Easyjet et Ryanair seront-ils demain des alliés stratégiques d'Air France ?

Avec le développement des compagnies à bas coûts sur les grands aéroports, les partenariats entre compagnies traditionnelles et low-cost se développent. Certains imaginent même à terme le transfert aux compagnies à bas coûts de l'alimentation des hubs des opérateurs traditionnels. Un sujet sur lequel s'exprimera le directeur général de Ryanair, Michael O'Leary, lors du prochain Paris Air Forum organisé par La Tribune le 21 juin.
Fabrice Gliszczynski
Michael O'Leary, le directeur général de Ryanair, croit dur comme fer à un rapprochement en Europe: "Lufthansa, British Airways et Air France vont être obligées de changer de modèle".

Quelle sera demain la coopération entre les compagnies classiques et les compagnies low-cost? Autrement dit, comment les premières, dont le cœur d'activité se base sur un système de correspondances entre des vols court et long-courriers, travailleront-elles à l'avenir avec les secondes, spécialisées principalement aujourd'hui sur les vols de courte distance dits de point-à-point ? C'est l'un des enjeux stratégiques majeurs des prochaines années, même si plusieurs low-cost asiatiques ont décidé en mai de s'allier.

Des coopérations marginales

Lors de la naissance du phénomène low-cost en Europe il y a plus de 20 ans, ces deux modèles étaient jugés incompatibles par les experts. Depuis, après le premier accord entre une compagnie classique et une low-cost fin 2002 - entre United Airlines et la toute jeune low-cost australienne Virgin Blue -, d'autres collaborations ont vu le jour, comme celles par exemple d'Air France avec la brésilienne Gol en 2007, puis avec la canadienne Westjet en 2010, ou encore celle d'Emirates et d'Easyjet en 2013. Mais elles restent encore marginales.

Cependant, avec le fort développement des low-cost sur les grands hubs et les difficultés des compagnies classiques à rentabiliser leur réseau court et moyen-courrier et la création par ces dernières de filiales low-cost, tous les ingrédients pour une coopération poussée entre les deux types de compagnies semblent réunis.

Plusieurs types de partenariats

Les types de partenariats sont multiples. Notamment quand, pour pénétrer certains marchés verrouillés par les low-cost, les compagnies classiques n'ont d'autres choix que de s'allier avec elles. C'est tout le sens par exemple de l'accord entre Air France et Gol. Les accords de partage de codes signés avec la low-cost brésilienne lui permettent de placer son code sur les vols intérieurs brésiliens de Gol en continuation avec ses vols en provenance de Paris et de proposer à ses passagers des destinations qu'elle n'assure pas.

Même s'ils posent la question de l'harmonisation du produit sur l'ensemble du trajet, ces accords accroissent de facto la présence des compagnies classiques sur certains marchés et apportent en contrepartie aux low-cost des passagers supplémentaires, souvent bienvenus en phase de fort développement.

Star Alliance frappe à la porte des low-cost

Confinées jusqu'ici au choix de chaque compagnie, de telles coopérations commencent à être portées au niveau des trois grandes alliances du ciel que sont Star Alliance (Lufthansa, United, Singapore Airlines, ...), Skyteam (Air France, KLM, Delta, ...), Oneworld (American, British Airways, Cathay Pacific, ...), lesquelles transportent les ¾ du trafic mondial.

Star Alliance, la plus grosse d'entre elles, a même décidé de frapper à leurs portes. En décembre 2015, elle a lancé un concept permettant à ses 28 membres de proposer au départ de certains hubs un vol en correspondance sur une compagnie à bas coûts.

"Nos passagers expriment le besoin d'avoir accès à des marchés que nous ne desservons pas de manière optimale. Dans la plupart des cas, les compagnies traditionnelles ne sont pas en mesure de combler ce vide", explique Mark Schwab, directeur général de Star Alliance.

La low-cost sud-africaine Mango sera la première à coopérer avec Star, fin 2016.

Ce système va tenter de lever une contradiction pour ces grandes alliances : celle de continuer d'offrir un réseau mondial de destinations (leur raison d'être) quand un grand nombre de lignes ne cesse de leur échapper au profit des low-cost ou (et) que certains de leurs membres développent une filiale low-cost en parallèle de leur activité (Scoot pour Singapore Airlines, par exemple), voire transfèrent une partie de leur activité court et moyen-courrier à une telle filiale comme le fait Lufthansa avec Eurowings.

Une telle coopération peut également concerner certaines compagnies du Golfe. Le partenariat entre Emirates et Easyjet, par exemple, permet aux passagers de la compagnie de Dubaï de pouvoir utiliser leurs miles sur le réseau européen de la compagnie britannique. Demain, rien n'empêche les deux compagnies de signer des partages de codes qui permettraient à Easyjet d'amener des passagers vers les aéroports européens d'où décollent les vols long-courriers d'Emirates pour Dubaï.

Alimentation des hubs

Mais au-delà de ces accords, un autre type de coopération fait débat depuis quelques années dans le transport aérien : celui de l'alimentation des hubs des Majors par des low-cost. Autrement dit, le transfert de tout ou partie du réseau court et moyen-courrier d'une compagnie classique à une low-cost. Aujourd'hui déjà, de nombreux passagers prennent l'initiative de prendre une low-cost pour aller d'une métropole régionale à Roissy afin d'y prendre ensuite un long-courrier.

Michael O'Leary, le directeur général de Ryanair, y croit dur comme fer en Europe.

"Lufthansa, British Airways et Air France vont être obligées de changer de modèle. Avec la concurrence des compagnies du Golfe (Emirates, Etihad, Qatar, ndlr), elles ne peuvent plus vivre sur un réseau long-courrier bénéficiaire qui subventionne un réseau court-courrier déficitaire (...). Elles continueront de perdre de l'argent sur le réseau court-courrier et confieront un certain nombre de leurs routes courte distance à une compagnie comme Easyjet ou Ryanair pour alimenter leurs vols internationaux au départ de leur(s) hub(s)", expliquait-il l'an dernier à La Tribune.

Lire ici : Les conseils décapants du patron de Ryanair pour sauver Air France

Tout est question de rapport de force. Contrairement aux accords précédemment cités où les compagnies à bas coûts se sont adaptées aux compagnies classiques, Ryanair ou même Easyjet ne veulent pas qu'une telle coopération avec une compagnie classique dénature leur modèle.

"Pour une compagnie classique, cela a du sens d'aller voir Easyjet. La question pour nous, c'est de savoir quel est notre intérêt et comment on gagne de l'argent", expliquait récemment Carolyn McCall, la directrice générale d'Easyjet, en insistant sur le fait qu'elle ne voulait pas déroger à la simplicité du modèle qui a fait le succès d'Easyjet. "Si nous faisons des accords interlignes (des accords tarifaires, ndlr) ou des partages de codes, cela devient compliqué, vous devenez dépendant."

Sujet explosif

Michael O'Leary partage l'argument et propose sa solution.

"Ryanair ou Easyjet peuvent opérer des vols pour le compte d'Air France sur des routes d'Air France, avec des numéros de vols Air France car nos coûts sont inférieurs. Dans une telle coopération, Air France pourrait nous payer 50 euros le siège pour que nous opérions telle ou telle route de son réseau", expliquait-il.

Pas question, répondent les compagnies classiques : trop compliqué, disent elles, en citant par exemple la problématique des transferts des bagages. Surtout, confier l'alimentation des hubs aux low-cost entraînerait des suppressions d'emplois massives et des conflits sociaux d'envergure.

De telles réflexions semblent donc écartées aujourd'hui. L'heure est aux restructurations et avec la baisse du prix du carburant les comptes s'améliorent. Pour autant, à terme, sauf à imaginer que les compagnies classiques européennes parviennent comme aux Etats-Unis à ramener leurs coûts au niveau de ceux des low-cost, la question de l'alimentation des hubs par les low-cost se posera.

Les filiales des compagnies classiques, futurs feeders?

Pas tant avec des "low-cost-pure players" comme Easyjet ou Ryanair dans un premier temps, mais avec les filiales low-cost des grandes compagnies classiques, Eurowings pour Lufthansa, Vueling pour British Airways et Iberia, ainsi que Transavia pour Air France-KLM. Un sujet là aussi explosif sur le plan social de ces grands groupes. A plus long terme encore, si certaines de ces filiales low-cost devaient finir par prendre l'eau face aux pure players, la prophétie de Michael O'Leary pourrait bien un jour arriver.

Paf

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 4
à écrit le 26/05/2016 à 16:17
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En 1991, Lord King, président de la British Airways disait qu'à l'horizon 2010, il n'y aurait plus qu'une douzaine de companies aériennes dans le monde. Il s'est certes trompé sur le chiffre et sur la date, mais la tendance est là :-)

à écrit le 26/05/2016 à 12:22
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En cas de cession par l'état de sa participation dans AF-KLM pourrait-on imaginer une reprise par un de ces 2 low cost ? Reprise du Court et Moyen courrier et revente du long courrier ?

à écrit le 26/05/2016 à 12:00
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Le vrai problème est que Easy et Ryannair ne peuvent plus se développer comme ils l'ont fait jusqu'à aujourd'hui. Le phénomène de Saisonnalité leur pose également problème. Ryannair est obligée de parker des avions durant les mois creux Easy a annonc...

à écrit le 26/05/2016 à 11:14
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Bonjour, Le raccourci est beaucoup trop rapide et simpliste. Air France dispose de Transavia et Hop !... A quoi servent c'est compagnies aériennes ?... Donc le patron de Ryanair et Easyjet font et feront toujours ce qu'ils font aujourd'hui et dem...

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