Le coup de com' du VTC qui veut ubériser Uber

Un chauffeur d'Uber a annoncé la création d'une application mobile concurrente. De quoi faire trembler le géant américain ? Rien n'est moins sûr...
Mounia Van de Casteele
L'annonce de la création de "VTC Cab" semble passer pour la suite logique du mouvement contestataire des chauffeurs déçus, alors qu'une application mobile ne se conçoit pas en un jour, tout comme un syndicat d'ailleurs.

La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Cette fable de Jean de La Fontaine semble toujours d'actualité à lire l'annonce, très médiatisée, de la création d'une "application concurrente d'Uber par des chauffeurs d'Uber". Mohammed Radi, celui qui se targue d'être le porte-parole de l'association des "VTC de France" (VTC, pour véhicules de transport avec chauffeur), en cours de création et qui a pour but de protéger les intérêts de ces derniers, a en effet donné la primeur dimanche soir à France Info du lancement de l'application "VTC Cab".

Concrètement, il s'agirait d'une "plateforme technologique" mettant en relation passagers et VTC, et fonctionnant sur le même principe que celles d'Uber, LeCab, Chauffeur-Privé ou encore Marcel. A ceci près que la commission prélevée par "VTC Cab" sur chaque course est censée être la plus faible du marché: inférieure à 7%. A titre de comparaison, Marcel Chauffeur se rémunère à hauteur de 15% sur le prix d'une course, et Uber à 20%.

Aucune trace sur le web

Côté financement, une trentaine de chauffeurs auraient mis la main au porte-monnaie pour développer cette application pour smartphone. Les chiffres peuvent surprendre dans la mesure où France Info évoque un coût de 130.000 euros partagés entre une trentaine de chauffeurs avec une participation allant de 50 à 2.000 euros par personne. Il reste donc un écart d'au moins 70.000 euros (si on considère que 30 chauffeurs ont donné 2.000 euros), qui a sans doute été financé par d'autres investisseurs ou par un emprunt.

Contacté par La Tribune, Mohammed Radi a expliqué que les 130.000 euros évoqués par France Info correspondaient en fait à "la valeur marchande estimée de l'application". Bref. Un certain flou demeure, alors qu'à l'heure de l'actualisation de cet article, aucun site, application ou document officiel à ce nom n'était trouvable sur le web.

Excepté une certaine société baptisée VTC Cab IDF sur infogreffe, immatriculée le 13 novembre 2014 - le calendrier pourrait correspondre puisqu'une appli ne se crée pas en un jour - et dont l'activité correspond au "Transport de voyageurs par taxis".

VTC CAB IDF

Un bon calendrier pour communiquer

Quoi qu'il en soit, le coup de com' tombe à point nommé puisque depuis la baisse de tarifs de 20% annoncée par Uber, début octobre, la tension est palpable chez les chauffeurs - Uber assure qu'il s'agit d'une minorité de l'ordre de 1% du nombre de ses partenaires. Mécontents, ceux-ci ont commencé par manifester devant le siège d'Uber France dans le 19e arrondissement de Paris - un mouvement qui s'est à deux reprises poursuivi Porte Maillot, puis ont décidé de monter un syndicat pour protéger les intérêts des professionnels de la branche. Celui-ci n'est pas encore créé, si tant est qu'il le soit un jour, mais Mohammed Radi s'en est immédiatement auto-proclamé porte-parole.

Sur Linkedin, il se présente en tout cas comme le "Secrétaire général de l'association des VTC de France":

mohammed radi

Joint par La Tribune, celui-ci assure qu'il ne s'est pas "auto-proclamé" porte-parole mais qu'il a été "élu pour représenter l'association à la majorité lors d'un vote à main levé entre sept personnes". Celles qui étaient présentes au rendez-vous à la Préfecture. Pourtant une autre de ces personnes qui participait à ce rendez-vous certifie à La Tribune qu'elle n'est même pas au courant qu'il y ait jamais eu de vote. Ajoutant, pour donner du crédit à ses propos, qu'il existe bel et bien un syndicat de VTC, affilié à l'Unsa, depuis vendredi dernier.

Unsa vtc syndicat

De quoi surprendre peut-être Mohammed Radi qui à la base voulait créer un syndicat, mais a dû se contenter du statut associatif... Notons au passage que celui-ci assure ne pas rechercher à être médiatisé, alors que certains VTC pensent le contraire. "Je me suis fait suffisamment plaisir dans ma vie pour ne pas ressentir le besoin d'être sur l'estrade, sur le podium", lance-t-il à La Tribune. Pourtant, Mohammed Radi a changé sa photo de profil Linkedin mardi 20 octobre (cf capture d'écran ci-dessous).

Radi Linkedin Zoom

Et on peut le voir à son bureau, face caméra, répondant à ce qui peut ressembler à un journaliste...

Mohammed radi

Toujours est-il qu'il existait déjà une association, baptisée Capa VTC et déclarée officiellement en préfecture, dont le but est de défendre les intérêts de la profession des VTC et capacitaires (d'où son nom). Elle s'est récemment faite connaître par son action en justice qui visait à autoriser les VTC à rouler au même titre que les taxis lors de la fameuse "Journée sans voiture(s)" organisée par la ville de Paris.

Cependant, Mohammed Radi, contacté par La Tribune, explique que différentes associations peuvent avoir des points de vues et des aspirations qui divergent...

Lire aussi: Paris sans voitures : les VTC ne pourront donc pas rouler (partout)

Par ailleurs, il fleurit chaque jour ou presque de nouvelles applications de VTC. Mais certaines passent moins inaperçues que d'autres.

Hasard du calendrier: l'annonce de cette nouvelle application arrive le lendemain de celle de la plateforme baptisée "le.taxi", prévue par la loi Thévenoud, dans un communiqué du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve et de la secrétaire d'Etat chargée de la réforme de l'Etat et de la Simplification, Clotilde Valter.

"France Info lundi, TF1 mardi"

Bref. Il faut dire que Mohammed Radi jouit en ce moment d'une bonne couverture médiatique. Alors pourquoi ne pas en profiter? L'annonce sur France Info lundi avait ainsi été programmée depuis la semaine passée, comme le montre cette capture d'écran Facebook:

vtc de france

Du coup, la création de "VTC Cab" semble passer pour la suite logique du mouvement contestataire des chauffeurs déçus, alors qu'une application mobile ne se conçoit pas en un jour, tout comme un syndicat d'ailleurs. C'est le fruit de longs mois de travail et de développement. Et notons à cet égard l'exemple de l'application d'auto-stop connecté OuiHop. Celle-ci vient d'être lancée après deux années de version bêta ! Et il n'est pas encore garanti que le succès soit au rendez-vous...

Lire aussi: du covoiturage urbain gratuit ?

Quel avenir ?

Cependant, il n'y a pas là de quoi inquiéter outre mesure la filiale française du géant californien né dans la Silicon Valley il y a six ans et devenu, depuis, le leader incontesté sur le marché du transport de personnes avec chauffeurs privés, avec, selon ses chiffres, une dizaine de milliers de chauffeurs dans l'Hexagone inscrits sur sa plateforme.

Car, pour l'heure, "seuls" 300 chauffeurs seraient prêts à suivre le mouvement. Ce qui représente peu ou prou la moitié de la flotte de la jeune pousse Marcel, laquelle a beau afficher 10% de croissance par semaine, elle reconnaît ne pas pouvoir aujourd'hui rivaliser avec l'Américain.

Et bien qu'Uber n'ait a priori pas intérêt à ce que ses partenaires le quittent, le géant ne joue clairement pas dans la même cour que toutes ces jeunes pousses.

Enfin, Uber s'est toujours montré favorable à la concurrence. Thibaud Simphal n'assurait-il pas en février:

"Nous n'avons pas peur de la concurrence, elle est saine, et nous sommes prêts à nous faire "uberiser" nous-mêmes!"

L'avenir dira si Uber profite vraiment de l'ubérisation de sa propre société. Mais avant cela, si cette rébellion d'une partie des chauffeurs rencontre le succès...

     | Lire aussi: Quand Google et Uber jouent à "Attrape moi si tu peux"

En attendant, l'association en cours de création a annoncé sur Twitter une action en justice contre Uber:

"Nous réclamons la requalification de son contrat de partenariat en contrat de travail", a expliqué à La Croix l'avocat selon lequel les exigences d'Uber en termes de nombre de courses journalières en échange d'un montant garanti "caractérisent la subordination de ces chauffeurs."

Pour prétendre à cette garantie financière, Uber demande aux chauffeurs trois choses, comme cela est précisé dans la capture d'écran du mail qui leur a été envoyé:

  • Accepter 90% des courses
  • 5 courses par jour en moyenne ou un total de 35 courses sur la semaine
  • Obtenir une note minimum de 4,5 sur la semaine

 Ce qui permettrait selon l'association de prouver le lien de subordination entre Uber et ses partenaires...

email drivers uber

Uber non officiellement informé

Reste que selon un porte-parole d'Uber, qui a réagi mardi après-midi:

"Uber n'a pas été officiellement informé d'une telle plainte. Nous sommes sereins s'agissant des suites qui pourraient y être données: les partenaires chauffeurs d'Uber contrôlent totalement l'utilisation qu'ils font de l'application".

Ajoutant que "près de neuf partenaires chauffeurs sur dix disent qu'ils aiment travailler en tant que VTC sur la plateforme Uber pour une raison principale: être leur propre patron (source Ifop/Uber France septembre 2015).

Article actualisé le 21 octobre à 10h30.

Mounia Van de Casteele

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Commentaire 1
à écrit le 20/10/2015 à 0:21
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MOUNIA.....dans tes bras... https://www.youtube.com/watch?v=j7kzfytoBao

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