Cap sur les mobilités du quotidien

Les assises de la mobilité qui se tiendront à l'automne vont offrir l'occasion de repenser l'organisation des transports en France à l'aune des besoins du quotidien. Jamais nous n'avons disposé d'autant d'offres de mobilités, mais la question demeure de l'accès à tous, notamment en périphérie des grandes villes et dans les territoires ruraux, condamnés à la voiture individuelle ou assignés à résidence.
Mounia Van de Casteele
La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, promeut ainsi un smart Navigo, donnant accès aussi bien aux métros, bus et tramway qu'aux Batobus, Vélib' ou Autolib'.

La révolution des mobilités semble en marche. Emmanuel Macron a annoncé une « loi d'orientation sur les mobilités » pour le premier semestre 2018. Priorité aux mobilités du quotidien. Car le défi est bien celui de sortir les gens de leur assignation à résidence.

Véhicule autonome partagé, covoiturage, téléphérique urbain, les nouveaux services offrent des possibilités de désenclavement à des périphéries de villes ou des territoires ruraux. Encore faut-il concrétiser ce changement de cap dans la politique des transports en utilisant tous les modes de financement disponibles, publics et privés. Cette nouvelle donne, Philippe Duron, coprésident du think tank TDIE (Transport développement intermodalité environnement) s'en réjouit. Mais « cette prise de conscience n'est pas nouvelle », explique-t-il, rappelant les nombreuses tentatives de TDIE pour replacer les mobilités quotidiennes au centre du débat, notamment avec les États généraux de la mobilité durable. En outre, « une politique de transport ne se pense pas à court terme mais sur le long terme », rappelle-t-il.

« Cela demande du temps. Surtout, il faut repenser l'attractivité des villes, qui a été modifiée avec la nouvelle organisation territoriale. Par exemple, si la question d'une meilleure liaison entre Bordeaux et Toulouse pouvait se poser - faut-il une LGV (ligne à grande vitesse) ou plutôt une voie normale sur laquelle on doublerait le nombre de trains ? -, aujourd'hui se pose davantage la problématique de la liaison Narbonne-Montpellier », estime-t-il. Selon lui, « le transport n'est pas la seule réponse, mais il accompagne les projets des territoires. Les plateformes qui mettent en relation usagers et conducteurs sont une solution. Il n'y a qu'à regarder l'explosion du covoiturage interurbain, avec des entreprises comme Blablacar. Ce type de transport touche les jeunes, mais pas seulement. Demain il va falloir le développer au niveau urbain. »

Offrir des solutions innovantes pour le dernier kilomètre

Cela dit, aux yeux de François Adoue, docteur en aménagement de l'espace et chef de projet à 6t, bureau de recherche spécialisé dans la mobilité, l'essor des nouvelles mobilités qui émergent depuis quelques années, fortement appuyées sur l'usage des nouvelles technologies, profite plutôt aux zones urbaines, justement.

« On essaye beaucoup de vendre ces nouvelles mobilités comme réponse à la problématique du dernier kilomètre. Or en pratique, ces nouveaux modes ne se développent pas de manière complémentaire au cours d'un déplacement », analyse-t-il.

Par conséquent, ces nouvelles mobilités favorisent plutôt la multimodalité et non l'intermodalité, c'est-à-dire l'utilisation de différents modes de transport au cours d'un même déplacement. « Il existe des enjeux d'intermodalité aujourd'hui, mais cela reste compliqué à mettre en place », note-t-il. C'est en tout cas ce vers quoi tendent les politiques de transport, notamment en région parisienne. Et c'est surtout ce vers quoi il faut aller, insiste Philippe Duron. La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, promeut ainsi un smart Navigo, donnant accès aussi bien aux métros, bus et tramway qu'aux Batobus, Vélib' ou Autolib'.

Depuis le 12 juillet, le syndicat des transports d'Île-de-France (Stif), rebaptisé récemment Île-de-France Mobilités, et la Société du Grand Paris expérimentent un service de trottinettes en libre-service en banlieue parisienne, à Châtillon et Montrouge par exemple. L'objectif est de tester des solutions innovantes dans le but de faciliter les déplacements quotidiens et de proposer aux usagers des formes de mobilité douces, à proximité de leur lieu de travail ou de leur domicile, pendant la phase de chantiers du Grand Paris Express.

« La solution proposée par Knot s'inscrit dans ce cadre, répondant à la problématique du dernier kilomètre à parcourir, après avoir emprunté les transports en commun (métro, RER, bus, tram, train). Ainsi, un habitant de la capitale travaillant à Montrouge pourra utiliser une trottinette à partir de la station de métro de Châtillon-Montrouge (ligne 4) et se rendre en seulement quelques minutes sur son lieu de travail », précise Île-de-France Mobilités dans un communiqué.

Intégrer les initiatives privées aux politiques publiques

Nombreuses sont les initiatives qui favorisent l'intermodalité. Alors, où le bât blesse-t-il ? Au niveau des ruptures de charge, indique François Adoue : « L'intermodalité entraîne un risque de perdre du temps entre deux modes de transports. » Ce qui peut inciter les automobilistes à préférer encore leur voiture individuelle, bien que les solutions d'autopartage et de covoiturage ne manquent pas.

« Si on veut promouvoir les nouvelles mobilités comme alternative aux transports en commun, alors il faut des actions plus restrictives contre l'automobile individuelle », analyse l'expert.

D'autant que, pour l'heure, ces nouvelles mobilités concernent plutôt les centres urbains, mais pas tellement les déplacements de périphérie à périphérie, poursuit-il. Et le risque d'un clivage encore plus grand entre les habitants des centres urbains et ceux de la périphérie, toujours satisfaits de l'usage de la voiture individuelle. D'où la nécessité d'orienter les actions du secteur privé en la matière.

« Il faut des politiques qui intègrent aussi le développement de ces offres privées, en les régulant mieux, voire en les contraignant à desservir certains territoires dans un souci d'équité territoriale », plaide François Adoue.

Cependant, s'il existe aujourd'hui un foisonnement de nouvelles offres, de bonnes idées de service de mobilité, à l'instar de ce que propose la jeune pousse Ecov, à cheval entre l'auto-stop organisé et le covoiturage, « qu'en est-il de leur pérennité à long terme ? », interroge François Adoue. Car si certaines startups peuvent aujourd'hui compter sur un soutien politique, se pose évidemment la question de la viabilité de leur modèle économique.

Concernant le périurbain, « un des grands problèmes aujourd'hui est le rabattement [Coordination entre modes de transport principal et secondaire, Ndlr], avec comme solutions la voiture autonome ou l'autocar. Ce dernier s'avère satisfaisant dans les périphéries à moyenne densité, et la voiture autonome le complétera dans les zones de faible densité », relève Philippe Duron.

Mieux informer les usagers

« Je ne crois pas à la mort d'un mode mais à la sophistication », confie-t-il.

Et d'ajouter :

« Il ne faut pas être doctrinaire et regarder les problèmes là où ils se posent. On diversifie les modes. Ainsi, à Copenhague, le vélo n'a pas tué la voiture, ni le métro. Plus vous offrez aux gens une palette différenciée, mieux ils savent l'utiliser en fonction de leurs besoins. De plus, cette diversification profitera aussi à ceux qui n'ont pas la diversité des solutions. Je pense qu'il faut aller vers une intermodalité optimisée.»

Les régions vont également devoir se poser des questions, estime-t-il, notamment sur la meilleure méthode pour informer les usagers. Il faudra aussi s'interroger sur l'accessibilité des solutions de transport et la pertinence de celles-ci. De quoi alimenter les réflexions lors des Assises de la mobilité qui se dérouleront à l'automne...

Mounia Van de Casteele

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Commentaires 5
à écrit le 03/10/2017 à 15:18
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On nous parle de voitures autonomes, de nouveau service de mobilité, de Grand Paris qui ressemble fort à demain on rase gratis… En fait les restrictions de circulation, les obstacles sur la chaussé ne font que stresser ou causer des maladie professio...

à écrit le 26/09/2017 à 10:49
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570 000 habitants à Copenhague, 11.5 million à Paris agglo. Pas comparable

à écrit le 26/09/2017 à 10:21
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Et le temps de trajet ? Combien de changements et d’attente ? Et le danger : tout ce qui est à roulettes est dangereux, à commencer par le vélo = chutes, gelé en hiver, rôti en été, trempé entre les deux (j’en ai fait pendant 25 ans). Il faut trad...

à écrit le 26/09/2017 à 9:10
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On met toujours et encore la pression sur les consommateurs et aucune sur les propriétaires d'outil de production, heureusement que certains font l'effort mais dans un silence médicatique hallucinant il ne faudrait pas non plus que les actionnaires m...

à écrit le 26/09/2017 à 7:30
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Voilà un bel exemple d'un RER dans une petite ville de province, Annemasse, env. 30-40'000 habitant à côté de Genève, 200'000 habitants. Ce projet est en grande partie payé par la Suisse, Genève en particulier et exploité en commun entre les CFF 60 %...

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