D'Air Liberté à Level, l'histoire singulière de British Airways en France

Avec le lancement de Level, une compagnie low-cost long-courrier, le groupe IAG, piloté par British Airways va contribuer à façonner le transport aérien français. Ce que la compagnie britannique a déjà fait depuis une vingtaine d'années par le biais d'acquisitions de trois compagnies françaises.
Fabrice Gliszczynski
Avec Level, IAG, a de fortes chances de chambouler le paysage du transport aérien français, comme il l'a fait dans le passé.
Avec Level, IAG, a de fortes chances de chambouler le paysage du transport aérien français, comme il l'a fait dans le passé. (Crédits : Toby Melville)

L'arrivée à Orly de Level, la filiale low-cost long-courrier du groupe IAG, composé également de British Airways, Iberia, Vueling et Aer Lingus, constitue une nouvelle étape de l'histoire de British Airways en France. Certes, IAG est un groupe de droit espagnol, mais vu le leadership qu'y joue British Airways depuis sa création en 2010 et la composition de son capital, majoritairement anglo-saxon, IAG est dans les faits bien plus britannique qu'espagnol. Et cette présence britannique en France est particulière. Aucune autre compagnie aérienne étrangère n'a montré autant d'appétence pour l'Hexagone que British Airways depuis la libéralisation du marché européen il y a près de 25 ans.

Entrée dans le capital de TAT

Un mélange de croissance organique (mais aussi de repli avec l'ouverture d'Eurostar en 1995 entre Paris et Londres, la plus grosse ligne aérienne du monde à l'époque) et d'acquisitions. C'est ce dernier point qui distingue British Airways des autres grandes compagnies européennes (il y a eu Swissair, mais l'affaire a été pliée en deux ans au début des années 2000).

« British Airways a très vite compris qu'elle devait être puissante sur le continent », explique un très bon observateur du secteur, rappelant qu'outre la France, British Airways a également détenu une compagnie aérienne en Allemagne, Deutsche BA, qu'elle a néanmoins revendue au début des années 2000.

En France, tout a commencé en 1993-1994 quand la compagnie britannique se lance à la conquête du marché local. A cette époque et ce sera le cas tout au long des années 90, British Airways affiche des bénéfices insolents quand les autres compagnies européennes, et plus particulièrement Air France, tirent la langue. Tentant de profiter de la faiblesse d'Air France au bord du dépôt de bilan, la compagnie britannique entre au capital de la compagnie française TAT, spécialisée dans les vols régionaux. C'est loin d'être un succès. Mais plutôt que de jeter l'éponge, British Airways va au contraire persévérer et appuyer sur l'accélérateur pour accroître sa présence dans l'Hexagone.

Reprise d'Air Liberté

Fin 1996, elle rachète pour 1 franc symbolique (15 centimes d'euros) la compagnie française Air Liberté, alors en dépôt de bilan, et va la regrouper par la suite à TAT dont elle a pris la totalité du capital. Pour diriger son pôle français, la compagnie britannique recrute Marc Rochet (aujourd'hui président d'Air Caraïbes et de French Blue) qui vient de quitter AOM. La tâche est compliquée. Au bout de trois ans, malgré une nette réduction des pertes au cours de l'exercice 1998-1999 (- 250 millions de francs, soit 38,5 millions d'euros, contre - 680 millions de francs un an plus tôt), la hausse du prix du carburant et l'évolution du dollar mettent à mal l'objectif d'atteindre l'équilibre économique. L'exercice 1999-2000 va se solder sur une perte de 280 millions de francs environ.

British Airways jette l'éponge en 2000

Elle-même confrontée à des vents contraires, British Airways décide d'arrêter les frais et va chercher à se désengager d'Air Liberté. Ecartant l'offre d'Air France, la compagnie britannique va vendre Air Liberté à Marine Wendel, la holding d'Ernest-Antoine Seilière, le président de l'époque du Medef, allié au SAir Group, la maison-mère de Swissair, pour près de 500 millions de francs. Le groupe suisse rêve de regrouper Air Liberté avec AOM et Air Littoral dans lequel il est également entré au capital dans les mêmes conditions (avec Marine Wendel). Ce fut un fiasco et tout le monde fut liquidé, à commencer par le SAir Group à l'automne 2001. AOM, Air Liberté et Air Littoral suivront tour à tour dans les deux ans.

British Airways achète L'Avion

Après avoir vendu Air Liberté, British Airways gardera un œil ouvert sur la France. Et notamment sur une petite compagnie baptisée L'Avion qui décida de se lancer en 2007 sur Paris-New York avec un concept particulier imaginé par Frantz Yvelin, aujourd'hui PDG d'Aigle Azur, et piloté par... Marc Rochet, encore lui : celui de la classe affaires à prix réduits dans des avions équipés d'une seule cabine 100% classe affaires. Au printemps 2008, alors que l'activité commence à piquer du nez avant la terrible crise qui suivra la faillite de la banque américaine Lehman Brother le 15 septembre 2008, British Airways rachète L'Avion pour 68 millions d'euros.

L'idée est de fusionner la compagnie française avec sa propre filiale, Openskies, qui présente des traits communs. Mais l'affaire commence très mal et au bout de quelques années, British Airways renonce au concept « 100% classe affaires » pour revenir à un modèle plus classique avec trois classes de services dans les avions.

Openskies sert aujourd'hui de socle à Level à Paris puisqu'elle va lui apporter son personnel, son certificat de transport aérien français et ses créneaux horaires de décollage à Orly. Avec Level, IAG, a de fortes chances de chambouler le paysage du transport aérien français, comme il l'a fait dans le passé.

Quelle sera la prochaine étape?

Et après ? Participer au mouvement de consolidation qui se prépare en France en rachetant une autre compagnie française ? Il y a deux ans, IAG aurait regardé le dossier Corsair lorsque celle-ci était déjà en vente.

A plus long terme, un certain nombre d'observateurs parient sur une vente d'Air Caraïbes et de French Blue, les deux compagnies du groupe Dubreuil, à IAG. Ils estiment qu'à 74 ans, leur président, Jean-Paul Dubreuil, pourrait être tenté, un jour, de vendre ses compagnies aériennes, si d'aventure il voyait que ses enfants ne souhaitent pas continuer dans le transport aérien. D'autant que les mêmes s'interrogent sur la conduite du groupe aérien le jour où Marc Rochet, 67 ans, tirera sa révérence.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 2
à écrit le 29/11/2017 à 19:47
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Notons surtout que toutes les aventures de BA en France se sont soldées par de cuisants échecs. Openskies étant le dernier en date...

à écrit le 29/11/2017 à 16:46
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