Un secteur aérien en pleine mutation

Arrivée des low cost long-courriers, avenir des gros porteurs, nouveaux modèles d'avions pour le « Middle of the Market » : l'aviation civile se prépare à de nombreux changements.

 Le secteur aérien civil connaît actuellement de nombreux changements. Les compagnies nationales dites aussi legacy (historiques) voient arriver de nouveaux concurrents sur le segment naissant du low cost long-courrier. En Europe, Norwegian, XL Airways et la Compagnie, French Blue et AirCaraïbes comptent bien attirer de nombreux passagers sur leurs vols longs courriers à bas prix, mais avec un certain nombre de services payants. Ces compagnies peuvent-elles capter une part significative du marché long-courrier ?

Pour Alexandre de Juniac, PDG de l'IATA, « la réponse est probablement oui. Il s'agit d'un phénomène qui a débuté dans les années 70 avec Laker Airlines et son Skytrain Londres New York. Depuis trois ans, des compagnies courts courriers comme Norwegian ou AirAsia X ont effectué des tentatives de low cost long-courrier, suivies par les compagnies historiques comme Singapour Airlines avec Flyscoot ou Lufthansa avec Eurowings. C'est en train d'arriver et je pense que les gens sont prêts à payer des options pour des vols de huit heures à bas coût ».

Marc Rochet président de French Blue et AirCaraïbes tient quand même à remettre les pendules à l'heure : « on parle pour l'instant de 1% du trafic mondial. Néanmoins, le secteur du voyage loisir pèse 89% du trafic global et les clients veulent payer moins cher. Les low cost vont-ils représenter à terme 40 ou 50 % du marché long-courrier? Peut-être pas, mais leur part de marché sera certainement significative ».

À condition, selon Bjorn Kjos, président de Norwegian « d'avoir un réseau large et une flotte récente. Ce sont les deux conditions pour réussir ». Quant à Laurent Magnin, PDG d'XL Airways et de la Compagnie, il estime que « le confort cabine sera un facteur de différenciation. Il y aura différents modèles et chacun va jouer sur sa niche ».

Les compagnies historiques ont-elles déjà perdu face à cette nouvelle offre bon marché ? Pour Laurent Magnin, « elles ont raté l'arrivée des low cost moyen-courriers. L'équipe de direction d'Air France en rigolait à la fin des années 90.

Le "Middle of The Market" en question

Résultat : les trois quart des compagnies low cost françaises se sont fait liquider ». Le président de Norwegian pense lui que la problématique low cost est « la même pour les longs que pour les courts courriers. Ce qui va changer, c'est la demande du passager pour des vols directs le moins chers possibles ».

Le succès de cette nouvelle offre est, selon le patron d'XL Airways, suspendu au dialogue social avec les pilotes français, qu'il qualifie « d'un des pires qui existe ».

« Le rapport avec les pilotes français est catastrophique. Il va falloir d'arrêter les postures. Je veux bien les payer en fonction de leur expérience et de leur talent, mais je leur demande de se comporter comme des patrons qui se préoccupent de l'avenir de l'entreprise. Autre problème typiquement français : le soutien des décideurs. Norwegian a son pays derrière lui. Où sont les politiques français ? Nous sommes le premier pays touristique du monde, nos compagnies aériennes devraient être des machines de guerre ! C'est une honte ».

Ces nouveaux entrants sur le marché du long courrier s'interrogent aussi sur les modèles d'avions les plus adaptés à leur activité très saisonnière. Ils visent le segment du « Middle of the Market » (MoM), des avions mono couloirs de 220 à 260 sièges comme l'A321LR prévu en 2019 ou le prochain Boeing. Pierre Vellay, président de New & Newt Consulting se pose la question : « existe-t-il un produit pour satisfaire ce marché et capable d'être un standard ? ». Les A330 et Boeing 757 et 767 qui constituaient ce segment depuis 15 ans sont en fin de vie. Le B737MAX9, avec 180 sièges, est trop petit. Boeing réfléchit à un nouvel avion qui serait lancé au milieu de la prochaine décennie. « Il aura une configuration de 220 à 270 passagers, 5000 milles nautiques (9260 km) de rayon d'action et sera 25 % plus efficace en consommation de carburant qu'un A330 » décrit Randy Tinseth, vice-président marketing Boeing Commercial Aviation.

Gros porteurs : big twins contre quadriréacteurs

S'il est retenu par Boeing, le motoriste Safran Aircraft Engines se dit prêt à équiper ce nouveau modèle avec son partenaire General Electric. « Notre moteur Leap est fiable et moins gourmand en carburant que les autres. Il équipe déjà 60 avions de 15 compagnies » explique Olivier Andriès, président de Safran Aircraft Engines.

Reste le segment des gros porteurs, dominé pendant 40 ans par le 747 de Boeing et ses dérivés puis plus récemment par l'A380 d'Airbus. Pour Eric Schulz, président de l'aviation civile du motoriste Rolls-Royce « ce segment des très gros porteurs quadriréacteurs ne pèse que 5 % du marché global et 20 % pour les big twins (gros biréacteurs) comme le B777 300-ER  ou l'A350-1000 ». Les très gros porteurs peuvent être une solution pour les aéroports très congestionnés, « même si les constructeurs ont vraisemblablement surestimé la part de marché de ces jumbos » selon Eric Schulz. Pour Randy Tinseth, dont l'entre prise a dominé si longtemps ce segment, « il vaut mieux avoir l'avion le plus efficace que le plus gros ». Les compagnies du Golf, principales acheteuses de ces gros porteurs pour leurs hubs du Moyen Orient devraient stabiliser leur niveau d'achat.

L'avenir des très gros porteurs est donc plutôt du côté des wide bodies biréacteurs que des quadriréacteurs type A380. En attendant l'arrivée des Chinois sur ce segment, qui, avec le C919 ont prouvé leur ambition. « C'est une industrie critique pour eux et ils essaieront à toute force d'être présent sur ce marché » prédit Eric Schulz.

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Commentaire 1
à écrit le 28/06/2017 à 16:33
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Ce secteur est en pointe dans la mondialisation. Il subit une des concurrences les plus féroces qui existe. Il faut s'adapter en permanence ou disparaître. Et pendant ce temps les pilotes d'Air France négocient sur le fait d'avoir des toilettes réser...

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