"L'Etat accompagnera les efforts d'Air France" (Alain Vidalies)

A moins de six mois de la fin du mandat de François Hollande, le secrétaire d'Etat aux transports, Alain Vidalies, explique à "La Tribune" que l'Etat s'est engagé par écrit à accompagner les efforts de la compagnie aérienne française. Il précise aussi le nouveau montage financier de CDG Express et dit comprendre la démarche du plan de suppressions de postes annoncé par la direction d'Airbus.
Fabrice Gliszczynski
Alain Vidalies, le secrétaire d'Etat aux transports, est allé vendredi 9 décembre à Roissy rendre visite à Air France, à ADP ainsi qu'aux contrôleurs aériens.

LA TRIBUNE - Vous êtes allé vendredi à Roissy rendre visite à Air France, à ADP et aux contrôleurs aériens. Qu'en retenez-vous ?

ALAIN VIDALIES - L'objectif de de cette visite sur le site de Roissy était de rencontrer les principaux acteurs, Air France, la DGAC, ADP et les contrôleurs, afin de faire le point, mais surtout pour envisager les évolutions techniques et les investissements qui vont être faits sur ce site de Roissy.

Quels sont les enjeux aujourd'hui du transport aérien français ?

Les questions essentielles aujourd'hui concernent l'évolution du marché, la compétitivité du pavillon national et l'organisation au sens large de ce marché au niveau international, même si l'on sait que ce ne sont pas toutes les règles censées organiser un marché qui président à l'activité de tel ou tel pays ou de telles ou telles compagnies liées à ces pays. Je pense notamment aux compagnies du Golfe persique. Sur ce point, le mandat que j'ai obtenu avec l'Allemagne pour que  la Commission négocie avec ces pays, non pas des règles protectionnistes, mais des règles de concurrence loyale, est un pas important. Une première réunion avec le Qatar a eu lieu en septembre. J'ai un peu le sentiment que la crise économique actuelle au niveau du pétrole est en train d'amener ces pays à réviser leur rapport avec leurs propres compagnies et que des notions qui n'existaient pas forcément jusque-là, en termes de tarifs aéroportuaires par exemple, commencent à traverser les esprits, tant est si bien que la rentabilité de ces compagnies n'est pas aussi forte ces dernières années. Ce serait une bonne chose si la Commission parvenait à signer des accords de concurrence loyale comme la France l'a fait avec Oman.

Avez-vous le sentiment que les pays du Golfe sont réceptifs ?

Ils ne l'étaient pas à l'origine, mais ils se rendent compte que s'ils veulent prendre pied d'une manière définitive et respectée sur un marché, en invoquant la liberté d'accès à ce marché, encore faut-il que ce marché fonctionne avec le respect de règles de concurrence loyale. Peu à peu, j'ai le sentiment que cette idée est en train de prospérer et c'est plutôt un signal positif, mais je ne baisse pas la garde.

Outre, les compagnies du Golfe, il y a aussi les transporteurs low-cost qui ne cessent de se développer en Europe et en France.

Les low-cost ont montré qu'elles étaient capables de développer l'accès au transport aérien par une politique de prix nouvelle, et de réussir. En témoigne, la capitalisation de Ryanair qui est devenue en quelques années 13 fois supérieure à celle d'Air France-KLM. Les low-cost sont une vraie réussite. Pour autant, ce n'est pas un modèle susceptible, à lui seul, d'être le modèle unique du transport aérien. Il y aura bien sûr toujours de la  place pour le savoir-faire, la qualité et le prix qui va avec. Il y a les deux marchés, et ma conviction c'est qu'ils vont continuer à coexister.

Que pensez-vous du plan stratégique d'Air France ?

Je soutiens l'initiative de la direction d'Air France. Un certain nombre de lignes long-courrier sont en difficulté, vouloir les reconquérir est une idée juste. Comme les autres compagnies, Air France profite aujourd'hui de la baisse des prix du pétrole. Les résultats financiers 2016 vont être bons. Mais malgré cet environnement favorable, 35% des lignes long-courriers restent déficitaires. L'ancien PDG d'Air France-KLM, Alexandre de Juniac, était sur une politique d'attrition, c'est-à-dire de fermer les lignes qui coûtent cher de telle manière à rétablir la rentabilité de la compagnie sur un périmètre plus restreint. Je pense que l'attrition est une mauvaise idée. En revanche, ce qui est proposé aujourd'hui par le PDG, Jean-Marc Janaillac est une bonne idée : créer une nouvelle compagnie long-courrier intermédiaire, avec un effort sur les coûts pour reconquérir des lignes déficitaires. Sur le plan de la compétitivité, ce qui était vrai hier du temps d'Alexandre de Juniac le reste aujourd'hui. J'espère que les négociations avec l'ensemble du personnel permettront à la compagnie de se dessiner un avenir plus crédible pour le moyen terme que celui d'être dépendant des aléas du prix du pétrole ou de l'émergence de nouvelles compagnies ou de nouveaux modèles. On le voit avec Norwegian, qui  développe une activité low cost long-courrier, le marché va très vite.

La direction et les syndicats d'Air France dénoncent la lourde taxation qui touche le transport aérien français et demandent que l'Etat prenne lui aussi des mesures pour améliorer la compétitivité de la compagnie. Que leur répondez-vous ?

L'Etat a déjà fait des efforts conséquents. Air France bénéficie notamment du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi), à hauteur de 70 millions d'euros environ. Si l'on ajoute les 60 millions d'euros d'économies engendrés par l'exonération de la taxe de l'aviation civile pour les passagers en correspondance que nous avons décidée à la suite du rapport Le Roux (remis au gouvernement fin 2014, ndlr), cela fait près de 130 millions d'euros d'aides nouvelles annuelles à Air France sur deux ans. Ce n'est pas rien ! S'ajoutent aussi les 26 millions d'euros correspondant à la dernière partie du produit de la taxe de l'aviation civile, qui était jusque-là toujours reversée au budget général. Après l'amendement voté au Sénat l'année dernière, j'ai obtenu qu'ils ne soient plus captés par budget général, mais qu'ils soient destinés au soutien du secteur. Cette mesure concerne toutes les compagnies mais Air France en sera bénéficiaire très largement.

Ceci étant, je suis favorable à ce que l'Etat accompagne les efforts que feraient les salariés de la compagnie. Je l'ai dit à la direction d'Air France dans une lettre transmise le 2 novembre dernier (jour du conseil d'administration au cours duquel le plan stratégique était présenté, NDLR). Il y a un engagement écrit du gouvernement pour dire que s'il y a des évolutions à Air France sur la compétitivité, l'Etat est prêt, lui aussi, à faire des efforts. J'ai l'idée d'un contrat social dans ce dossier : ce serait une bonne chose que la puissance publique, les syndicats et  les actionnaires fassent chacun des efforts. On avait l'impression que chacun restait dans la posture de dire « que l'autre commence d'abord et notamment l'Etat», ce que je dis c'est que l'Etat a déjà commencé avec les 130 millions d'aides apportées en deux ans.

Quels peuvent être les efforts supplémentaires de l'Etat ?

Cela ne peut être que budgétaire, c'est à dire sur les taxes, en affectant par exemple au transport aérien les sommes d'une taxe qui dépasse son plafond. Cet écrêtement s'applique à toutes les taxes en France et pas seulement à celles du transport aérien. Aujourd'hui, il y a un tel écrêtement sur deux taxes aériennes : la taxe contre les nuisances sonores et la taxe de Solidarité, qui dépasse d'une dizaine de millions d'euros son plafond de 210 millions d'euros. Par deux amendements différents, la première vient d'être déplafonnée, la seconde vient de voir son surplus reversé au secteur. Il faut attendre la fin du processus budgétaire. Je ne prends pas cela pour argent acquis à ce jour. En tout cas, le potentiel de reversement de la taxe de Solidarité est important. Car, même si le surplus de cette taxe n'est d'environ que 10 millions d'euros aujourd'hui, il s'élèvera à 310 millions d'euros au cours des 7 prochaines années, en se basant sur les prévisions de croissance du trafic sur cette période. Si ce n'est pas fait cette année, je pense que c'est une vraie piste pour répondre à la question de l'utilisation de ce surplus.

Certains syndicats d'Air France veulent davantage...

L'Etat est un partenaire dans ce dossier comme le sont les actionnaires et la compagnie mais il ne fera pas l'essentiel de l'effort. On a déjà apporté 130 millions d'euros. Le temps est venu maintenant de voir s'il peut y avoir du contenu du côté de la négociation sociale. Je le dis clairement pour que personne ne se perde : la compagnie ne peut pas faire un effort de 1 et l'Etat un effort de 9. Cela ne marchera pas. Il faut un partage des efforts.  Si l'objectif du plan est de faire 500 millions d'euros d'économies d'ici à 2020, et que cet effort est partagé par les salariés, les actionnaires et l'Etat, ce n'est pas infranchissable.

Où en est CDG Express, cette ligne ferroviaire directe entre l'aéroport de Roissy et le centre de Paris, prévue en 2023 ?

Mon objectif principal était d'empêcher la mise en place d'une taxe sur les billets d'avion tant que l'infrastructure ne fonctionnerait pas, c'est-à-dire, pas avant 2024. C'était ma seule exigence et je l'ai obtenue. Le gouvernement a fait voter un amendement en ce sens. Le montage financier a par conséquent une autre configuration. Il prévoit un engagement du gestionnaire de l'infrastructure composé d'ADP, de SNCF Réseau et probablement de la Caisse des Dépôts, portant sur un montant total de fonds propres de 400 millions d'euros et sur 100 millions d'avances remboursables sur lesquelles ADP s'est prononcé, ce qui devrait permettre la bancabilité du projet. Nous allons pouvoir désormais notifier le dossier à Bruxelles.

Que pensez-vous du plan de suppressions de 1.164 postes à Airbus Group, au moment où sa principale division, Airbus, enchaîne chaque année les records de production ?

C'est vrai mais, en même temps, le marché aéronautique est un marché concurrentiel. Par rapport à la compétitivité et les résultats du groupe, je pense qu'il vaut mieux traiter la question aujourd'hui en se donnant des marges de manœuvre qui ne vont pas affecter la production mais rationaliser l'organisation, plutôt que de constater demain que l'absence de telles mesures a fait perdre des parts de marché par rapport à la concurrence. La taille du groupe, le volume de la réorganisation, l'absence probablement de licenciements secs, et, s'il y en a, la capacité de les accompagner, permettent de comprendre la démarche de la direction.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 13
à écrit le 26/12/2016 à 9:14
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C'est une promesse de Gascon (= un mensonge éhonté) puisque en contravention avec les articles 63, 106 etc du TFUE, enfin toute la substance du Traité d'Union Européenne qui érige le principe de concurrence absolue ("libérale") en système de base. C...

à écrit le 15/12/2016 à 11:22
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cette société n attirent plus a investir et pour causes !! l action air france a perdu plus de 80%

à écrit le 14/12/2016 à 4:48
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Aide bien entendue aux frais des petits et moyens contribuables, c'est cela le socialisme scélérat. Toujours plus pour Air France, une société qui comme la SNCF, la RATP, EDF, ne s'est jamais remise en question. Ces sociétés qui gavent leurs nantis d...

le 14/12/2016 à 23:53
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nantis de salariés??? vous etes donc si sure qu il n y as que des pilotes payes 15000 euros par mois chez AF???? et pour infos allegement de taxes ne veux pas dire cheque fait a la compagnie

à écrit le 14/12/2016 à 4:06
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"Instaurer des regles de concurence loyale", ces socialos sont impayables. Les francais vont encore payer les errances de cette tribu de bras casses. Jamais plus je ne volerai sur AF. Je prefere de loin Korean Airline, la Lufth. Service impec, sour...

à écrit le 13/12/2016 à 20:17
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.

à écrit le 13/12/2016 à 18:38
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En tant qu'actionnaire d'Air France-KLM, je ne vois pas quel effort je pourrais consentir, après avoir perdu 80% de la valeur de mon investissement, et perçu aucun dividende depuis des années! Il faudrait être fou pour mettre à nouveau de l'argent d...

à écrit le 13/12/2016 à 17:58
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Quand ce Monsieur dit l'état ; moi je comprends : " le contribuable " . Et si on en finiissait une fois pour toutes en laissant mourir tous ces canards boiteux qui vont de pertes en pertes .

à écrit le 13/12/2016 à 14:21
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Contribuables, à vos poches! Le modèle social français est à ce prix! Pathétique et scandaleux! Raison de plus pour éviter de prendre ce machin....

à écrit le 13/12/2016 à 13:14
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Economie assistée ...et économie dirigée ...les deux mamelles de l'improductivité socialiste ....au final , l'ardoise c'est toujours pour les autres ....

à écrit le 13/12/2016 à 10:51
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Que l'état accompagne les efforts d'AF et de ses salariés, très bien. Mais dans les faits, ça veut dire quoi ? Lorsque les syndicats AF disent qu'à fiscalité/charges sur salaire identiques, AF serait aussi "compétitive" que KLM, cela met surtout en ...

à écrit le 13/12/2016 à 10:20
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Si l'Etat doit et veux faire des économies, qu'il se désengage complètement d'AF , participation qui reste depuis de sa création qui si elle a eu sa raison d'être jadis est contre productive désormais, pour qu'enfin elle devienne une vraie entreprise...

à écrit le 13/12/2016 à 9:46
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Air France joue un jeu équivalent à la SNCM aujourd'hui en piteux état. Au lieu d'accompagner cette entreprise qui de toute façon est vouée à disparaître par l'entêtement de son personnel plus particulièrement les pilotes à refuser de voir le monde ...

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