Mobilité et smart city : ne laisser personne au bord de la route

Le Laboratoire de la mobilité inclusive ambitionne de concevoir et proposer des solutions innovantes mais surtout accessibles à tous, notamment aux acteurs publics, grâce à l'analyse de données objectives des freins que peut représenter la mobilité pour certaines personnes.
Mounia Van de Casteele
D'après une étude du LMI consacrée au lien entre mobilité et accès à l'emploi, 20% des actifs seraient en situation de difficulté de mobilité quotidienne.

Penser la mobilité pour la ville de demain, c'est bien ; mais une mobilité adaptée à tous, c'est mieux. Car aujourd'hui, certaines franges de la population sont laissées sur le bord de la route, aux yeux du Laboratoire de la mobilité inclusive (LMI), un think tank, ou plutôt un action tank, créé il y a quatre ans à l'initiative de Wimoov (plateforme qui accompagne les publics fragiles vers une mobilité durable et autonome) et de Total. L'objectif du laboratoire, qui rassemble aujourd'hui 17 acteurs de la société civile, de la sphère publique et du privé - parmi lesquels le Secours catholique, la Croix-Rouge, l'Ademe, Pôle emploi, le Conseil national des missions locales, La Poste, la fondation PSA, Michelin, Transdev et Keolis -, est de faire émerger le thème de l'accès à la mobilité dans le débat public.

Une vocation de « projets pilotes »

Concrètement, les acteurs traditionnels comme Pôle emploi repèrent les personnes en difficulté, et Wimoov établit un diagnostic « mobilité », en analysant les caractéristiques et les souhaits de la personne, puis lui propose un parcours adapté à ses besoins, établi grâce à une palette de solutions correspondant aux différentes difficultés (ne pas savoir lire un plan, etc.) rencontrées. Car « une personne sur deux en réinsertion refuse un emploi à cause d'un problème de mobilité », rappelle Florence Gilbert, DG de Wimoov et cofondatrice du LMI. Mais « après un accompagnement de trois à six mois, on observe un retour à l'emploi », se félicite Damien Desjonquères, de Total, cofondateur du LMI, qui évoque ainsi des « difficultés » surmontables et non une « fatalité ».

Le LMI ambitionne ainsi de concevoir et proposer des solutions innovantes et accessibles à tous, basées sur des données et analyses objectives des freins que peut représenter la mobilité pour certaines personnes. « On manque de documents et de données objectives », explique Damien Desjonquères, selon lequel « le LMI n'a pas vocation à entreprendre de grands programmes sur le territoire, mais plutôt à mettre en place des projets pilotes à petite échelle ».

20% des actifs ont des difficultés quotidiennes de mobilité

« La mobilité quotidienne est un sujet concernant de nombreuses personnes », poursuit Damien Desjonquères, saluant une étude publiée sur le sujet par le Secours catholique il y a un an.

« Cela représente un obstacle à l'insertion sociale pour quelque 7 millions de personnes en âge de travailler. Il existe toutes sortes de difficultés : aussi bien financières que cognitives ou psychosociales. À titre d'exemple, les trois quarts des actifs vont travailler en voiture. Or cet outil s'avère aussi indispensable que hors de prix ! De plus, le permis de conduire est devenu un critère de recrutement, pas forcément nécessaire pour un métier, mais exigé. Ce qui peut constituer un frein pour certains. »

Bref, d'après une étude du LMI consacrée au lien entre mobilité et accès à l'emploi, 20% des actifs seraient en situation de difficulté de mobilité quotidienne.

Le laboratoire a également planché sur la mobilité des seniors, une catégorie qui semble parfois oubliée des politiques de transport. Il ressort en effet de l'étude que si 21% des futurs seniors n'ont jamais réfléchi à la question de leur mobilité, 31% d'entre eux anticipent le fait de devoir renoncer à leurs déplacements. Et un tiers des sondés envisagent, quant à eux, un report sur les transports en commun. Alors même qu'actuellement, seuls 5,5% des plus de 65 ans les utilisent.

S'agissant des plus de 60 ans, c'est le niveau de vie qui influe le plus sur la mobilité : un bon tiers des plus fragiles renoncent à se déplacer contre 13% pour les plus aisés.

Là aussi, les difficultés rencontrées par les seniors sont multiples. Il y a l'aspect financier, géographique et territorial : insuffisance ou inadaptation du mobilier urbain, difficulté de cheminement sur les trottoirs, complexification de l'espace urbain, accessibilité des transports publics... Sans compter les difficultés sociales et familiales (isolement, perte d'autonomie), ou encore les difficultés physiologiques et cognitives (marche, lecture des panneaux et des plans, projection dans l'espace et le temps). Mais les solutions ne manquent pas, et le laboratoire suggère diverses propositions, telles qu'un « guide de la mobilité » ou encore un accompagnement dans l'apprentissage et la maîtrise des outils dématérialisés et supports numériques.

Un diplôme universitaire de "conseiller en mobilité"

« Si certains acteurs travaillent localement afin d'y remédier, et cela est encourageant, estime le cofondateur du LMI, il manque cependant une impulsion politique et une coordination des acteurs, d'où la création du LMI, qui a vocation à identifier là où ça coince, et où il y a des leviers à mettre en place, d'où la nécessité d'une parole commune. »

Sans quoi il risque d'être difficile d'espérer faire bouger les lignes sur le plan politique. C'est bien là le rôle qu'entend jouer le laboratoire de la mobilité inclusive dans tout l'écosystème.

« Notre travail est un peu sous-marin », complète Florence Gilbert, qui ne manque cependant pas de se réjouir des fruits qu'il a déjà portés. Le LMI a par exemple oeuvré pour la création d'un diplôme universitaire de « conseiller en mobilité », « aussi indispensable que méconnu », précise-t-elle, avec une première promotion au mois de janvier.

« Le président de la République a également annoncé la création de 100 plateformes de mobilité » en zones rurales, rappelle-t-elle. Mais ce n'est pas tout : tous les ans, le laboratoire organise les rencontres de la mobilité inclusive. « Cette année ce sera le 18 janvier, à l'Assemblée nationale. »

Mounia Van de Casteele

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