L'Etat prêt à monter fortement au capital d'Air France-KLM : Djebbari dit pourquoi

Vendredi lors de la 7e édition du Paris Air Forum, un événement organisé par La Tribune, le ministre français des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a indiqué que l'Etat, après les 7 milliards d'euros d'aides accordés sous forme de prêts en mai à Air France, était "prêt à monter au capital d'Air France-KLM dans des proportions importantes", et a détaillé les objectifs stratégiques qu'accompagnera cette recapitalisation, en évoquant notamment la consolidation à venir du secteur aérien, "une opportunité pour Air France-KLM et Transavia".
Fabrice Gliszczynski

Les déclarations concernant une deuxième tranche d'aides d'Etat à Air France se précisent. La semaine dernière, dans l'émission "Quoi qu'il en coûte" de BFM Business, le ministre des Finances Bruno Le Maire a répété que l'Etat serait présent "s'il y avait, à un moment donné, un besoin financier supplémentaire pour Air France". Ce vendredi au Paris Air Forum, un événement organisé par La Tribune, le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, est allé un cran plus loin, en précisant la nature de cette aide, "une recapitalisation", et les objectifs que ce soutien financier doit accompagner sur le plan stratégique pour Air France-KLM.

"L'État a dit qu'il était prêt à monter au capital dans des proportions importantes", a expliqué Jean-Baptiste Djebbari.

Autrement dit, six mois après avoir accordé une aide publique de 7 milliards d'euros sous forme de prêts (3 milliards d'euros de prêt direct de l'Etat, et 4 milliards de prêts bancaires garantis par l'Etat), la deuxième tranche d'aides aujourd'hui en discussion pour la compagnie française se traduira cette fois par une augmentation de la part de l'Etat français dans le capital de la maison-mère, Air France-KLM, bien au-delà des 14,3% qu'il détient aujourd'hui, aux côtés de l'Etat néerlandais (14%).

Renforcement des fonds propres

Le scénario peut paraître évident depuis que le groupe a indiqué, dès l'accord sur les prêts accordés à Air France fin mai, qu'une opération de renforcement des fonds propres serait nécessaire d'ici à la prochaine assemblée générale du groupe, en mai 2021. Mais, jusqu'ici, les différents ministres s'exprimant sur Air France ne s'étaient pas jamais aventurés à donner des détails sur cette opération, préférant marteler sans plus de détails que l'Etat soutiendrait Air France si besoin. Avec les propos de Jean-Baptiste Djebbari, les formes de cette aide sont extrêmement claires. Il s'agira d'une recapitalisation, un terme qu'il a par ailleurs utilisé, et cette opération se traduira par une augmentation de la part de l'Etat français dans le capital d'Air France-KLM, sans pour autant aller jusqu'à dépasser les 50% du capital, selon plusieurs sources. Bruno Le Maire a d'ailleurs expliqué qu'une nationalisation n'était pas la meilleure option. Il est clair qu'un tel scénario mettrait de l'huile sur le feu dans les relations déjà compliquées entre les Etats français et néerlandais depuis le raid lancé par ce dernier début 2019 pour rafler en catimini 14% du capital d'Air France-KLM afin de pouvoir peser sur les décisions du groupe.

Une coopération entre la France et les Pays-Bas est nécessaire

Les propos de Jean-Baptiste Djebbari vont forcément interpeller aux Pays-Bas. Car, pour l'heure, les hommes politiques néerlandais sont pour le moins discrets sur une deuxième tranche d'aides, qui plus est sur une augmentation de l'Etat néerlandais au capital du groupe. Mais, pour éviter de nouvelles tensions entre la France et les Pays-Bas qui fragiliseraient encore plus Air France-KLM, une montée de la France dans le capital du groupe ne peut se faire que de manière concertée avec les Pays-Bas. Or, selon nos informations, les discussions ne font que commencer entre les deux Etats. Et il est bien difficile pour l'heure de connaître les positions de La Haye, notamment celles de son ministre des Finances, Wopke Hoekstra, dont la perte de valeur des 14% du groupe achetés par les Pays-Bas en 2019 lui est souvent reprochée aux Pays-Bas. Le calendrier a toute son importance. Il n'y a aucune urgence pour les Pays-Bas. Des élections régionales sont prévues en mars, et Wopke Hoekstra a plutôt intérêt à ne pas se "griller" dans ce dossier, si d'aventure les ambitions que certains lui prêtent de viser le poste de Premier ministre étaient fondées. Car les montants en jeu sont colossaux. L'absence d'urgence en termes de liquidités peut jouer en faveur des Néerlandais. Le groupe peut tenir plus d'un an. Pour autant, certains en France estiment que Paris pourrait passer en force en cas de refus néerlandais de se lancer dans une telle opération. Ce qui augurerait une nouvelle bataille entre les deux Etats.

Une opération autour de 5 milliards d'euros

Pour les analystes, le groupe a besoin d'une recapitalisation d'un montant proche de 5 milliards d'euros pour assainir son bilan, fragilisé par une dette qui a bondi ces derniers mois, pour s'établir à plus de 9 milliards d'euros fin septembre, alors que les fonds propres sont négatifs. Problème : avec de tels montants et la faiblesse de la capitalisation boursière, une telle recapitalisation entraînerait de facto une décote importante pour les investisseurs privés et diluerait fortement les participations des gros actionnaires comme Delta et China Eastern. Si une dilution semble inévitable vu les montants nécessaires, l'idée est de la limiter au maximum. D'où l'idée, parmi tous les scénarios élaborés côté français, d'une opération en deux temps, en utilisant d'abord des instruments hybrides réservés aux Etats, puis en lançant dans un second temps une augmentation de capital. Par instruments hybrides, il faut entendre obligations perpétuelles, expliquent des experts financiers.

"Sans date de remboursement, elles permettent d'apporter des liquidités à court terme en étant considérées, sur le plan comptable, comme des fonds propres et non comme de la dette", explique l'un d'eux.

De tels instruments permettraient ainsi de décaler dans le temps, au moment de leur remboursement, une dilution trop importante des investisseurs privés. Selon nos confrères du Monde, Air France-KLM chercherait à obtenir 6 milliards d'euros, dont 3 milliards apportés par l'Etat français, 1 milliard par l'Etat néerlandais, et le reste sur le marché.

Des montants que n'a pas souhaité confirmer le ministre des Transports, même si ce dernier a parlé de montants "massifs".

Pour lui, le plus important est ailleurs.

"Le sujet n'est pas tant ça que de savoir ce qu'on veut faire d'Air France-KLM, à savoir, avec nos amis néerlandais, si on est prêts à une intégration plus forte du groupe" pour qu'il soit "plus performant sur le marché européen" et qu'il renforce "son empreinte au niveau mondial".

Il s'agit, a-t-il ajouté, de savoir "ce que nous voulons faire, nous Français, d'Air France-KLM, de Transavia en termes de stratégie en lien avec les dirigeants du groupe. Jean-Baptiste Djebbari espère un groupe capable de jouer un rôle dans la consolidation du secteur.

"Nous anticipons qu'une fois la reprise (...) il y aura une consolidation. C'est une opportunité pour Air France-KLM, pour Transavia, de croître, d'être conquérant. Ce qui m'intéresse dans le sujet de la recapitalisation, c'est le plan stratégique et où sera Air France-KLM dans 5 ans, vis-à-vis de ses concurrents? C'est comment on aura réussi à recréer de l'emploi en France, à maintenir de la connectivité en régions, à réaliser de la croissance à l'intérieur du groupe en lien avec des partenaires européens".

Là aussi, les propos de Jean-Baptiste Djebbari en faveur d'une plus grande intégration du groupe ont dû agacer cette fois la direction de KLM, hostile à un telle stratégie qu'elle assimile à des transferts d'activité.

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REPLAY

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Encadré. Du désengagement au réengagement de l'Etat

Il y a plus de vingt ans, en 1999, l'introduction en Bourse d'Air France marquait le début d'un long processus de l'Etat dans le capital de la compagnie aérienne française, lequel prit un tournant décisif au moment du rachat de KLM en 2004, puisque l'Etat français détenait moins de 50% du groupe Air France-KLM, issu de cette opération. Depuis cette privatisation, la part de l'Etat n'a cessé de diminuer pour atteindre 14,3% du capital du groupe, à peine plus que la participation de l'Etat néerlandais prise à la hussarde début 2019 (14%).

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 24
à écrit le 22/12/2020 à 13:29
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Il ne faut pas que la France perde un de ses derniers fleurons dont nous sommes si fiers : AIR FRANCE !

à écrit le 23/11/2020 à 9:23
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Les Français n'ont aucunement besoin d'une compagnie aérienne nationale qui est un gouffre sans fond....ça suffit. Assez du gaspillage de nos impôts !

à écrit le 22/11/2020 à 20:48
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L'Etat est incapable de gérer : parce qu'il obéit à des procédures de droit public longues (marchés publics, finances publiques, processus législatif et administratif) et politiques (rythme des élections, consensus, droits de l'opposition...) au lieu...

le 23/11/2020 à 5:41
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@ Britannicus. Rectification, votre argent et celui de vos enfants, nuance.

à écrit le 22/11/2020 à 20:44
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Le probléme d'AF n'est pas dû au covid mais à sa gestion interne et particulière. Pour les petits salariés d'AF ,comme pour tout le peuple de France et du monde, cette crise est dramatique. Mais AF n'est pas le centre du monde, elle n'a pas de mis...

à écrit le 22/11/2020 à 18:06
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Il faut divorcer de klm et fusionner avec la sabena, amha, c'est la seule solution une fois

à écrit le 22/11/2020 à 17:45
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Air Mauritius à renvoyer 100 pilotes étrangers du jour au lendemain ainsi que des milliers de personnels au sol pour avoir des chances de repartir ! La luftansa reconverti ses pilotes en pilote de train Air France lui continue comme si de rien n’ét...

le 22/11/2020 à 19:29
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AF a fait partir 376 pilotes, 1050 PNC et est en train de faire partir 5 ou 6000 personnel sol... et vous dites qu’ils ne font rien?

le 23/11/2020 à 16:25
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Depart de 350 pilotes chez AF, renseignez vous !

à écrit le 22/11/2020 à 16:52
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Spot on !

à écrit le 22/11/2020 à 16:46
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C'est vraiment inadmissible , cette compagnie doit disparaitre et mérite aucun soutien supplémentaire cela fait tellement d'année que le service est déplorable et qu'il n'y a aucune vision stratégique . Le covid a bon dos , il faut réinvestir dans u...

à écrit le 22/11/2020 à 16:39
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...dans le monde réel, payer des commandant de bord 20.000/mois depuis 6 mois à ne rien faire ça ne peut pas marcher, mais heureusement les impôts des français sont là pour renflouer.

le 22/11/2020 à 19:05
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Aucun commandant de bord n'est payé 20 000€ par mois à ne rien faire. Dans le cas général, ils travaillent entre 30 et 70% de leur activité normale, pour le salaire minimum qui est garanti par leur contrat, justement prévu pour couvrir les crises : ...

le 22/11/2020 à 19:28
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J’aimerais tellement être payé ce que vous dites et ne rien faire mais en tant que CDB sur long courrier, je suis plutôt à 12000€ en volant 3 fois par Mois.... donc on y est pas...

le 22/11/2020 à 19:54
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Dans le monde réel, la moitié de la population active française serait au chômage sec !

le 22/11/2020 à 23:27
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Vous ne connaissez pas les contrats de travail des navigants d'AF . En sous activité , ils ne reçoivent que le minimum garanti , ce qui ampute leur salaire de 40 à 50 %

le 23/11/2020 à 22:17
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Vos chiffres sont faux. Aucun CDB ne touche 20000€ au mini, même sur A380. Sur 777, c’est plutôt 12000€. De plus, TOUS les pilotes volent chaque mois donc ils ne sont pas payés à rester à la maison.

à écrit le 22/11/2020 à 15:45
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Taxes, interdictions, fraudes, faillites, attentats islamistes,...dette massive. Sympa pour les générations futures.

le 22/11/2020 à 17:09
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N'oubliez pas la priorité de Macron, si au début du quinquennat fallait baisser de 5 euros les APL et "en même temps" fabriquer une piscine de vacances pour lui et sa femme, aujourd'hui la priorité n'est pas de sauver l'emploi mais de financer sa cam...

le 23/11/2020 à 2:55
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@Openbar. Observez les prix a la conso, tout devient cher. Les taxes deguisees, c'est vous qui les payez au quotidien. Les impots explosent, il y en aura pour tout le monde. Il faut payer l'argent magique.

à écrit le 22/11/2020 à 13:47
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Tout le monde sait que les prets ne seront jamais rembourses et payes in fine par les francais. La fuite en avant continue, le mur approche et ca va faire tres mal.

le 22/11/2020 à 14:43
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Pour cela qu’on les transforme en actions...ce n’est pas perdu et ça vaut beaucoup plus cher 2-3 ans après la crise...la revente de ces parts de l’état peut générer bien plus que le coup

le 22/11/2020 à 17:38
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+1 Mais les français ne s'en rendent pas compte. .. ou font une déni macron +2% de bonne opinion on n'est pas sorti des ronces

à écrit le 22/11/2020 à 13:36
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Tu provoque une faillite tu rachète et apres tu rrevent a l etranger .. si ca marche pas .. comme c est l etat au pire c est le con tribualble qui paye..

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