Carlos Tavares "Nous allons faire hésiter les clients de Volkswagen"

<b>INTERVIEW INTEGRALE - </b>Renault a pour ambition de faire systématiquement hésiter les automobilistes qui voudraient acheter une Volkswagen. Rude gageure. La Clio IV, qui se pose en rivale de la Polo allemande, est le premier jalon d'un feu d'artifice de dix nouveautés d'ici à la fin 2013. Renault reste une entreprise fragile. Mais elle est sauvée par la gamme « Entry » qui génère des marges nettement supérieures à 6%, la croissance rentable en Amérique latine ou au Brésil et le partage des coûts avec Nissan. Mais, il faut un dialogue social pour trouver des compromis qui accroissent la compétitivité des usines françaises.
Carlos Tavares, directeur général délégué de Renault / Reuters

La Tribune - Renault peut-il produire encore en France?
Carlos Tavares - Dans chaque région du monde, 80% des voitures que nous vendons sont produites dans la zone. La production en France est donc tirée essentiellement par le marché européen. Je ne demande pas aux usines françaises d'avoir les performances économiques de l'Inde ou de la Chine. Je leur demande d'être compétitives par rapport aux autres sites européens. L'Alliance Renault-Nissan a deux sites très performants de référence : l'usine Renault de Palencia (Espagne) et celle de Nissan à Sunderland (Grande-Bretagne). Il n'y a pas de raison a priori qu'on soit moins performant en France qu'en Espagne. Oui, on peut produire en France. Mais il faut un dialogue avec les partenaires sociaux. En période de crise, il est nécessaire d'avoir une convergence entre tous les acteurs pour se donner les moyens de reconstruire la compétitivité. Quand la création de richesse est faible, tout le monde doit accepter des compromis.

Vous avez déclaré récemment qu'il y avait 1.300 euros d'écart de coûts entre les Clio IV produites à Flins et en Turquie. Ce différentiel est-il rédhibitoire ?
Non, car 40% seulement de cet écart sont imputables aux conditions salariales.

En quoi les pouvoir publics peuvent-ils vous aider ?
Il faut promouvoir ce que l'on sait faire. Renault est ainsi extrêmement innovant dans la voiture électrique. C'est une formidable opportunité. Nous avons déjà trois modèles commercialisés et bientôt un quatrième. Nous avons là ce que les constructeurs allemands n'ont pas. Or, je constate que la France a installé moins de bornes de recharge que la Norvège ou les Pays-Bas. Il suffirait que l'on soit plus actif sur ce plan pour que ça sécurise les clients et fasse décoller le marché de l'électrique.

Comment Renault affronte-il aujourd'hui la crise ?
L'entreprise est capable de survivre grâce à notre croissance rentable hors d'Europe. On a fait 500 millions d'euros de marge opérationnelle au premier semestre, avec un flux de trésorerie négatif de 100 millions. Ce sont des résultats acceptables dans le contexte actuel, mais trop faibles, qui démontrent la fragilité de l'entreprise. Trois éléments nous tirent d'affaire. Tout d'abord, le succès de la gamme « Entry » (NDLR : Logan, Sandero, Lodgy, Duster et maintenant Dokker). Nous allons en vendre près d'un million en 2012 avec une très bonne rentabilité. Les marges sont nettement supérieures à 6%. Ensuite, nous gardons la tête hors de l'eau grâce à l'internationalisation. En 1999, nous vendions 11% de nos véhicules hors d'Europe. En 2013, nous dépasserons les 50%. Enfin, on partage les coûts avec Nissan.

Prévoyez-vous un plan social ou des fermetures de sites en Europe ?
A ce stade, il n y'a pas de plan de suppression d'emplois ou de fermeture de site. La situation est difficile dans nos usines, nous la gérons à travers le chômage partiel. Mais la tempête en Europe risque de durer.

Vos ventes baissent plus que le marché en France et en Europe. Cela va-t-il continuer ?
Non. Le lancement de la Clio IV prouve que Renault est de retour. C'est le premier jalon. D'ici à fin 2013, nous sortirons dix nouveaux modèles. Nous allons surfer sur une situation plus dynamique. Ca va tirer nos efforts d'économies. Nous avons perdu des parts de marché en Europe parce que nous ne nous sommes pas laissés entraîner dans de trop fortes remises. Certains de nos concurrents sont dans des conditions désespérées avec des exigences de trésorerie telles qu'ils sont prêts à faire tourner les usines à n'importe quel prix et pratiquent pour cela de très forts rabais. En Europe, nous gagnons encore un peu d'argent. La Clio IV a suffisamment d'atouts pour que nos commerciaux s'astreignent à une grande discipline en matière de prix de vente. Ce qui devrait nous assurer une meilleure rentabilité.

Faut-il de nouvelles alliances à Renault ?
Je ne crois pas. Nous avons vendu plus de 8 millions de véhicules avec Nissan et Avtovaz (Lada). Nous n'avons pas de problèmes d'économies d'échelle. Il faut en revanche travailler pour que tout ce qui peut être mutualisé en amont le soit. Il y a encore du potentiel de synergies avec Nissan.

Avez-vous d'autres projets avec Daimler ?
Ce sont nos équipes sur le terrain qui nous font des propositions. Les deux partenaires sont très contents de leur collaboration. Mercedes (Daimler) est très satisfait de la qualité du Citan (un Renault Kangoo restylé) que nous produisons pour eux à Maubeuge. Le programme conjoint de développement des futures Twingo et Smart se déroule bien. Nous progressons ensemble. Les moteurs diesel que nous fournissons à Mercedes pour sa nouvelle Classe A ont été très bien reçus par la presse allemande. D'autres projets communs vont naître mécaniquement de nos collaborations actuelles.

Comment la marque Renault peut-elle se développer, parallèlement à une gamme de véhicules à bas coûts (Dacia) ?
Nous ne parlons pas de « Low Cost » (bas coût) mais de « Smart Buy » (achat malin). Les acheteurs de Dacia n'ont pas forcément les revenus les plus modestes. Mais ils ont dépassé le stade du consumérisme. Ils veulent un moyen de locomotion, pas un statut. Ils veulent payer le juste prix. C'est une tendance sociétale de recherche de la simplicité. Au-dessus de Dacia, il y a Renault, la marque c?ur de gamme. Avec Renault, nous avons l'ambition de faire hésiter les clients qui voudraient acheter une Volkswagen. Nous voulons proposer systématiquement un modèle alternatif à une Volkswagen, afin que les acheteurs intéressés par une Volkswagen se demandant pourquoi ils paieraient plus cher pour la même chose. Avec la Clio IV, le client potentiel d'une Polo va hésiter légitimement. Les récentes enquêtes de l'ADAC (Automobile Club allemand) auprès des consommateurs démontrent que, sur certains créneaux, les Renault sont meilleures en qualité que les allemandes.

Vous avez aussi des ambitions dans une marque sportive...
Il y a le projet de voiture sportive sous la marque Alpine. Pourquoi serions nous assez fous pour ne pas utiliser le capital de sympathie d'Alpine ? Nous avons dit que nous prendrions une décision avant la fin 2012. Mais je suis en avance par rapport au calendrier. Nous sommes sur la bonne trajectoire.
Le véhicule ferait l'objet d'un partenariat pour réduire le ticket d'entrée. Il sortirait en 2015-2016.

Et un label haut de gamme ?
Nous ne visons pas Mercedes ou BMW. Nous serions plutôt sur le créneau de Volvo. Mais il s'agira d'une démarche très progressive. Il y a déjà des gens dédiés chez Renault à notre label « Initiale Paris ». Le label sera appliqué à des versions huppées de quatre ou cinq modèles de la gamme. On va commencer par une Clio IV « Initiale Paris », puis il y aura un Espace... Quand on aura quatre modèles, on commencera à visualiser que les « Initiale Paris » ont une saveur spécifique. Il faut travailler sur l'exclusivité, l'élégance à la française, le prix de transfert, le traitement VIP du client. On verra à quel moment ou pourra créer une vraie marque. Audi a mis trente ans pour en arriver là où il est. Nous, nous travaillons pour la prochaine génération, dans vingt ans, qui en tirera les fruits.

La grande Renault sur plate-forme Mercedes aura-t-elle une déclinaison Initiale Paris ?
Oui, elle aura une variante.

Vous vous inspirez beaucoup de la gamme DS de Citroën...
Ce n'est pas mal de copier ce qui est bien.

Quels sont les marchés d'avenir pour Renault ?
Il y a l'Amérique latine, avec le Brésil. On a 7% de part de marché. On peut monter à 10% à moyen terme. Nous sommes très satisfaits de nos résultats au Brésil, en Argentine, en Colombie, au Mexique. Pareil en Russie. Ce sont des marchés où nous faisons de la croissance rentable. En Russie, nous avons 6% de part de marché et on pourra arriver à 8-9%. Avtovaz (Lada) va produire aussi des Logan pour Renault qui s'ajouteront à notre production de Moscou, où, à la mi-septembre, nous tournerons à un rythme de 6.000 heures par an, comme notre meilleur usine de l'Alliance, celle de Nissan au Mexique. L'Alliance Renault-Nissan utilisera les capacités d'Avtovaz et l'aidera à renouveler sa gamme. En Inde, on met la pression pour produire plus de voitures. Nous avons déjà 16.000 commandes pour le Duster. Nous y passerons de 1.500 Renault vendues en 2011 à plus de 20.000 cette année.

Et la production en Chine ?
Nous sommes d'accord avec notre partenaire Dongfeng sur ce que nous voulons faire. Nous avons déjà déposé un dossier de demande de licence auprès de l'administration chinoise. Si tout va bien, on commencera la production en Chine en 2016.

Quels modèles manquent à votre gamme aujourd'hui ?
Il faut renforcer notre offre de « Crossovers » (4x4) avec une large gamme sur tous les segments. Ca commencera en 2013. Nous avons ainsi un très grand succès avec le Duster en Europe, au Brésil, en Inde. On fait un gros effort pour que Renault devienne un constructeur mondial. Il faut que nous soyons capables d'introduire des véhicules pour plusieurs marchés à la fois, pas seulement pour l'Europe, comme les « Crossovers ».

Pourquoi ne sortez-vous pas de modèles « rétro », comme une R5 des années 2015 ?
Je ne suis pas un super fanatique du « néo-rétro ». Il ne faut pas nier la notoriété des produits à succès du passé. Et, si les designers viennent avec une proposition séduisante, on l'examinera. Mais je préfère comme Honda me concentrer sur un nombre plus limité de modèles. Une nouvelle R5 n'est pas à l'étude.

Comment Renault peut-il faire face au rouleau compresseur Volkswagen ou Hyundai-Kia ?
Etre le numéro un mondial n'est pas notre ambition. Nous ne cherchons pas à être le plus gros. GM a essayé, puis Toyota... Nous, nous voulons faire du meilleur Renault en qualité, design, attractivité, couverture internationale. La croissance sera donc une conséquence naturelle de ces efforts. Il n'est pas bon de se fixer une taille comme objectif d'entreprise.

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Commentaires 6
à écrit le 22/09/2012 à 23:34
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Il y a que depuis très peu de temps qu'on est pas reçu comme un chien dans un jeu de quilles dans une concession Renault! Maintenant c'est trop tard, je n'y vais plus et je n'achète plus Renault ni Peugeot. J'ai Honda et Toyota hybride depuis dix ans...

le 23/09/2012 à 21:50
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C'est bizarre !... Moi, je n'ai jamais eu à m'en plaindre, pourtant j'en suis à ma 9ème Renault !!!....

à écrit le 21/09/2012 à 19:47
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Ils ne faut pas avoir honte de nos productions, les allemands sont de bons industriels mais il y a mieux dans tous les domaines ! Les constructeurs italiens ou français concilient le design la techno et le confort mieux que personne. Franchement quan...

le 22/09/2012 à 23:15
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Vous avez raison....comparons une Mégane de 9 ans avec une golf de la même année....à kilométrage et entretien équivalent, vous croyez vraiment qu'elle se valent ? Et VAG il y a quelques années, en effet parlons en, c'était juste la golf GTI, par exe...

à écrit le 21/09/2012 à 17:30
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@krimokrimo007, c'est l'objectivité de votre commentaire qui me fait me tordre de rire ! Et pourquoi par le simple fait de leur origines, les allemandes serait meilleures. Pour avoir eu les deux, je peux vous assurer qu'une megane vaut aujourd'h...

à écrit le 21/09/2012 à 16:46
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vous voulez faire hesiter les gens entre une bagnole francaise (toc) avec une allemande, une allemande.......une..............allemande mais vous vous foutez de qui? une golf et une megane !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!mdr. je ne peux pas m'arreter de rire...

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