Jean-Marie Sander, président de Crédit Agricole SA "Le modèle de la banque universelle reste un bon modèle"

Cet Alsacien à l'itinéraire remarquable - depuis la ferme familiale jusqu'à la présidence, en 2010, de Crédit Agricole SA - revient sur l'actualité du secteur bancaire. Du relèvement du plafond du Livret A au micro-crédit, en passant par la création de la BPI.
Le président de Crédit Agricole, Jean-Marie Sander / Reuters

La Tribune - Le Crédit Agricole a-t-il durci ses conditions de prêts?
Jean-Marie Sander - Nous continuons à exercer notre métier de prêteur. Certes, nous observons un ralentissement de la demande de crédit, mais il n'y a pas de notre part de ralentissement de l'offre. L'encours de crédit aux particuliers continue de progresser. Pour les entreprises, notre encours de crédit est stable côté Crédit Agricole et en très légère baisse côté LCL après une forte année 2011. Par ailleurs, nous ne constatons pas de montée des risques, ce qui est positif.

Pourrez-vous maintenir le niveau de vos crédits en 2013?
Nous le souhaitons. Mais il faut que les pouvoirs publics et le législateur aient conscience que notre économie a besoin pour son financement de ressources à moyen et long terme. Or, le gouvernement vient de privilégier l'épargne à court terme avec l'augmentation du plafond du Livret A. Nous lui rappelons que le système bancaire doit avoir le carburant nécessaire pour financer l'économie et les territoires.

Que souhaiteriez-vous obtenir?
Nous souhaitons une fiscalité plus adaptée à l'épargne longue dont nous avons besoin pour pouvoir prêter. La banque est un intermédiaire entre celui qui dépose de l'argent et celui qui emprunte. Bref, il faut favoriser une collecte qui reste dans le bilan des banques. C'est le contraire du Livret A dont les fonds, en grande partie, ne restent pas dans nos comptes mais sont centralisés à la Caisse des dépôts et échappent ainsi aux circuits habituels de financement des territoires.

L'assurance-vie non plus ne figure pas dans le bilan bancaire, pourtant c'est de l'épargne longue. Envisagez-vous d'en vendre moins?
Si les clients veulent de l'assurance-vie, ils auront de l'assurance-vie. Nous ne pouvons pas arbitrer la demande des clients au regard des circuits de financement de l'économie.

Quel regard portez-vous sur la création de la Banque publique d'investissement qui vise justement à soutenir les entreprises localement?
Dans une période où l'argent est plus rare et plus cher, nous encourageons tout ce qui contribue à apporter des fonds propres aux entreprises. Pour le reste, nous verrons si cette nouvelle banque publique préserve des mécanismes qui ont fait leur preuve et avec lesquels nous travaillons en bonne intelligence, comme Oséo.

Êtes-vous prêt à travailler en cofinancement avec la BPI?
Certainement, si les décisions des comités d'engagement dans les régions sont prises par des professionnels de la banque et de l'entreprise, sur des critères économiques. Nous attendons que l'organisation des comités de la BPI soit précisée, en particulier pour ce qui concerne la participation des régions.

Seriez-vous prêt à augmenter votre participation dans le financement des collectivités locales?
Nous assurons notre part dans le financement des collectivités locales comme auparavant, soit environ 3,5 milliards d'euros, ce qui représente 20% du financement des collectivités locales. Cela correspond à la part de marché globale du Crédit Agricole au niveau national. Si toutes les banques françaises faisaient de même et consacraient l'équivalent de leur part de marché au financement des collectivités locales, il n'y aurait pas de problème. En 2013, nous n'avons pas de raison de changer notre politique en la matière.

Avez-vous des craintes concernant la future réforme bancaire française qui porterait sur la séparation des activités de banque de marché et de banque de dépôts?
Si la réforme vise à interdire aux banques de pratiquer la gestion pour compte propre ou le trading haute fréquence, ce n'est pas un problème. Le Crédit Agricole ne les pratique pas. En revanche, accompagner les entreprises françaises à l'international, les aider dans la structuration de leur dette, couvrir leur risque de change ou de taux, ce n'est pas de la spéculation, c'est le métier même de la banque!

Mais est-il indispensable pour suivre la clientèle des entreprises de réunir les deux branches de banque de détail et de banque de financement?
Pour accompagner les entreprises, notre modèle de banque universelle est un bon modèle. Il n'a jamais été démontré qu'il était plus risqué. Au contraire, c'est un modèle intégré efficace dans lequel la banque des territoires et des entreprises peut travailler avec la banque de financement à l'international comme Crédit Agricole CIB, implantée dans 50 pays. C'est indispensable si on veut pouvoir suivre les entreprises dans leur développement à l'étranger. Ce serait quand même le comble si les banques américaines venaient à nous remplacer auprès des entreprises françaises pour des raisons de réglementations nouvelles!

En cette période de crise, avez-vous décidé d'intensifier vos efforts en matière de microcrédit?
Quand on s'appelle le Crédit Agricole, on sait que la responsabilité économique et financière est aussi une responsabilité sociétale. Le microcrédit est un autre mode de financement, c'est une porte d'entrée vers la création d'entreprise. Le Crédit Agricole le pratique en France, en partenariat avec des organismes comme France initiative, France active ou encore l'Adie. Dans les pays émergents, notre fondation Grameen Crédit Agricole agit comme un établissement de crédit spécialisé dans le financement des institutions de micro-finance. Derrière ces financements, ce sont des dizaines de milliers de microcrédits qui sont accordés et qui contribuent à lutter contre la pauvreté.

Y a-t-il d'autres méthodes que le microcrédit pour lutter contre la pauvreté?
Nous essayons aujourd'hui d'aller plus loin en soutenant le social business, c'est-à-dire des projets d'entreprises efficaces et rentables mais à finalité sociale et donc sans dividendes. C'est ce que nous avons fait en accompagnant Danone au Bangladesh pour financer la production d'un yaourt enrichi conçu pour combler les carences nutritionnelles des enfants. Nous sommes en train de finaliser la création d'un fonds spécial pour développer le social business. Nous espérons collecter 15 à 20 millions d'euros avec l'aide des entités de banque privée du Groupe.

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Il est comme ça?!

- iPhone ou Blackberry ? iPhone, une fois qu'on y est habitué on ne compare plus !
- Lève-tôt ou couche-tard ? Forcément les deux, mais lève-tôt plutôt par obligation.
- Travail le week-end ou détente ? Je travaille pour me détendre.
- Note de synthèse ou rapport fouillé ? Note de synthèse... fouillée.
- La qualité que vous préférez chez vos collaborateurs ? Le parler-vrai.
- Ce que vous détestez par-dessus tout au travail ? Les arrière-pensées.

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