A 15 jours de l'annonce du plan stratégique d'Air France-KLM et la reprise des négociations avec les syndicats d'Air France pour déterminer les efforts à mener pour atteindre les objectifs stratégiques, la Cour des Comptes a présenté ce mercredi au Sénat un rapport sur le rôle de l'Etat dans la compétitivité du transport aérien, un élément clé dans le contexte social à Air France.
Baisse des taxes
Car, au moment où la direction va une nouvelle fois essayer de négocier des mesures d'économies pour améliorer la compétitivité de la compagnie, inférieure à celle de ses concurrents européens, une partie des organisations syndicales ne bougera pas s'il n'y a pas, en parallèle, une contribution de l'Etat à l'amélioration de la compétitivité du pavillon français.
Comme le fait la direction depuis plusieurs années, ils ne cessent de dénoncer des décisions de l'Etat qui ont conduit à une hausse des taxes et des redevances aéroportuaires sur le transport aérien, lesquelles, disent-ils, absorbent les gains de productivité générées par le personnel. Dans leurs revendications, les syndicats demandent l'application du rapport du député Bruno Le Roux, remis au Premier ministre fin 2014, sur les mesures à prendre pour améliorer la compétitivité du secteur. Ils exigent notamment une baisse des taxes ou des redevances spécifiques au transport aérien.
"La compétitivité est avant tout l'affaire des entreprises"
Même si des mesures ont été prises comme l'abandon de la taxe de l'aviation civile sur les passagers en correspondance ou l'arrêt du versement d'une partie de cette même taxe au budget général (et non au budget de l'aviation civile), personne ne conteste le poids de la taxation dans le manque de compétitivité du pavillon français en général, d'Air France en particulier. Pour autant, contrairement à ce qu'affirment certains syndicats, elle ne constitue pas le principal et encore moins le seul levier d'amélioration.
"La compétitivité est avant tout l'affaire des entreprises", a reconnu Evelyne Ratte, présidente de la 7ème chambre de la Cour des comptes.
Le nouveau PDG d'Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, ne dit pas autre chose.
"En termes de compétitivité, nous sommes à la traîne par rapport à nos concurrents et notre structure de coûts est encore trop élevée. Nous avons encore du travail à faire", a-t-il indiqué ce mercredi à des journalistes allemands.
CDG Express
Le sujet du poids de la taxation sur le transport aérien français est d'autant plus d'actualité que l'instauration d'une nouvelle taxe sur les passagers aériens destinée à financer une partie du projet CDG Express figure dans le projet de loi des finances. D'un montant d'un euro par trajet pour chaque passager au départ et à l'arrivée de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, cette taxe s'élèverait à une quarantaine de millions d'euros par an, dont la moitié pour Air France.
"Sans ressource affectée, il n'y aura pas CDG Express", a déclaré Edward Arkwright, le directeur général exécutif du groupe ADP, auditionné ce mercredi par le Sénat au même titre que le PDG d'Air France, Frédéric Gagey et du directeur de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC, Patrick Gandil.
Un sujet qui irrite la direction et les syndicats d'Air France qui en font le symbole de cette surtaxation du secteur. Interrogé récemment, le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, a préconisé, sans remettre en cause le principe de cette taxe, une compensation pour Air France. Plusieurs pistes sont à l'étude.
Compensation
L'une consiste à reverser la dernière partie du produit de la taxe de l'aviation civile (10%) qui est toujours reversée au budget général. Soit 27 millions d'euros. Une autre d'utiliser, comme le suggère la Cour des Comptes, le surplus de la taxe de solidarité (dite "taxe Chirac") qui sert à financer les programmes de santé dans les pays en développement, qui va lui aussi.... au budget général. Ce surplus s'élève à 10 millions d'euros, selon les Sages de la rue Cambon.
Ces deux sujets font partie des huit recommandations de la Cour des comptes. Celle-ci demande en effet d'"affecter le surplus des recettes la taxe de l'aviation civile au désendettement du budget de l'aviation civile et d'ajuster le montant de la taxe de solidarité à la quotité nécessaire au financement du fonds de solidarité pour le développement".
Elargissement de l'assiette
Lors de son intervention au Sénat, le PDG d'Air France, Frédéric Gagey, a une nouvelle fois dénoncé cette taxe qui ne pèse que sur le transport aérien et a demandé qu'elle s'applique également aux trains exploités sur les lignes internationales (entre la France et Londres, Bruxelles, Amsterdam, Genève...), afin de mettre fin à une « distorsion de concurrence » avec le transport ferroviaire sur ses axes. Frédéric Gagey précise une idée avancée il y a quelques années par le Scara, un syndicat professionnel de compagnies aériennes (à laquelle n'appartient pas Air France), qui demandait la fin de cette taxe et, si elle était maintenue, de l'appliquer également aux TGV.
S'il est très difficile de faire une comparaison précise entre les différents pays de ces charges spécifiques qui pèsent sur le transport aérien (hors charges fiscales et sociales), la France se distingue néanmoins par plusieurs singularités.
Coûts de la sûreté
Outre le maintien du versement au budget général d'une partie de la taxe de l'aviation civile (il y a encore quelques années, ce versement s'élevait à 20%), ou de la "taxe Chirac", les coûts de sûreté et leur financement constituent une autre particularité du ciel français.
"78% des coûts de sûreté en France incombent aux compagnies aériennes, un niveau plus élevé que celui de nos concurrents", a rappelé Frédéric Gagey. Plus exactement, elle est payée par les passagers et indirectement par les compagnies qui absorbent son coût dans leurs tarifs.
Non seulement la contribution des compagnies est supérieure dans l'Hexagone, le montant est lui aussi plus élevé qu'ailleurs en Europe, a indiqué le PDG d'Air France, en citant les écarts de la taxe de sûreté (en fait la taxe d'aéroport) en vigueur dans certains aéroports européens:
"Cette taxe s'élève à Paris à 12,75 euros et 8,25 euros respectivement pour les passagers locaux et ceux qui sont en correspondance, contre 10,53 et 5,90 euros à Amsterdam, 9,48 euros dans le deux cas à Amsterdam", a-t-il indiqué.
Coût de la sûreté aérienne : 800 millions d'euros par an
En France, le coût de la sûreté aéroportuaire est estimé par la Fédération nationale de l'aviation marchande (Fnam), une autre association professionnelle qui regroupe la quasi-totalité des compagnies françaises, à 800 millions d'euros par an. L'an dernier après les attentats du 13 novembre, la Fnam "a demandé à l'État (dans son rôle régalien) de lancer une réflexion visant à prendre en charge, comme aux États-Unis, 57 % des coûts complets de la sûreté".
Par ailleurs, le système de péréquation pour financer la sûreté des petits aéroports et l'impact sur les coûts de sûreté d'un réseau dense d'aéroports a été pointé par la Cour des comptes. Un sujet difficile car sans cette péréquation, de petits aéroports seraient menacés.
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