Le plan "Poséidon" ébranle la SNCM

La direction, les syndicats et les représentants des actionnaires avaient rendez-vous ce mardi 7 octobre en préfecture de Paca, à Marseille, pour une nouvelle réunion de médiation. Le redressement judiciaire de la compagnie marseillaise est l'issue fatale pour échapper aux injonctions de Bruxelles. La faisabilité juridique reste à démontrer.
La direction de la compagnie marseillaise a présenté hier son plan "Poséidon", qui prévoit une réduction de voilure de l'ordre de 750 à 1.000 postes (sur 2.030 à ce jour).

À nouveau, les salariés de la SNCM ont l'impression d'avoir été dupés. Ils avaient rendez-vous en préfecture de PACA à Marseille pour une nouvelle réunion de médiation ce mardi 7 octobre sous l'égide de Gilles Bélier, le médiateur de la République nommé par le gouvernement. Ce sera l'avant-dernier rendez-vous avant la fin de partie prévue le 28 octobre.

Feuille de doutes

La feuille de route de ces réunions, telle qu'elle avait été établie pour mettre fin à la grève en juillet dernier, devait traiter d'un certain nombre de points, dont celui de trouver un avenir industriel pérenne à l'entreprise. Mais c'est l'épineuse question des contentieux européens qui subordonne tout le reste, alors que les différentes approches juridiques de la France pour échapper au couperet bruxellois ne semblent pas aboutir.

750 à 1.000 postes supprimés

La direction de la compagnie marseillaise a présenté hier son plan "Poséidon", qui prévoit une réduction de voilure de l'ordre de 750 à 1.000 postes (sur 2.030 à ce jour), alors qu'elle avait déjà annoncé, lors d'un CE le 2 octobre, le retrait du Méditerranée de la ligne Toulon-Corse, et pas reconduit l'affrètement de l'Excelsior.

"Les actionnaires privés ont programmé la disparition de leur filiale depuis plusieurs années avec l'accord Veolia - Caisse des dépôts de mars 2012, et les actionnaires publics ont contribué à retarder cette échéance pour ne pas en assumer les conséquences sociales avant un scrutin électoral", déplorent à nouveau les représentants CFE-CGC de la SNCM et membres du Conseil de surveillance, Pierre Maupoint de Vandeul (cadres et officiers) et Maurice Perrin (élu des actionnaires salariés).

"Discontinuité", notamment via un redressement judiciaire

On le sait depuis le départ de l'ex-président du directoire Marc Dufour: il n'est plus question du projet à long terme (PLT), qui avait pour hypothèse l'arrivée de quatre navires Ropax de dernière génération. C'est désormais de "discontinuité" dont il est question, sous-entendu un redressement judiciaire et cession d'une partie de l'activité, selon l'équation défendue par la nouvelle direction, incarnée par Olivier Diehl, arrivé fin mai à la tête du directoire de la SNCM: seul un passage par le redressement judiciaire permettrait d'échapper aux sanctions européennes. Et sans cette purge, pas de repreneurs possibles. Une option, soutenue par un alignement (récent) des positions des actionnaires tant privé que public, Transdev-Veolia et l'État.

Ce n'est juridiquement pas si automatique, selon les spécialistes du droit. Seule la disparition de l'activité économique de la SNCM (autrement dit, la liquidation) mettrait fin à l'obligation de récupération des 220 millions d'euros d'aides jugées illégales.

La discontinuité permet-elle d'assurer le maintien de la DSP ?

La question est d'une grande complexité juridique. Une chose est admise: les offres de reprise seront conditionnées par le maintien de la délégation de service public (DSP) actuelle et son transfert (voire l'obtention d'une nouvelle DSP) avec la garantie que le repreneur ne trouve pas, dans la corbeille, l'obligation de rembourser.

Selon les spécialistes du droit, tout l'enjeu sera de veiller à ce que la Commission ne puisse pas considérer qu'il y ait "continuité de l'activité économique" de la SNCM. Le périmètre de reprise devra donc être inférieur à celui de l'activité actuelle, à la fois en termes d'actifs, de chiffre d'affaires (CA), de salariés et de valorisation comptable.

La SNCM tire aujourd'hui ses ressources de trois activités: la desserte maritime de la Corse au départ du port de Marseille en DSP (activité mobilisant quatre navires, représentant 66 millions d'euros de CA et 604 emplois dont 489 CDI); le trafic vers le Maghreb (deux navires, 50 millions d'euros de CA et 328 emplois dont 215 CDI); et enfin, le transport vers la Corse depuis Nice et Toulon, Sardaigne hors DSP (42 millions d'euros de CA et 1.035 emplois dont 787 CDI). Le repreneur éventuel devra donc très certainement faire l'impasse sur le marché du Maghreb et se limiter à la seule DSP.

Jurisprudence européenne

La jurisprudence européenne (cas de Sernam, Alitalia et Olympic Airways) indique que, lorsqu'une cession en bloc des actifs s'accompagne d'une reprise de la majorité des passifs, elle est considérée comme une continuité économique. "Le repreneur éventuel de Sernam, placé alors en redressement judiciaire, ne sera pas redevable des 642 millions d'euros d'aides d'État dont a bénéficié le groupe dans les années 2000", avait indiqué la Commission européenne le 4 avril 2012, estimant que "la marque, le réseau, la flotte et les alliances commerciales disparaîtront, et que seule une partie limitée de ses actifs sera reprise".

Le transfert de la DSP n'est pas non plus une affaire simple

À la lumière également de la jurisprudence européenne, le risque existe que le changement de co-contractant exige une nouvelle mise en concurrence. Dans ce cas, et dans la mesure où les offres seraient subordonnées à l'attribution de la nouvelle DSP, l'appel d'offres devra avoir abouti avant l'audience devant le tribunal examinant les offres. En clair, que son calendrier soit compatible avec celui du redressement judiciaire!

Une autre problématique se pose: quid de la position de La Méridionale, codélégataire de l'actuelle DSP, qui pourrait s'opposer à la résiliation du contrat? L'ensemble de ces contraintes allonge, de surcroît, la période d'observation d'une entreprise, hautement tributaire des réservations, lesquelles seront inéluctablement impactées par la situation.

La Corse, acquéreur des navires

Dans le cas de l'attribution d'une nouvelle DSP, il ne faut pas non plus exclure que l'exécutif corse, via ou non une SEM, se porte acquéreur des navires de la SNCM pour les confier au délégataire de la nouvelle DSP de pure exploitation. Paul Giacobbi, le président PS du Conseil exécutif corse a réitéré, lors de la dernière session de l'assemblée, sa position sur le sujet.

Casse sociale

Des différentes hypothèses envisagées - que ce soit la reprise par un seul repreneur de l'activité de la DSP et des lignes vers le Maghreb ou de la reprise des activités par des repreneurs différents ou bien de la reprise de la seule DSP avec les salariés ou encore de la seule reprise des actifs de la DSP sans les salariés, ou enfin, de la liquidation de l'ensemble des actifs avec vente aux enchères des navires -, les mieux-disantes parviendraient à préserver 36% des effectifs tandis que le seul maintien de la DSP se solderait par la suppression de la moitié des emplois actuels. Sans parler des impacts collatéraux: la sous-traitance est estimée à 1.200 emplois sur Marseille et 800 en Corse. Le PSE coûterait alors, selon les options, entre 118 et 223,7 millions d'euros.

Trafic en berne

Pendant ce temps, la SNCM a présenté un trafic en repli en Corse de 7,2% dans un marché en baisse de 4%. Sur la haute saison, de mai à août, la SNCM a perdu 281.074 passagers par rapport à la même période de 2013. Ses parts de marché sur la Corse s'établissent désormais à 15,8% contre 24,9% en 2013 tandis que sa concurrente opérant au départ de Toulon s'arroge désormais 66,8%, gagnant plus de 7 points sur un an.

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Commentaires 12
à écrit le 09/10/2014 à 11:44
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Devinette: pourquoi la CMN, co-détentrice de la DSP avec la SNCM, donc ayant exactement les mêmes contraintes et navigant comme elle sous pavillon français du premier registre ( coûts salariaux identiques) est-elle bénéficiaire?Question et réponse à...

à écrit le 09/10/2014 à 11:02
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Qui, mais qui, croit encore à l'avenir de cette société moribonde depuis des années, et maintenue artificiellement en vie grâce à d' onéreuses "assistances" caractéristiques du "modèle bien français" ???????

à écrit le 09/10/2014 à 10:14
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Les dinosaures mafieux de la CGT ont animé la désintégration du port de Marseille et des activités connexes. La destruction de la SNCM en est le dernier épisode. l'organisation du port, le chargement et déchargement, la réparation navale, les grutier...

le 09/10/2014 à 17:20
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Oui, mais après il vont venir se plaindre et réclamer des indemnités..........qu' on leur donnera bien sur pour avoir la paix. Mais au fait, qui va payer ?? Comme disait un certain humoriste: je vous le donne Émile.

à écrit le 09/10/2014 à 9:42
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on coule ca et on n'en parle plus

à écrit le 08/10/2014 à 22:25
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Les syndicalistes ont une fois de plus réussi à tuer une société qui aurait pu être profitable À vouloir trop,on perd tout Personnellement ,je ne veux plus mettre les pieds sur leur bateaux Je passe par l'Italie ou les gens veulent travailler

à écrit le 08/10/2014 à 21:58
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Ils n ont plus que 15 % du marché ? Il suffit de fermer boutique et une autre entreprise prendra le relais Les dinausaures ont disparus depuis bien longtemps La cgt sera remerciée par tous les salariés qui ont crus à ces âneries

le 08/10/2014 à 22:56
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Entreprise non dé localisable

à écrit le 08/10/2014 à 21:33
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Mafia / Fainéant = Gabegie

à écrit le 08/10/2014 à 21:11
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Les salaries ne sont pas innocents dans ce naufrage. Il est grand temps que ce très long feuilleton se termine enfin.

le 08/10/2014 à 21:48
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Les salariés non la cgt oui

à écrit le 08/10/2014 à 20:29
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Les grèves permanentes finissent par lasser les clients, qui passent à la clientèle s'ils le peuvent ! - les salariés peuvent dire MERCI à la CGT ; - le SNPL d'AirFrance peut en prendre de la graine, parce que c'est ce qui les attend...

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