Ce mardi 19 octobre, la SNCF dévoile officiellement sa nouvelle classe de voyage : la « business première ». Celle-ci sera mise en service sur l'axe Paris-Lyon pour adresser spécifiquement le marché affaires et premium. L'objectif est simple : couper l'herbe sous le pied de Trenitalia qui lancera son offre d'ici la fin de l'année et dont les premiers trains à grande vitesse Frecciarossa 1000 (« flèche rouge ») sont déjà visibles sur les voies en amont de la gare de Lyon à Paris.
Cette nouvelle classe de voyages, décrite il y a quelques semaines comme « assez spécifique » par Alain Krakovitch, directeur de Voyages SNCF, doit permettre une montée en gamme sur le TGV Inoui. Elle s'articulera autour d'une offre de services renforcée, avec un certain nombre d'innovations.
Services rapprochés
Dès la gare de Lyon, l'opérateur français va proposer à ses passagers un accès à un espace dédié à la business première au sein du salon Grand voyageur TGV Inoui, avec la présence d'un « hôte » spécifiquement affecté à ce service (en semaine uniquement). Les passagers pourront également accéder aux salons Grands voyageurs des autres gares et bénéficieront du coupe-files Accès express dans les espaces de vente et pour l'embarquement.
A bord, les passagers disposeront d'une voiture spécifique, où ils pourront bénéficier de l'assistance d'un hôte dédié ou contacter le chef de bord via un assistant virtuel. Ils trouveront un accueil presse/café à quai ainsi qu'une collation à bord, inclus dans la prestation. Pour le bar, les voyageurs pourront faire une commande en ligne, qui sera livrée directement à leur place par l'hôte business première.
La SNCF joue également la carte de la flexibilité. Celle-ci se décompose entre un tarif fixe disponible sur l'ensemble du réseau TGV Inoui, un échange garanti « y compris sur les trains complets le jour de du voyage » et un remboursement sans frais jusqu'à 30 minutes après le départ du train.
Une business première limitée en dehors du Paris-Lyon
Ces services seront accessibles pour tous les passagers ayant réservé avec un tarif business première, ainsi que les voyageurs fréquents munis de la carte Liberté et voyageant en première. Ils seront essentiellement déployés sur le Paris-Lyon - sur lequel des essais sont déjà en cours depuis la rentrée - mais d'autres lignes radiales bénéficieront également d'une offre business première. Celle-ci sera proposée en continu (Bordeaux, Lille, Nantes et Rennes) ou sur certaines heures de pointe (Marseille, Montpellier et Strasbourg). Les prestations y seront néanmoins réduites, essentiellement à la mise en place d'une voiture dédiée.
Le confort à bord est lui en train d'évoluer. Les passagers du Paris-Lyon bénéficient depuis quelques mois de la mise en ligne progressive de 17 rames Océane, dont des rames Duplex rénovées au standard Océane. Elles proposent un plus grand confort en première, avec une ambiance repensée, un siège plus large, une tablette agrandie, une liseuse à l'intensité réglable, un miroir de courtoisie et une meilleure connectivité (câblage USB sur tous les sièges, y compris en seconde). Il n'y aura pas de différence d'aménagement entre première et business première.
L'ensemble du service sera assuré par des rames Océane d'ici la fin de l'année. La véritable rupture en la matière est attendue en 2024 avec le déploiement des premières rames de nouvelle génération du TGV-M.
Un axe majeur convoité
Si autant d'attention est portée sur le Paris-Lyon, c'est qu'il s'agit du tronçon à grande vitesse le plus fréquenté d'Europe. Avec 45 millions de passagers avant la crise, il représentait un tiers du trafic TGV français. C'était également la ligne la plus rentable du réseau SNCF, avec une clientèle affaires très forte, faisant ainsi figure de cash machine. Le groupe ferroviaire tricolore n'entend donc pas laisser ses concurrents pénétrer trop en avant ce marché prioritaire.
La business première fait ainsi partie des trois piliers du plan « riposte », évoqué par Alain Krakovitch au moment des 40 ans du TGV. Le premier a déjà été mis en œuvre en 2020 avec le lancement de TGV Ouigo entre la gare de Lyon à Paris et les gares de la Part-Dieu et Perrache à Lyon, en complément des gares excentrées de Marne-La-Vallée et Lyon-Saint-Exupéry. La SNCF entendait ainsi quadriller le terrain avant l'arrivée de la concurrence - repoussée par la crise sanitaire - mais aussi induire du trafic.
Le dernier pilier se concrétisera en 2024 avec l'arrivée du TGV-M. « Le TGV-M sera l'arme principale par rapport à l'arrivée de la concurrence, avec un design et des services que n'auront pas les autres », avait ainsi déclaré le directeur de Voyages SNCF.
S'imposer dans un marché affaires en reconstruction
Même si elle touchera moins de passagers que les deux autres piliers, la business première tient une place importante dans ce triptyque. Le trafic affaires, qui représentait 20 % de l'activité TGV avant la crise, a lourdement chuté en 2020 (-60 % par rapport à 2019) et peine à remonter depuis. De premiers signes positifs sont en train d'apparaître, notamment avec une reprise des voyages pour les PME-PMI, mais l'amélioration devrait être très progressive dans les prochains mois. La remontée en puissance ne se fera qu'à partir de l'an prochain. Selon l'indice de référence de la SNCF, le groupe espère retrouver 95% de ses niveaux de ventes professionnelles en 2023, et revenir à son niveau d'avant-crise l'année d'après avec une hausse de 1% en 2024 par rapport à 2019.
Après avoir vu ses positions balayées par la crise sanitaire et économique, mais aussi les nouveaux usages de communication à distance et de télétravail, la SNCF se doit donc de rétablir son avantage au plus vite. Autrement, elle risque de voir ses concurrents réussir à capter une partie de ce marché affaires en pleine reconstruction. D'autant que ces derniers disposent d'arguments, tout spécifiquement Trenitalia qui lancera une desserte directe Milan-Turin-Lyon-Paris en fin d'année.
Trenitalia en impose sur le premium
Sur une partie de ses trains Frecciarossa, l'opérateur national ne propose plus de classe de voyages mais quatre « niveaux de services » : standard, premium, business et executive. Ce dernier est entièrement dédié au trafic affaires, avec des places isolées (rangées de deux sièges), une salle de réunion privatisable à bord, un repas inclus, un hôte dédié, l'accès aux salons en gare, etc. Il faut y ajouter les capacités opérationnelles des Frecciarossa 1000, présenté par Bombardier et Hitachi Rail Italy (ex-AnsaldoBreda) comme « le train à très grande vitesse le plus rapide et le plus silencieux en Europe ». Une rame peut ainsi transporter 450 passagers à une vitesse maximale opérationnelle de 360 km/h.
Alain Krakovitch ne s'y trompe pas. « L'arrivée de cet opérateur est importante pour nous, notamment au regard de la qualité de leur service premium », déclarait-il ainsi début octobre.
Le patron de Voyages SNCF devra également regarder ce qu'il se fait de l'autre côté des Pyrénées, l'arrivée des AVE de Renfe étant prévue l'an prochain sur l'axe Paris-Lyon-Marseille. L'offre espagnole semble plus conventionnelle avec deux classes de voyages, ce qui n'empêche pas Renfe de proposer des aménagements tels qu'un espace de réunion privatif à bord avec des écrans de travail, et des rangées limitées à trois sièges. A cela s'ajoute les services classiques comme le Wi-Fi gratuit et l'accès aux salons en gare.
Force de frappe de la SNCF
Pour contrer ces ambitions étrangères, la SNCF pourra compter sur son volume d'offres. Avec 22 allers-retours quotidiens en Inoui et 2 en Ouigo, et des TER, l'opérateur français dispose d'une force de frappe sans équivalent. Elle sera renforcée à partir du printemps 2022 par 2 allers-retours en Ouigo vitesse classique.
En face, Trenitalia ne pourra y opposer que cinq trains pour commencer. Et Alain Krakovitch le sait : « Il (Trenitalia) n'aura pas les fréquences que nous avons, et ce facteur est essentiel pour la clientèle d'affaires. » La compagnie italienne devra se montrer solide pour réussir son implantation sur cet axe majeur, ce qui devrait demander deux ans au minimum.
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