Sûreté des aéroports : qui va payer l'explosion de la facture ?

Les dépenses de sûreté aéroportuaires vont bondir au cours des prochaines années. Le coût de la détection d'explosifs des bagages de soute s'élève à 800 millions d'euros. Or le niveau d'acceptabilité de nouvelles taxes a atteint ses limites chez les compagnies aériennes. Dans ses 16 recommandations pour améliorer le système, le sénateur Vincent Capo-Cannelas suggère d'étendre l'assiette de la taxe de sûreté aux boutiques des aéroports.
Fabrice Gliszczynski
Les contrôles de sécurité à l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, en mars 2016.

Qui va payer ? Qui va payer les coûts de la sûreté aéroportuaire en France qui vont fortement augmenter avec l'intensité croissante des menaces terroristes ? Déjà la plus élevée d'Europe, la facture promet d'être encore plus salée. L'installation d'ici à 2020 d'appareils de détection d'explosifs de standard 3 pour l'analyse des bagages de soute tourne au casse-tête. Le budget de cette mesure exigée par Bruxelles en 2008 s'élève à près de 800 millions d'euros sur l'ensemble du territoire : entre 500 et 600 millions pour les aéroports parisiens de Roissy et d'Orly, et 300 millions pour les autres. Un mur budgétaire maintes fois repoussé par les gouvernements successifs.

Coût de la sûreté: 766 millions d'euros

«L'Etat regarde cela comme une poule regarde un couteau. Il serait temps qu'il s'en occupe. Il faut régler ce passage à ce standard 3 très vite », a commenté le sénateur de la Seine-Saint-Denis, Vincent Capo-Cannelas qui a présenté ce mercredi en Commission des Finances du Sénat 16 recommandations pour « une sûreté de l'aviation civile efficace et efficiente ».

Pour ce dernier, ce financement est impossible dans le système actuel. Pour rappel, le coût de la sûreté dans les aéroports (766 millions d'euros) est financé par la taxe d'aéroport incluse dans le prix du billet. Elle représente 8,65 euros en moyenne par passager. Et le coût grimpe à 11,20 euros en moyenne en ajoutant les dépenses de sûreté des compagnies aériennes et celles des services de l'Etat. Un montant supérieur à celui en vigueur dans d'autres pays européens et que financent en majorité les compagnies. En effet, même si la taxe d'aéroport est payée par les passagers, les compagnies considèrent qu'elles payent en fait la facture indirectement dans la mesure où elles absorbent son coût dans leurs tarifs.

« 78% des coûts de sûreté en France incombent aux compagnies aériennes, un niveau plus élevé que celui de nos concurrents", a rappelé Frédéric Gagey, Pdg d'Air France.

Aux Etats-Unis, l'Etat finance à hauteur de 57% les mesures de sûreté du transport aérien.

Les compagnies en ont assez des taxes

Vincent Capo-Cannelas a bien conscience que le degré d'acceptabilité des compagnies aériennes et de leurs salariés face à un nouvel alourdissement des taxes a atteint ses limites et qu'il faut imaginer de nouveaux mécanismes.

« Il y a une limite au prélèvement fiscal sur le monde aéronautique. Elle est sans doute atteinte », a-t-il expliqué. « Il faut élargir l'assiette », a-t-il ajouté en évoquant la piste d'une taxe sur le chiffre d'affaires des commerces en aéroports.

Péréquation

Pour une optimisation de la définition des coûts qui entrent dans l'assiette des dépenses de sûreté, le sénateur demande une plus grande transparence.

«Aujourd'hui, tout se fait de manière déclarative, le système est déresponsabilisant ». Vincent Capo-Cannelas préconise de mieux contrôler l'utilisation des fonds par les aéroports, soit par le régulateur (autorité de supervision indépendante), soit lors des commissions consultatives économiques (cocoéco), qui regroupent aujourd'hui tous les acteurs pour aborder les questions d'investissement et de niveau des redevances.

S'ajoute par ailleurs le sujet de péréquation avec des grands aéroports qui financent pour les petits qui n'ont pas suffisamment de trafic pour payer les coûts de sûreté. « Il faut un système qui incite les petits aéroports à développer la productivité » explique le sénateur.

La question du financement est d'autant plus brûlante qu'au-delà des détecteurs d'explosifs pour les bagages de soute, d'autres investissements pourraient intervenir au cours des prochaines années.

Trois inquiétudes

Car les menaces se multiplient et évoluent.

« Trois menaces nous inquiètent », expliquait ce lundi à Toulouse Pascal Bolot, Préfet en charge de la protection et de la sécurité de l'Etat au Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN), lors d'un colloque sur la sûreté organisé par l'ENAC (Ecole nationale de l'aviation civile). Il s'agit des MANPADs (des lance-missiles sol-air portatifs) dont un grand nombre s'est disséminé après la chute de Kadhafi en 2011, des cyberattaques contre les avions ou le contrôle aérien, et des drones, a-t-il précisé.

Une autre menace inquiète. Celle d'une attaque contre le côté « ville des aéroports », comme ce fut le cas à Bruxelles au printemps ou à Istanbul cet été. Vincent Capo-Cannelas recommande de ne pas installer de postes d'inspection filtrage à l'entrée des aéroports, pour éviter les rassemblements de personnes.Pour une meilleure efficacité, il recommande la création d'une agence de la sûreté pour le transport aérien.

Les recommandations du rapport :

-Créer une Agence de la sûreté du transport aérien, dotée d'une forte capacité d'analyse et de prospective, et rassemblant des fonctionnaires de l'ensemble des services concernés : DGAC, PAF, GTA, douanes, services secrets.

-Assurer une meilleure coordination entre les services de l'Etat en charge de la sûreté aérienne et les grands acteurs privés (compagnies aériennes, aéroports, industriels).

-Créer un poste de préfet délégué pour la sécurité et la sûreté de la plateforme aéroportuaire d'Orly, placé sous l'autorité du préfet de police de Paris, pour améliorer la réactivité des services de l'Etat.

-Etoffer la présence des services de renseignement dans les aéroports

-Affecter davantage de policiers aux frontières pour résorber les files d'attente aux postes frontières, dans un contexte où le nombre de passagers augmentent et où la menace s'accroît.

-Renforcer l'analyse des menaces émergentes qui pèsent sur le transport aérien : MANPADS, drones, cybersécurité.

-Multiplier les missions « vols entrants » dans les pays de départ peu sûrs pour garantir un niveau de sûreté suffisant pour les compagnies françaises qui y sont implantées.

-Ne pas placer de portiques à l'entrée des aérogares, car ces installations coûteuses et inefficaces génèreraient des files d'attente très vulnérables à une attaque terroriste.

-Systématiser l'analyse comportementale dans les aérogares pour détecter les personnes animées d'intentions malveillantes.

-Procéder à une analyse permanente des porteurs de bagages donnant accès aux zones réservées des aéroports pour identifier les risques de radicalisation.

-Mettre en place le déport des images des bagages cabine pour favoriser une grande efficacité des personnels des sociétés de sûreté aux postes d'inspection filtrage.

-Financer rapidement le passage aux appareils de détection d'explosifs de standard n°3 pour l'analyse des bagages de soute, qui doit être achevé d'ici 2020 au plus tard en vertu de la réglementation européenne.

-Expérimenter le contrôle différencié des passagers pour concentrer les moyens sur les personnes qui présentent le plus de risques et alléger les contrôles sur celles qui en présentent le moins.

-Assurer un meilleur contrôle de l'utilisation par les aéroports de la taxe d'aéroport, en vérifiant l'efficience de leurs dépenses de sûreté au-delà de leur simple éligibilité.

-Inciter les aéroports qui bénéficient de la majoration de la taxe d'aéroport à réaliser des efforts de productivité pour garantir le maintien de ce mécanisme de péréquation.

-Etudier une possible extension de l'assiette de la taxe de sûreté (chiffre d'affaires des magasins d'aéroports par exemple).

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 14
à écrit le 06/11/2016 à 6:21
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Ca va pas ameliorer l'attractivite touristique, tout ce fourbi. Pour ma part, quand je viens Europe, je passe par Francfort, puis un vol sur le sud de la France. J' evite la capitale a tout prix. Bon vent AF.

à écrit le 13/10/2016 à 23:03
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Autre solution: si vous habitez pas trop loin d'une frontiere: prendre l'avion a l'etranger :)

à écrit le 13/10/2016 à 21:06
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la sécurité fait partie du rôle régalien de l'État : c'est donc à l'État de financer les mesures de sécurité. Sinon, il faut étendre le principe à toutes les mesures de sécurité : assister à un feu d'artifice deviendra payant pour financer les force...

le 14/10/2016 à 0:33
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Pour surveiller un supermarché, ce sont des agents de sécurité. Pareil pour les parkings...etc etc dans plein de sociétés privées, y a des agents de sécurité. Y a des vigiles à l'entrée des boites de nuit... Faut arreter de dire que l'état doit tout ...

à écrit le 13/10/2016 à 20:10
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Mes suggestions: Envoyer les Fabius BHL et consorts en Syrie et si Daesch ne les tue pas donner les coordonnées de ces traitres à Bashar el Asad. Virer 80% de notre personnel diplomatique complétement aux mains des américains Interdire à nos polit...

à écrit le 13/10/2016 à 17:11
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Ces frais doivent être supportés par les passagers, c'est normal.

le 14/10/2016 à 11:06
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Ah bon et pourquoi ils sont supportés par le contribuable pour la SNCF?

à écrit le 13/10/2016 à 16:25
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Et voilà comment, en finale, on paie le laxisme de tous les gouvernements, et notamment des socialistes avec leurs régularisations massives ! Si on avait mieux contrôlé nos frontières et selectionné nos immigrants, nous aurions sans aucun doute moins...

à écrit le 13/10/2016 à 16:08
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"78% des coûts de sûreté en France incombent aux compagnies aériennes, un niveau plus élevé que celui de nos concurrents" Heu... ce monsieur se rend il compte que l'avion reste quand même bien plus fragile que les autres moyens de transports étan...

le 14/10/2016 à 8:59
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@citoyen blasé: 1) "l'avion reste quand même bien plus fragile ". Personnellement, je pense qu'une bombe dans un train fait autant de dégâts que dans un avion. 2) "tout coûte cher". Parce que tu crois que les infrastructures routières et tout le rest...

le 14/10/2016 à 9:35
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"Personnellement, je pense qu'une bombe dans un train fait autant de dégâts que dans un avion" Une bombe, oui et non parce que l'avion tombera forcément engendrant des morts, même une petite bombe tandis que dans un train une petite bombe ne touc...

à écrit le 13/10/2016 à 16:05
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Normalement ce sont des services qui sont rendus aux voyageurs donc c'est à eux de les payer.

le 14/10/2016 à 11:02
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Ah bon, c'est un service? D'habitude lorsque j'achéte un service j'ai le droit de l'avoir ou de le refuser. Là la force publique m'impose un controle. Personnellement, j'estime ces contrôle stupides et innefficaces ce qui est au passage l'avis des ...

le 14/10/2016 à 11:08
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Ah bon et pourquoi pour la SNCF, ce n'est pas le voyageur mais le contribuable qui payer?

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