Valérie Pécresse : "nous comptons augmenter le budget spatial européen"

Retrouvez l'interview intégrale de la ministre français en charge de l'espace, Valérie Pécresse. Elle souligne sa volonté de faire croître de 15% le budget de l'ESA, l'Agence spatiale européenne. Mais elle rappelle aussi la prédominance française dans ce secteur.

La Tribune : Comment se présente la conférence ministérielle des pays membre de l?ESA qui débute lundi ?

Valérie Pécresse - L?Europe va affirmer une ambition financière inédite pour l?espace. Nous espérons augmenter de 15 % le budget de l?Agence spatiale européenne (ESA), passant de 8 milliards d?euros pour la période 2008-2010 à 9,3 milliards pour 2011-2013. C?est une hausse considérable. La nouveauté réside dans le fait que cette ambition financière est au service d?une vraie stratégie spatiale européenne, conçue par les autorités politiques en lien avec l?ESA. Là est le changement. Nous avons, à Kourou, l?été dernier, défini une stratégie politique européenne qui met le spatial au service des citoyens européens.

- Quels sont les pays qui vont augmenter leur participation au budget de l?ESA, l'Agence spatiale européenne ?

- Ce sera le suspense de la conférence. Les Etats continuent à négocier leur participation. Mais la France entend bien rester le principal contributeur de l?ESA.

- En augmentant sa part ?

- Si la France reste le premier contributeur, cela signifie qu?elle accompagnera cette hausse du budget de l?ESA. Il est également important de souligner que l?Agence va inclure de nouveaux pays membres, dont la République tchèque.

- Fin octobre, 10 milliards d?euros de programmes étaient à financer. Certains d?entre eux ont-ils dû être étalés, reportés ou annulés ?

- Chaque Etat porte les programmes qui lui tiennent à c?ur. La France a une première priorité : les programmes d?applications spatiales en matière de télécommunications, d?observation de la Terre, de climat et de navigation (Galileo). C?est-à-dire l?espace au service de la société. Autre priorité pour nous : l?amélioration de la qualité des lanceurs pour maintenir les performances extraordinaires d?Ariane 5. Ce lanceur est le fleuron de l?industrie européenne. Donc nous poursuivons les programmes de développement et d?amélioration d?Ariane 5 et, nous allons préparer la nouvelle génération de lanceur, qui pourra au-delà de 2015 emporter des satellites plus gros ? avec une capacité de douze tonnes et non plus de neuf tonnes.. En revanche, l?Allemagne privilégie la station spatiale internationale (ISS) dans laquelle elle veut que nous investissions davantage. Car les Allemands souhaitent vraiment porter l?idée des vols habités.

- Ce qui n?est pas le cas de la France ?

- La position de la France sur l?ISS ne peut pas être séparée d?une réflexion globale sur les vols habités : voulons nous que l?Europe envoie un astronaute dans l?espace avec un lanceur européen ?. La France est très au clair sur sa stratégie : oui aux vols habités mais pas en solo au niveau européen. Nous souhaitons participer à une aventure mondiale tout en voulant que l?Europe y joue un rôle clé dans un certain nombre de technologies clés..La présidence française de l?Union européenne dans tous les domaines essaie de donner un sens politique à l?action de l?Europe et d?expliquer aux citoyens européens ce qu?ils ont à gagner et vers quoi on va. Nous essayons de « détechnocratiser » le fonctionnement de l?Europe. Qui dit ISS, dit vols habités. Nous avons donc demandé à la Commission d?organiser une conférence internationale sur les vols habités pour que chaque pays exprime ce qu?il souhaite car on ne sait pas vraiment jusqu?où l?Europe veut aller en la matière.

- Quand cette conférence se tiendra-t-elle ?

- Cette conférence devrait se tenir sous présidence tchèque d?ici à six mois. Elle va être utile et importante pour vraiment reposer la question politique : l?exploitation de l?univers, jusqu?où ? Comment ? Avec qui ? Aujourd?hui, la volonté allemande n?est pas totalement claire : ils souhaitent qu?on investisse davantage dans l?ISS mais ils n?ont pas exprimé ce qu?ils souhaitent pour la suite.


- L?Europe spatiale a-t-elle besoin des vols habités ?

- C?est une question qui ne peut être résolue en adoptant tel ou tel programme dans le cadre d?une réunion ministérielle à laquelle tous les acteurs ne sont pas conviés. Le bon niveau pour prendre cette décision est le niveau politique, et c?est au grand jour, en public, avec un débat citoyen. Que voulons-nous ? Notre ambition est-elle de mettre un Européen dans l?espace nous-mêmes, seuls, indépendamment des autres ou pas ? La France a répondu par la négative. Maintenant, mettons-nous tous ensemble autour d?une table , discutons-en et voyons quels moyens nous sommes prêts à mettre.

- L?Europe a-t-elle les moyens financiers de cette ambition ?

- Quand nous avons commencé à parler concrètement de l?évolution de l?ATV, en disant qu?il fallait passer à la phase 2 pour pouvoir le faire revenir sur Terre, les budgets n?étaient pas là. Et nos partenaires eiuropéens, y compris l?Allemagne, n?ont pas manifesté une forte volonté d?investir.

- Les industriels critiquent le manque d?ambition de l?Europe en matière spatiale?

? Avec un budget qui augmente de 15 % dans une situation de crise où la croissance est proche de zéro !

- Mais c?est surtout grâce aux services?

-?Les services, c?est essentiel ! Stop, ! Voilà, d?ailleurs, un des apports de Kourou : dire qu?aujourd?hui, on ne peut plus séparer espace, technologie, lanceurs, etc. et services associés. En réalité, l?ensemble est un écosystème spatial. C?est pourquoi on arrive maintenant à faire financer la politique spatiale par les utilisateurs des services spatiaux.

- Les industriels ont-il tort de se plaindre d?un manque d?ambition en matière de R&D, recherche et développement ?

- Nous avons avec le lanceur Ariane 5 le bon outil jusqu?en 2015 : l?augmentation de la taille des satellites se ralentit. A partir de 2015, il faudra entamer une nouvelle étape. Nous en somme tous conscients. Dans le cadre de la ministérielle, nous aurons un budget consacré aux études pour préparer l?après 2015. ,Nous savons qu?il faut préparer l?avenir et nous avons tout à fait conscience qu?il se prépare aujourd?hui et que les bureaux d?études doivent travailler sur la préparation de l?après 2015.

- Le leadership européen de la France en matière spatial est-il menacé ?

- J?entends bien qu?on nous conteste le leadership européen en matière d?espace mais cela ne correspond pas à la réalité. Tous secteurs confondus, la France réalise 40 % des dépenses spatiales européennes, qui s?élèvent à 5 milliards d 'euros en matière institutionnelle. Nous dépensons à peu près 2 milliards et l?Allemagne est un peu au-dessus de 1 milliard. En terme d?emplois, l?industrie spatiale française pèse plus de 11.000 salariés alors que l?Allemagne est à moins de 5.000. Mais nous sommes très contents que l?Italie et l?Allemagne veuillent s?engager davantage. Cela ne nous dérange pas, au contraire.

- Le système de juste de retour et l?unanimité de l?ESA n?est-il pas un système à bout de souffle ?

- L?ESA est indispensable parce que, par le retour géographique et le consensus, cela nous a permis d?avancer. Mais ce système devra évoluer. Avant cela, il y a un passage obligé consistant à faire de l?Union européenne un acteur global du spatial. Les deux dynamiques se complètent et ne sont pas concurrentes. Actuellement, nous avons décidé la mise en ?uvre d?une ligne budgétaire espace dans le cadre du budget européen pour financer les budgets spatiaux. . Nous sommes dans une phase de transition qui est construire une vraie politique spatiale européenne, ses fondements, sa logique, son fonctionnement? C?est compliqué.

- Y a-t-il encore la place pour les agences nationales de l?espace comme le CNES ?

- Dans cette évolution, évidemment, les agences spatiales des Etats seront les bras armés des Etats. Nous avons vraiment besoin du CNES de part ses compétences uniques en Europe. Ensuite, il faudra voir comment tout cela évolue.
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- Mais à long terme ?

- A moyen et long terme, il va y avoir convergence entre Union européenne et l?Agence spatiale européenne. Notre objectif c?est d?abord que le maximum d?Etats de l?Union européenne s?impliquent dans l?ESA. A partir de ce moment là, les choses commenceront à évoluer par elles-mêmes. Mais nous sommes dans une démarche très progressive, qui ne se conçoit pas sans la ratification du traité de Lisbonne, qui donne à l?Union une compétence en matière de politique spatiale. On est dans une évolution lente, pas dans un mouvement radical de changement. Donc ne perturbons aucun des acteurs en leur disant que leur rôle va changer dans les mois ou années à venir !

 

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