Vendre de l'électricité 100 % verte, c'est possible et ça marche

Dès 2006, bien avant la mode de la « transition énergétique », enercoop a décidé de ne commercialiser que de l'énergie renouvelable. Quitte à la vendre 30 % plus cher. La coopérative compte aujourd'hui, parmi ses 14.000 clients, 13.000 particuliers et 1 000 collectivités locales.
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Ce n'est vraiment pas une entreprise comme les autres. Au moment où les Français se débattent pour préserver leur pouvoir d'achat, Enercoop parvient à convaincre chaque mois entre 200 et 300 nouveaux clients de venir se fournir chez elle en électricité... en payant entre 25% et 30% plus cher que leurs voisins de palier ! L'explication est simple. Ses 14.000 clients n'achètent pas seulement de l'électricité. Ils achètent de l'électricité 100?% d'origine verte.

Consommer autrement, « moins mais mieux »

Si les réflexes de consommation « différente » gagnent tous les jours du terrain dans l'alimentation ou le transport, dans l'énergie, il en est bien autrement. C'est donc dans ce domaine qu'Enercoop développe une offre depuis 2006. « On dit à nos clients : venez chez nous si vous voulez consommer différemment. Moins et mieux. C'est-à-dire plus sobrement et exclusivement de l'électricité renouvelable », explique Patrick Behm, directeur général d'Enercoop. Une promesse pour le moins exotique dans un pays qui tire 75% de son électricité des centrales nucléaires. Et ça marche.
Bien sûr, ce geste militant en faveur des énergies renouvelables (ou contre le nucléaire) a un coût. Patrick Behm l'évalue à 10 euros par mois en moyenne (sur une facture annuelle de près de 400 euros pour un foyer qui ne se chauffe pas à l'électricité). « Mais nos clients s'y retrouvent en consommant moins. D'ailleurs leur consommation d'électricité est inférieure de 20?% à la moyenne nationale, affirme-t-il. Et puis nos prix sont stables depuis 2006. L'élargissement de notre clientèle ne s'est pas accompagné d'une augmentation de nos coûts de structure ».Ces 30?% en plus sur la facture d'électricité ne reflètent cependant qu'une toute petite partie du surcoût de l'électricité renouvelable, puisque l'éolien terrestre coûte près de 2 fois plus cher à produire que le nucléaire, et même de 6 à 13 fois plus pour le photovoltaïque. « Nous vendons à 98% de l'hydraulique, la seule énergie renouvelable abordable sans le mécanisme de compensation réservé au seul EDF », souligne Patrick Behm.
Explication : EDF est obligé de prendre aux producteurs d'éolien, de solaire ou de biomasse leur électricité à un tarif dit de « rachat », qui couvre leurs coûts élevés. Puis, chaque consommateur d'électricité en France paie sur sa facture quelques euros destinés à compenser ce surcoût, via une taxe baptisée CSPE. « Or, EDF est le seul électricien qui reçoit le produit de cette taxe », déplore Patrick Behm, qui a introduit en 2006 un recours auprès de la Commission européenne. Sans réponse jusqu'ici.
En attendant, les clients d'Enercoop sont tenus d'acquitter quand même cette taxe, bien qu'elle ne serve pas à soutenir les producteurs d'énergies renouvelables sous contrat avec la coopérative. Ce qui fait ricaner certains de ses concurrents, fournisseurs classiques : les clients d'Enercoop paient deux fois leur militantisme, via un tarif plus élevé et via la taxe. Certes. Mais la coopérative achète réellement de l'énergie renouvelable, à la différence de certains de ses concurrents.
Direct Énergie, par exemple, a une offre également estampillée 100% verte, baptisée « 100% Pur Jus ». Pour cela, la société se fournit en électricité chez EDF (donc essentiellement en nucléaire) et achète, en parallèle, de simples « garanties d'origine » (sorte de certificats verts), émis par les producteurs d'énergie renouvelable.
L'approche d'Enercoop, plus exigeante, s'est cependant heurtée à la dure réalité des marchés. En 2008, lorsque les tarifs électriques flambaient, la coopérative a eu toutes les peines du monde à trouver de l'électricité. « On a dû refuser des clients pendant six mois », se souvient Patrick Behm. L'envolée des prix de l'électricité a alors failli coûter à Enercoop sa jeune existence.

Vers la diversification du mix énergétique

Au final, au lieu de soutenir les microproducteurs locaux d'hydraulique, conformément à ses rêves, Enercoop a dû, début 2009, se résoudre à conclure un contrat avec EDF pour acheter la production de sa centrale hydraulique de Lau-Balagnas, dans les Hautes-Pyrénées. Cette centrale lui fournit aujourd'hui 25% de ses ventes. Enercoop va en outre chercher en Suisse 60% de ses besoins, en se fournissant auprès de l'hydraulicien Alpiq.
Ce qui fait aussi tiquer certains de ses concurrents. « Enercoop se présente comme un vrai alternatif qui soutient la production française d'énergie renouvelable mais elle achète 85% de son électricité soit en Suisse, soit à EDF », souligne l'un d'eux.Tout cela est en train de changer. Le contrat avec la centrale d'EDF se termine à la fin de 2012 et ne sera pas reconduit. Car au même moment, l'électricien public a durci ses conditions pour racheter aux microproducteurs d'hydraulique leur électricité.
Bilan : ils se jettent presque dans les bras d'Enercoop. « Nous avons déjà signé 30 gigawatts-heure (pour des ventes prévues de 80 GWh en 2013) et nous allons certainement aller jusqu'à 42 voire 47 GWh. Bref, la part de la Suisse va descendre sous les 50% de nos ventes, annonce Patrick Behm. Et dans une seconde phase, nous allons diversifier notre mix. Au plus tard en 2015 avec l'éolien. Comme l'hydraulique aujourd'hui, les contrats de rachat avec EDF arriveront à expiration et nous en profiterons ».Patrick Behm n'exclut pas, d'ici là, d'être autorisé à récupérer la CSPE. « C'est surtout l'augmentation annoncée des prix de l'électricité qui nous donnera des marges de man?uvres. On pourra alors élargir notre clientèle au-delà du cercle des militants », espère-t-il.

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Repères :

Les chiffres
20 000 euros : C'est le bénéfice d'Enercoop prévu en 2012. En 2011, son CA s'est élevé à 6 M?, avec un bénéfice de 76 000 euros. 8 000 : C'est le nombre de sociétaires de la coopérative.14 000 : C'est le nombre de clients, dont 13 000 particuliers et 1 000 collectivités locales.

La sphère Enercoop
Des membres fondateurs engagés : La Nef (société coopérative de finances solidaires), Biocoop, Greenpeace, CLER (Comité de liaison Énergies Renouvelables), les Amis de la Terre, etc.énergie partagée : Ce fonds d'investissement ouvert au grand public boucle sa première année avec une collecte de 2 millions d'euros destinés à financer des projets locaux d'énergie renouvelable.

Les acteurs du marché
Deux acteurs « généralistes » : Direct Énergie et GDF Suez proposent aussi une offre verte.Quatre acteurs spécialisés : Alterna, Energem, Lampiris, Planète Oui.

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Commentaire 1
à écrit le 10/07/2013 à 10:21
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Il suffit bien sûr d'installer chez soi un trieur d'électrons verts: ils sont faciles à reconnaître car ils sont de couleur verte mais bien sûr ça a quand même un coût

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