Pour le patron d'Aviva, "l'Europe est une région de forte croissance en assurance vie et retraite"

Le patron du groupe d'assurance Aviva, Andrew Moss, explique pourquoi il place l'Europe au cœur de sa stratégie de croissance pour les cinq prochaines années.

Le patron du groupe d'assurance Aviva, Andrew Moss, explique pourquoi il place l'Europe au c?ur de sa stratégie de croissance pour les cinq prochaines années. Il ne néglige pas pour autant les marchés émergents en Asie où il a annoncé vendredi le lancement d'une activité d'assurance auto sur internet à Singapour, la première du genre dans le pays. C'est le grand retour du groupe en assurances dommages sur le continent asiatique depuis cinq ans.
Andrew Moss indique que les réductions de coûts et les suppressions de postes ne sont plus sa priorités. Il mise désormais sur le développement, en particulier en France, qui avec avec 6,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires (en hausse de 13%) dont près de 5 milliards en assurance vie, et épargne-retraite, pour 390 millions d'euros de résultat net constitue le deuxième marché européen du groupe après le Royaume-Uni.  Aviva est coté à Londres et depuis peu à New-York où il compte 20% de ses investisseurs.

- La Tribune : Pourquoi privilégiez vous l'Europe dans votre stratégie de croissance ?

Andrew Moss - Depuis dix ou quinze ans, Aviva a identifié l'Europe comme la région de forte croissance en assurance vie et retraite. Nous avons beaucoup investi durant cette période. La raison est simple : les européens ont de l'argent, ils épargnent et ils ont besoin d'épargner davantage.
Si vous regardez les statistiques : le stock d'épargne représente 8 000 milliards de dollars. Les perspectives de croissance sont de 1 700 milliards dans les 5 prochaines années. Si vous le comparez à l'Asie le stock est de 1 500 milliards et la croissance est de 1 400 milliards. Donc, en pourcentage, la croissance sera plus rapide en Asie mais en volume, il y aura plus de primes à collecter en Europe. Et nous sommes bien placés pour en profiter, puisque nous avons une position solide dans les plus grands marchés du Continent.

- Vos concurrents comme Prudential ont donc tort de miser sur l'Asie ?

- Nos concurrents font d'autres choix. En ce qui nous concerne, nous sommes très clairs : nos forces sont au Royaume Uni et en Europe continentale. Cela ne signifie pas que nous ne construisons pas des positions aux Etats-Unis et en Asie-Pacifique mais nous misons sur le long terme et sur la croissance organique.

- La concurrence est cependant plus aiguë en Europe...

- Je n'en suis pas convaincu. Prenons l'exemple de la Chine. Les acteurs locaux y contrôlent 95% du marché vie, et je pense que cela va perdurer dans un avenir prévisible. C'est un mythe de dire que ce marché n'est pas compétitif.

- Et comment voyez-vous la croissance d'Aviva à plus longue échéance, sur les dix prochaines années ?

- L'Europe restera un marché très intéressant. Ceci dit, nous n'oublions pas l'Asie Pacifique, où nous sommes présents dans neuf pays. Nous venons de nous lancer sur le marché indonésien et nous préparons l'avenir, notamment en Chine où nous sommes déjà le troisième assureur vie étranger. La rentabilité de ces activités est encore faible par rapport à celle de nos marchés matures en Europe. Cela va changer avec le temps

- La réorganisation récente juridique et fonctionnelle de vos filiales européennes est-elle une anticipation des nouvelles exigences de fonds propres des normes Solvabilité 2 ?

- L'efficacité de l'utilisation du capital est une partie de l'objectif . Avec notre projet « saut quantique » nous voulons surtout identifier les meilleures pratiques afin d'opérer aussi efficacement que nous le pouvons sur chacun des marchés où nous sommes présents. Par exemple en Espagne, cela nous coûte 7 euros de faire de la prévoyance alors que cela nous coûte 70 euros en Irlande pour le même type d'affaires. Nous pouvons donc gagner en efficacité.


- Mais cette réorganisation est-elle achevée ?

- Oui, notre nouvelle structure est en place, et nous commençons à en récolter les fruits. Nous voyons aussi ce qui fonctionne ou pas dans les différents marchés, et nous en tirerons les leçons afin d'optimiser notre performance.

- Les décision stratégiques et commerciales dans le futur resteront locales ou seront -elles centralisées ?

- Nous accordons de l'importance aux connaissances locales des marchés, des attentes des consommateurs et des réseaux de distribution. Nous resterons pragmatiques afin de trouver le juste milieu entre le management paneuropéen et l'expertise des marchés locaux.
La France est un bon exemple. La croissance y a été particulièrement forte en 2009. Et ce, alors que l'équipe française travaille plus étroitement avec l'équipe européenne. C'est important car la France reste notre principal marché en Europe continentale.

- Les partenariats commerciaux seront-ils décidé de façon centrale ou locale ?

- Ce sera un mixte. Nous avons rencontré beaucoup de succès dans nos partenariats avec des banques. Nous en avons 43 aujourd'hui et la plupart se sont négociés et décidés localement. Aviva est, du fait de sa bonne réputation, globalement en bonne position pour nouer d'autres partenariats bancaires. Je suis convaincu qu'il y aura des opportunités dans les deux ou trois prochaines années.

- Seriez-vous prêt à des acquisitions si les banques se désengageaient de l'activité d'assurance sous la contrainte des nouvelles normes Bâle 3 ?

- Il y aura peut-être des modifications dans la structure des partenariats de bancassurance et il y aura peut-être des opportunités d'acquisitions. Nous regardons très attentivement, sans nous presser car il est possible que la fourniture d'assurance excède la demande. Cela aurait alors des conséquences sur les prix de ces acquisitions. Donc c'est le moment de regarder et d'attendre. Nous n'avons pas encore toutes les réponses.

- A l'horizon de 3 ans, de nouvelles normes plus exigentes en fonds propres s'appliqueront à l'assurance. Est-ce que cela vous inquiète ?

- Je suis raisonnablement optimiste. Dans la plupart des pays européens, les assureurs sont en bonne santé financière. Au niveau macroéconomique, il n'y pas de raisons d'augmenter significativement les fonds propres des assureurs. La directive Solvency 2 est un exemple du processus de consultation entre l'industrie et les gouvernements. Dans ce genre de démarche, il y a toujours des moments où la procédure est moins efficace qu'à d'autres. Nous traversons l'un de ces moments. Mais la Commission européenne est très consciente des questions macro-économiques et l'industrie elle-même est plus unifiée sur le sujet. Nous aurions pu craindre il y a un an que la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni défendent isolément leurs positions mais aujourd'hui leur démarche est unifiée.

- Votre objectif est toujours de doubler vos profits entre 2007 et 2012 ?

- Oui, nous savons que ce sera plus difficile que prévu. Mais maintenir cet objectif est le meilleur moyen de maximiser notre performance dans les deux ou trois ans à venir.

- Vous avez enregistré un retour sur fonds propres de 16% en 2009. pensez-vous pouvoir faire mieux ?

- 16% de ROE est une très bonne performance dans les conditions de marché incertaines de l'an dernier. Dans un monde d'après crise, nous serions très satisfaits de maintenir un tel niveau de rentabilité

- Aviva est désormais coté à Wall Street. Quelle votre stratégie en Bourse ?

- Notre cotation principale reste Londres mais nous avons plus de 20% de nos actionnaires aux Etats-Unis et nous y exerçons une large partie de notre activité. Nous avons estimé que c'était un signal d'engagement dans ce marché, d'être coté aussi à New-York. Nous avons estimé que si nous nous adaptions à la réglementation américaine cela contribuerait à améliorer l'ensemble du contrôle de la compagnie. Donc, cela fait partie de notre travail sur la gestion des risques.

- Etes-vous satisfait des conditions de l'entrée en Bourse de votre filiale Delta Lloyd ?

- Oui, malgré des conditions de marchés difficiles, nous avons réussi l'introduction en bourse de notre filiale néerlandaise Delta Lloyd. Cette opération a renforcé notre trésorerie, et nous a permis de libérer du capital en nous retirant d'une activité dont la rentabilité est limitée.

- Estimez-vous que le cours de l'action actuel d'Aviva reflète bien sa valeur ?

- Je pense que le secteur reste sous-valorisé aujourd'hui. Notre action affiche à peu près la même performance que l'indice européen du secteur depuis un an et demi, et le business est bien reparti. Je pense donc qu'il y a un vrai potentiel d'appréciation pour Aviva et pour le secteur. A nous d'atteindre nos objectifs pour en faire la preuve.

- Vous avez pris des décisions de réductions des coûts drastiques l'an dernier, cela reste-til votre priorité ?

- Notre priorité en 2010 ne sera pas la réduction des coûts. En 2009 nous avons atteint notre objectif de réduction des coûts, fixé à 500 millions de livres, avec un an d'avance, ce qui nous permet de viser une croissance rentable. L'opportunité maintenant est de faire croître notre volume d'affaires au travers de plates-formes plus efficaces. Nos équilibres vont se modifier en 2010 et cela viendra des comportements des clients. Je pense que nous avons connu le point bas en termes de ventes d'assurance vie. Des indices montrent que les consommateurs reviennent vers l'épargne.

- Et en France où la croissance en assurance vie en 2009 a déjà été forte, pensez-vous que cela va continuer ?

- La France a eu un comportement différent de celui du Royaume-Uni où les ventes d'assurance vie ont reculé de 25%. Même si la performance a été très bonne en France l'an dernier, nous pensons qu'il n'y aura pas de chute de l'activité. Mais nous ne savons pas si l'année sera aussi bonne bonne en 2010 qu'en 2009.

- Vous avez beaucoup licencié. Allez continuer les suppressions de postes ?

- La vérité est que nous avons effectué un gros travail depuis deux ans. Mais le pari aujourd'hui en Europe est avant tout de stimuler la croissance rentable tout en réalisant des synergies de coûts.

- Avez-vous les mêmes ambitions en assurances dommages qu'en vie?

- Aviva est déterminé à conserver une activité d'assurance dommages forte et rentable, notamment au Royaume Uni, où nous restons le numéro un. Mais aussi au Canada, où nous sommes deuxième, et en France, où l'activité a été très rentable pour nous en 2009 comparée à la concurrence. Au plan mondial, ce métier nous assure un rendement des fonds propres d'environ 12 %, alors que sur nos principaux marchés, notamment le Royaume Uni, le cycle des prix est proche de son point bas. Il conserve donc tout son attrait. Il y a quelques années, nous avions des rendements de 20 % et plus, et c'est aussi le niveau que nous avons atteint en France. C'est un marché très compétitif, sur lequel les économies d'échelle et l'efficacité opérationnelle sont importantes. C'est d'ailleurs dans ce métier que nous avons réalisé la plupart de nos réductions de coûts, notamment au Royaume Uni

- Vous restez donc offensif en dommages malgré la hausse de la sinistralité ?

- Nous sommes bien positionnés pour retrouver un rythme de croissance de premier plan dès que les prix repartiront à la hausse. C'est déjà ce qui arrive sur certains marchés, comme celui de l'assurance auto-moto au Royaume Uni, et nous en bénéficierons d'autant plus que notre ratio combiné est déjà en baisse.
Visez-vous des partenariats de bancassurance aussi en assurance dommages en France ou ailleurs, après la fin de celui avec la Société Générale ?
En France, Société Générale, avec qui nous entretenons un dialogue constructif, a souhaité interrompre notre partenariat en assurance dommages afin de repenser son dispositif. Mais c'est un secteur dans lequel nous avons réalisé une bonne croissance organique l'an dernier, et il reste beaucoup de potentiel.
Nous restons à l'écourte de toute opportunité pour renforcer notre distribution. Nous adoptons une approche à très long terme en matière de bancassurance, en construisant une relation de confiance avec nos partenaires, avec l'objectif de les aider à atteindre leurs objectifs.

- Le potentiel est-il aussi élevé en vente directe ?

- Oui, même si cela dépend des marchés. Par exemple, nous avons lancé fin mars une activité d'assurance auto en direct à Singapour dont j'ai hâte de voir les résultats. Sur certains marchés, comme le Royaume Uni, la vente en direct a révolutionné les pratiques de souscription en assurance auto et habitation. C'est incontournable, et en même temps nous tenons à garder d'étroites relations avec un grand nombre de courtiers, car au bout du compte, c'est le client qui décide par quel canal il veut souscrire.

- Les réseaux de distribution traditionnels conservent-ils leur compétitivité selon vous ?

- Pour nous, le coût de distribution est plus faible sur Internet, mais le coût d'acquisition des clients est plus important car il faut faire de la publicité à la télévision en permanence, sans compter l'investissement lié au système d'information. Il nous faut donc maîtriser tous les canaux pour assurer à nos 53 millions de clients le meilleur service au meilleur prix.

- En gestion d'actifs aussi vous avez opéré de grands changements, sont-ils terminé ?

- La gestion d'actifs fait partie de la stratégie «One Aviva, Twice the Value » comme les autres métiers. Il me semblait logique de rassembler nos quinze filiales à travers le monde sous la bannière Aviva Investors. Nous commençons à afficher de très belles performances en gestion, notamment en France où notre performance est fantastique depuis une dizaine d'année.  Cette expertise, qui n'était accessible qu'à travers nos produits vie et capitalisation, l'est maintenant en direct, ce qui va nous être profitable.
A l'échelle mondiale, 83 % de nos fonds ont dépassé les objectifs fixés par les clients en 2009, contre environ 40 % l'année précédente. C'est comme cela que nous gagnerons des mandats et que nous pourrons améliorer la rentabilité de ce métier. Nous avons fait de grands progrès en 2009, et nous commençons à en voir les résultats en terme de collecte en ce début d'année.

- Pensez-vous que la crise a abîmé l'image de l'assurance autant que celle de la banque ?

- Contrairement à la banque, l'assurance a bien traversé la crise. Nous prenons notre responsabilité sociétale très au sérieux. Comme assureur et comme investisseur. Nous venons de lancer une nouvelle initiative baptisée « de la rue à l'école », pour aider des enfants des rues à reprendre le chemin de l'école en Inde, en Turquie mais aussi au Royaume Uni. Nous prévoyons de l'étendre à la France dans le courant de l'année. Au plan environnemental, nous compensons toutes nos émissions de CO2, et nous avons des objectifs de réduction pour les dix ans à venir.
C'est très important pour nos clients mais aussi pour attirer des talents, notamment les jeunes, qui prennent ces questions au sérieux, au point de ne pas travailler pour les sociétés qui ne sont pas assez responsables.

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Commentaire 1
à écrit le 13/04/2010 à 21:04
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L'Europe est apparemment une cible stratégique pour le groupe Aviva. http://www.comparavie.fr

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