ça que le volume d'affaires des taxis pourra augmenter considérablement.

THOMAS THÉVENOUD - Les taxis commencent à comprendre. Ils n'ont d'ailleurs pas refusé le geste commercial que je leur ai demandé lors de la période du pic de pollution. Certes, ils n'y avaient pas pensé et ils n'ont guère communiqué sur le sujet... Mais ils ont joué le jeu. Car c'est la clientèle familiale qu'il faut reconquérir. Pour se rendre à un déjeuner dominical, chez des amis, les gens doivent privilégier le taxi plutôt que leur propre véhicule. Encore faut-il les y inciter.

Pour l'instant, on recense 3,4 taxis pour 1 000 habitants sur le Grand Paris, 9 pour 1.000 à Londres et entre 12 et 13 pour 1.000 à New York. On voit qu'il y a un écart important ! Il faut toutefois relativiser car depuis 2007, les taxis parisiens sont passés de 15.000 à 20.000 et 3.000 VTC se sont créés sur les dix-huit derniers mois, alors que nous sommes dans une période de rétractation économique.

C'est pourquoi, il faut organiser cette montée en puissance du marché, avec un peu de régulation publique. D'où la nécessité de créer un observatoire pour suivre le développement du marché, des licences gratuites mais non cessibles pour éviter la spéculation avant d'ouvrir progressivement le marché.

NICOLAS COLIN - En réalité, les VTC doivent être compris comme des aiguillons. Ils auront rempli leur mission lorsqu'ils auront poussé les taxis à se rapprocher des attentes du client final. Jusqu'à présent, les grands groupes de taxis se focalisaient sur un certain type de clientèle, la clientèle d'affaires, la clientèle « premium ».

L'irruption du numérique les pousse à s'adapter, à prendre en compte le marché de masse. Les gens ne cherchent pas à éviter à tout prix les taxis, mais face à la concurrence du numérique, ils veulent trouver le bon moyen de transport au bon prix. Aux taxis de s'adapter à la demande. Certains utilisateurs sont sensibles à l'environnement et voudraient voyager en voitures écologiques, d'autres souhaitent défendre l'industrie française et voyager en véhicule français. Il faut pouvoir répondre à ces demandes.

Si les taxis ne le font pas, l'évolution qui suivra se fera au détriment de tout le monde : il y aura une concentration en faveur d'un acteur dominant, comme c'est le cas lorsque s'achèvent les évolutions numériques.

THOMAS THÉVENOUD - Un acteur dominant qui est une multinationale américaine basée dans des paradis fiscaux... C'est cela qu'il faut éviter. On doit pouvoir offrir des taxis plus français, mieux identifiés, mieux connectés et plus écologiques. Le secteur des taxis est capable de relever ce défi si on lui donne les armes d'aujourd'hui, et s'il comprend qu'il doit évoluer.

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NDLR - Nous avons proposé à M. Nicolas Rousselet, PDG de G7, d'exprimer son point de vue dans les colonnes de La Tribune. Il n'a pas souhaité donner suite.

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Commentaires 11
à écrit le 22/05/2014 à 20:10
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ce sont les etrangers qui ont construit la ville la plus visiter au monde!!!! donc merci au etrangers a qui font toujours le travail d'esclave!!!

à écrit le 22/05/2014 à 20:03
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c normal que rousselet ne donne pas suite ca ne l'arrangerai pas si on donner des plaques au locataires,qui ira louer ces plaques a la g7 pour 1600euro chaque dix jours!!!!!

à écrit le 12/05/2014 à 6:49
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prendre les taxis puants avec chauffeurs étrangers ne connaissant pas les villes françaises et dans une voiture vieille de 10 ans. De plus il veut bloquer les libertés économiques pour avoir les bulletins de vote des chauffeurs de taxis alors qu'il p...

le 13/05/2014 à 3:37
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tout a fait d accord

à écrit le 11/05/2014 à 23:34
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Hallucinant ce député !! Encore qui vit sur une autre planète, si les taxis sont locataires de leurs véhicules sait qu'ils n'ont pas les moyens de s'acheter une licence et ou un véhicule !! Et c'est pas en devenant artisanat que ça va s'arranger et...

à écrit le 11/05/2014 à 15:48
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A sisisi on comprends très bien qu'il y a des tractations pour continuer à protéger un business.

à écrit le 10/05/2014 à 18:26
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" les armes d'aujourd'hui "c'est ça ! n'allez pas leur donner de mauvaises idées .

à écrit le 10/05/2014 à 18:13
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Et les autres commerces concernant la cb minimum 15 euros comme les taxis qui ont le terminal biensur, boulangerie , tabac, hôtel .... Alors alaramasse!!!!!

à écrit le 10/05/2014 à 16:23
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ce depeute Thevenou me parait complètement a l'ouest. Il constate que les taxis sont has been, mais veut maintenir leurs privilèges. Il est hors sujet et ne comprend rien a l'evolution des marches. Les taxis parisiens sont les seuls encore a ne pas a...

à écrit le 10/05/2014 à 15:14
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Dans une époque avec tant de terrorisme dans l'air c'est au moins irresponsable une telle déclaration.

à écrit le 10/05/2014 à 14:49
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Moi j'ai réglé le problème je ne prends jamais ces voitures. Plutôt rentrer à pieds.

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