Les Assises du transport aérien vont-elles accoucher d’une souris ?

À quatre mois des conclusions des Assises du transport aérien, dont l'objectif est de prendre des mesures améliorant la compétitivité du secteur, les compagnies sont inquiètes.
Fabrice Gliszczynski
Plancher sur les façons d'améliorer la compétitivité du transport aérien et annoncer dans le même temps la privatisation d'ADP ne constitue pas un signe très positif aux yeux des transporteurs. Ces derniers craignent en effet que la privatisation d'ADP entraîne une envolée des redevances aéroportuaires.

À quatre mois des conclusions des Assises du transport aérien, celles-ci vont-elles accoucher d'une souris ? C'est la crainte des professionnels du secteur qui demandent des mesures pour améliorer la compétitivité du pavillon français, même si les turbulences à Air France ont fait remonter le dossier en haut de la pile des sujets à traiter par l'exécutif. Plusieurs mesures pourraient être intégrées dans le projet de loi des finances (PLF). Elles représenteraient entre 100 et 150 millions d'économies pour le pavillon français. "Après, il y aura d'autres échéances", explique un connaisseur du dossier, "qui pourraient permettre d'atteindre au total 300-350 millions d'euros d'économies"

« On espère de mesures concrètes », déclarait récemment Pascal de Izaguirre, le PDG de Corsair, lors d'un point presse organisé par la Fédération nationale de l'aviation marchande (Fnam).

Le son de cloche au Scara, le syndicat des compagnies aériennes autonomes, est le même.

« Nous sommes inquiets. Si l'on ne fait rien, dans vingt ans, il y aura certes des avions en France mais plus de compagnies françaises. L'objectif de ces Assises est de sauver les certificats de transport aérien français. Nous avons l'impression que nous allons passer à côté d'un moment historique. L'enjeu n'est pas de gagner quelques millions d'euros avec quelques mesurettes, le problème est structurel », a déclaré son secrétaire général, Jean-Pierre Bès, à l'occasion d'une conférence de presse.

Privatisation d'ADP

La privatisation d'ADP, le gestionnaire des aéroports parisiens, est une donnée importante dans les décisions qui seront prises à l'issue de ces Assises en octobre. Pour la faire accepter par les compagnies aériennes, le gouvernement se doit de prendre des mesures fortes pour le transport aérien qui ne se limitent pas à des mesures ponctuelles, selon Vincent Capo-Canellas, sénateur de la Seine-Saint-Denis et coprésident du groupe de travail sur la compétitivité dans le cadre des Assises.

« Il faut que la filière se pose la question : pourquoi nous n'y sommes pas arrivés, alors que la France est bénie des dieux pour le transport aérien. Il faut réfléchir à l'ensemble de l'écosystème. Si on ne le fait pas, cela voudra dire que la France renonce à être une puissance aérienne avec les risques en termes de connectivité du pays avec le reste du monde que cela va entraîner. Pour l'heure,  j'ai du mal à voir la stratégie globale », confie-t-il à "La Tribune".

Annoncer la privatisation d'ADP pendant les Assises n'envoie pas un signal très rassurant  aux  transporteurs. Ces derniers craignent en effet que la privatisation d'ADP n'entraîne une envolée des redevances aéroportuaires.

« Nous voulons des garanties. La trajectoire des redevances doit être orientée à la baisse », a indiqué Alain Battisti, le président de la Fnam.

De son côté, le président du Scara, Jean-François Dominiak s'insurge :

« Les tarifs aériens diminuent en moyenne de 1% par an. Avoir une hausse des redevances aéroportuaires est inconcevable. Nous demandons une baisse des redevances dans le nouveau contrat de régulation économique (CRE). »

Ces contrats de régulation sont signés entre l'Etat et ADP. D'une durée de 5 ans, ils définissent les investissements à réaliser au cours de la période et le niveau des redevances prélevées auprès des compagnies aériennes pour les financer. Dans le détail, le CRE définit un plafond de redevances à ne pas dépasser. Le CRE actuel court jusqu'à 2020.

Renforcement de la régulation

Les syndicats patronaux demandent par ailleurs une meilleure régulation avec un renforcement des pouvoirs de l'ASI, l'Autorité de supervision indépendante.

« On peut imaginer qu'on lui attribue un pouvoir de sanction, ou celui de fixer les redevances, d'arbitrer les grands investissements, et d'avoir une capacité d'audit et de contrôle », suggère Alain Battisti.

Enfin, sur le volet aéroportuaire, les deux associations s'opposent à la pérennisation de la double caisse.

« Il faut éviter les caisses étanches qui font de la France un cas unique en France », ajoute le président de la Fnam.

 Ce système de double caisse, qui sépare la comptabilité des revenus aéronautiques, régulée de celle des services annexes (parkings, commerces) sur lesquels les aéroports ont la liberté de fixer les prix, fait enrager le Scara.

« Avec ce système, on sort l'argent des commerces de la chaîne de valeur du transport aérien. C'est du vol à l'étalage. D'un côté, on nous confisque une externalité positive du transport aérien (les commerces...) et, en même temps, on nous fait payer une externalité négative, les coûts de sûreté », fait valoir Jean-Pierre Bès.

Il prône un retour à la caisse unique dans laquelle les revenus des commerces et parkings sont mélangés avec ceux des redevances aéroportuaires, permettant ainsi de baisser celles-ci. Le mécanisme de caisse unique permet en effet de subventionner les services aéronautiques par les recettes commerciales. Et donc de modérer les redevances des transporteurs aériens.

Pour autant, malgré les doléances des compagnies aériennes, ce système de double-caisse sera maintenu dans la privatisation d'ADP.

Lire aussi : La privatisation d'ADP maintient le système controversé de la "double caisse"

Financement de la sûreté

Les compagnies aériennes demandent également une réforme du financement de la sûreté, payée quasi intégralement part les passagers et les compagnies aériennes. La facture dépasse le milliard d'euros et reste supérieure de 35% à la moyenne européenne. Elle devrait même doubler avec l'obligation européenne d'installer d'ici à 2020 des détecteurs d'explosifs de standard 3, d'un coût également de 800 millions d'euros.

"Avant de s'attaquer à la facture actuelle, il faut s'attaquer à la dérive, car l'Etat n'a pas d'argent aujourd'hui. Pour autant, il pourrait participer au financement de ces nouveaux détecteurs d'explosifs. Cela ne sera pas inscrit au PLF, mais pour la suite", explique un acteur du transport aérien.

Lire ici : Sûreté aéroportuaire : la question brûlante du financement

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 2
à écrit le 13/07/2018 à 7:49
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Le problème d'AIRFRANCE est lié à l'imputation des charges sociales. Il dépend du gouvernement qui n'y comprend rien. Adieu AIRFRANCE!

à écrit le 12/07/2018 à 21:32
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Comme sur tous les sujets ou presque, les décideurs pensent le monde alors qu'il est tout différent. Résultat les gaulois se prennent la pâtée face aux armées romaines...

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