Ce que conseille Alexandre de Juniac (IATA) pour les Assises du transport aérien

Alors que le gouvernement français ouvre ce mardi 20 mars les Assises du transport aérien, Alexandre de Juniac, directeur général de l'Association internationale du transport aérien (IATA) rappelle les enjeux pour la France de disposer d'un transport aérien puissant. Dans sa démonstration, il critique la privatisation probable d'ADP et l'inefficacité du contrôle aérien français.
Alexandre de Juniac, ancien PDG d'Air France-KLM, aujourd'hui directeur général de l'Association internationale du transport aérien (IATA)
Alexandre de Juniac, ancien PDG d'Air France-KLM, aujourd'hui directeur général de l'Association internationale du transport aérien (IATA) (Crédits : DR)

Le transport aérien revêt une importance vitale pour la France. En effet, notre pays accueille plus de 80 millions de visiteurs par an, dont une grande partie arrive par avion. Voyager aux quatre coins de la planète est devenu facile et de plus en plus commun. Quant aux produits français phares - du fromage aux technologies de pointe, en passant par la haute couture - ceux-ci sont disponibles dans les magasins du monde entier, grâce au transport aérien dont la raison d'être se marie parfaitement avec l'une des grandes valeurs de la France : la liberté. La liberté que confère la mobilité sans frontières fait désormais partie de notre quotidien, ce qui nous pousse inexorablement à la considérer comme un acquis. L'aviation est un atout stratégique pour la France et beaucoup sont surpris de son poids dans notre économie. Véritable accélérateur de commerce, l'aviation contribue à hauteur de 120 milliards de dollars à l'économie française et emploie de manière directe et indirecte 1,1 million de personnes sur notre territoire.

Le transport aérien est un véritable atout pour la France


Le gouvernement français semble avoir pris la mesure de l'importance de ce secteur, notamment au travers de sa décision d'organiser prochainement les Assises du transport aérien. Ce rendez-vous important a plusieurs objectifs : d'une part, réaliser un état des lieux du transport aérien en France et d'autre part préparer son avenir, notamment en se focalisant sur sa contribution  en matière économique et sociale. L'aviation est un véritable atout pour la France et nous espérons que cette initiative permettra de continuer à bâtir une stratégie nationale afin  de résoudre un certain nombre de problèmes majeurs parmi lesquels la sécurité, l'inadaptation des infrastructures au sol et dans les airs et l'impact environnemental pour n'en citer que quelques-uns.
Comme la France l'a malheureusement appris à ses dépens, la sécurité est sans cesse remise en cause. Nous vivons une époque difficile. Les États et les compagnies aériennes partagent le même objectif : assurer la sécurité des passagers et des équipages. Le dialogue est la condition sine qua non du succès d'une politique de sécurité pour notre secteur. Les gouvernements possèdent une expertise en matière de sécurité tandis que les compagnies aériennes -avec leurs 11 millions de personnes transportées chaque jour dans le monde- disposent de l'expertise opérationnelle. Leur association est donc le seul et unique moyen de progresser.

Peu probable que la privatisation d'ADP améliore la situation

Nous devons également travailler ensemble sur les problèmes d'infrastructures aéroportuaires et de navigation aérienne.Si le rôle des États est d'assurer leur bon fonctionnement, les compagnies aériennes, en tant que premières utilisatrices, doivent quant à elles participer à toutes les discussions futures afin que ces infrastructures soient alignées sur nos besoins opérationnels, et ce à un coût acceptable. Il est donc fort peu probable que la privatisation d'Aéroports de Paris améliore la situation. Les charges aéroportuaires sont déjà particulièrement élevées et il suffit de regarder l'ensemble des privatisations d'aéroports dans le monde pour se rendre compte que celles-ci se sont traduites par une hausse inexorable des coûts. En effet, les intérêts des actionnaires privés prévalent bien souvent sur les intérêts stratégiques nationaux. Force est de constater que ce sont les voyageurs et les compagnies aériennes qui paient l'addition lorsque la réglementation est insuffisamment contraignante et que l'ensemble des parties prenantes ne sont pas impliquées dès le début des discussions ou des négociations. Le dialogue y est essentiel.

Les contrôleurs aériens français davantage connus pour leurs grèves que pour leur efficacité


Les services de navigation aérienne français sont quant à eux davantage connus pour leurs grèves que pour leur efficacité.La modernisation de l'espace aérien se fait encore et toujours attendre. Celle-ci permettrait pourtant d'accroitre le PIB français d'environ 33 milliards d'euros à l'horizon 2035. Dans cette optique, la Direction des Services de la Navigation aérienne (DSNA) et l'IATA travaillent conjointement sur une stratégie visant à faire évoluer le  contrôle aérien français vers des niveaux d'efficacité et de durabilité plus adaptées à la demande actuelle... et future.

Croissance neutre en carbone dès 2020

Enfin, en organisant et en signant les accords de Paris, la France a pris très au sérieux son rôle de chef de file en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Forts de ces accords, plusieurs Etats ont signé un autre accord historique spécifique à l'aviation : le système de compensation et de réduction du carbone pour l'aviation internationale (connu sous le nom de CORSIA) a pour objectif entre autres que les compagnies aériennes atteignent une croissance neutre en carbone dès 2020. Pour un secteur comme le nôtre, cela suppose une véritable révolution et constitue une prouesse majeure, sans oublier le fait que nous sommes le premier mode de transport à mettre en œuvre une initiative de cette ampleur. De surcroit, nos objectifs sont encore plus ambitieux : d'ici à 2050, nous prévoyons de réduire nos émissions de CO2 de 50% par rapport à 2005. La France a également l'opportunité de poursuivre son rôle de référence mondiale en matière environnementale en travaillant conjointement avec notre industrie dans le but d'encourager la production de carburants alternatifs durables pour l'aviation, de soutenir la Recherche & Développement dans de nouvelles technologies afin de nous aider à améliorer la gestion d'un trafic aérien qui en a tant besoin.

L'enjeu des Jeux olympiques 2024


Tous ces sujets sont non seulement critiques pour le transport aérien, mais également pour le futur de la France. Les solutions n'apparaîtront pas du jour au lendemain, mais il est important de se fixer des objectifs afin de pousser au progrès. En ce sens, il convient notamment de rappeler que la France, suite à d'intenses efforts et à un projet commun mené à bien par une coalition de pouvoirs publics et privés, s'est vue attribuer par le Comité olympique international, les Jeux de 2024. Et plus récemment, une autre bonne nouvelle est venue s'ajouter à ce palmarès: l'obtention de la Coupe du Monde de Rugby en 2023.
Ces deux évènements planétaires constituent une occasion formidable pour la France de démontrer ses qualités en matière de sécurité, d'infrastructures adaptées et de transport durable. Nul doute que le gouvernement  français souhaitera utiliser ces assises de l'aérien pour poser les bases du progrès et s'assurer de répondre aux attentes et à la grande responsabilité que suscitent ces évènements. L'IATA, forte de son expertise de presque 75 ans, y contribuera de tout son poids.

Alexandre de Juniac, directeur général de l'IATA qui représente plus de 280 compagnies aériennes et 83% du trafic mondial.

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Commentaires 3
à écrit le 20/03/2018 à 13:39
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Evidemment ces prélèvements sociaux seraient reportés sur la consommation, TVA sociale ou impot sur la consommation d'énergie comme le propose la note n°6 du CAE.

à écrit le 20/03/2018 à 8:47
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Suite. Je précise que cette note n°6 envisage de réduire les prélèvements sociaux à la charge des entreprises de statut français comme AIRFRANCE, ce qui permet de rétablir la concurrence entre les entreprises de même activité sur le plan internationa...

à écrit le 20/03/2018 à 8:07
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Monsieur de Juniac devrait rencontrer les rédacteurs de la note n°6 du conseil d'analyse économique et envisager une mise en application des propositions exprimées dans cette note. Bonne chance.

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