Changer de méthode ?

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Le Chancelier de l'Echiquier George Osborne au parlement mercredi 5 octobre. Copyright Reuters

Quant on n'obtient pas les résultats escomptés, faut-il changer de méthode ? A priori, oui, quoique... Ainsi, les politiques d'austérité suivies en Europe font depuis quelques temps l'objet de critiques de plus en plus vives, non seulement de la part de leaders politiques ou d'économistes classés « keynesiens », mais aussi, de façon notable, d'institutions comme le FMI ou l'OCDE.

Mais changer de méthode ne va pas sans risque. Un connaisseur en la matière, René Descartes, recommandait dans son « Discours de la méthode » (IIIe partie) de ne pas suivre « constamment les opinions les plus douteuses », mais au contraire « imitant en ceci les voyageurs qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant tantôt d'un côté tantôt d'un autre, ni encore moins s'arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu'ils peuvent du même côté, et ne le point changer pour de faibles raisons. »

C'est en tous les cas cette règle qu'applique le ministre des Finances britannique. « La Grande-Bretagne est sur la bonne voie et faire demi-tour serait un désastre », a asséné George Osborne mercredi devant les députés à l'occasion de son discours (de la méthode) d'automne sur l'état de l'économie du pays. Car de l'autre côté de la Manche, on ne voit toujours pas le bout du tunnel de la crise économique. L'objectif que les Tories s'était fixé, à savoir stopper l'augmentation de la dette publique durant l'année 2015/2016 s'est transformé en mirage. En fait, elle devrait désormais culminer à 79,9% du PIB - quelle précision du ministre ! - en 2015/2016, et se stabiliser en 2017/2018.

Trois années supplémentaires, c'est beaucoup. Pourtant, la politique lancée par David Cameron devenu Premier ministre en mai 2010 devait transformer la société britannique de fond en comble, en redonnant plus d'initiatives aux citoyens. L'idée était que la dynamique sociale permettrait de transférer les emplois dépendant de l'Etat vers ceux dépendant du secteur privé social. Force est de constater que le « laboratoire » de Cameron est en panne. Le chômage est en forte hausse, notamment celui des jeunes, et le PIB devrait se contracter de 0,1% cette année, alors que le gouvernement avait tablé sur une croissance de 0,8%. Et pour l'année prochaine la projection a été révisée à la baisse de + 2% à 1,2%.

Contrairement aux pays de la zone euro, le Royaume Uni peut gagner de la compétitivité à l'international en dévaluant sa livre sterling. Mais cela n'est pas suffisant. « Nous sommes confrontés à une multitude de problèmes venant de l'étranger », s'est défendu le ministre, pointant les difficultés de la zone euro et des Etats-Unis, moins demandeurs de produits « Made in Britain ».

Pour autant, il n'est pas question d'adoucir la rigueur, George Osborne a annoncé vouloir appliquer de nouvelles réductions des prestations sociales, et une lutte renforcée contre l'évasion fiscale, un vaste chantier. Bref, « marcher toujours le plus droit (...) du même côté », car, comme le disait Descartes de ses voyageurs égarés, « par ce moyen, s'ils ne vont justement où ils désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque part où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu de la forêt. » Le problème pour le cartésien Osborne est qu'il est sur une île...

Mais changer de méthode peut aussi avoir des résultats positifs. Par exemple, les critiques sévères adressées à la France pour son manque d'imagination et d'innovation en matière de brevets sembleraient fortement exagérées. Il est vrai que dans nombre de classements internationaux, par exemple l'Ompi (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), elle perd du terrain au fil des années. Or, si l'on modifie la méthode d'évaluation, le paysage change.

Ainsi, selon le classement établi par Thomson Reuters des 100 organisations les plus innovantes, le « Top 100 Global Innovators », la France se classe troisième, et ce pour la deuxième année consécutive, plaçant 13 entreprises sur 100 (contre 11 en 2011). Parmi les élus, on trouve Alcatel-Lucent, Arkema, EADS, L'Oréal, Michelin, Saint-Gobain et Snecma, déjà présents en 2011, rejoints par Thales, Renault et Valeo. La particularité de ce Top est aussi d'intégrer aussi des organismes de recherche publics ou semi-publics comme le CNRS, le Commissairiat à l'énergie atomique (CEA), ou encore l'IFP Energies nouvelles. Or, comme la France investit traditionnellement dans la recherche publique, cela devient un avantage.

Thomson Reuters ne s'arrête pas uniquement au nombre de brevets déposés mais en mesure le contenu selon certains critères qualitatifs : le succès réel rencontré par le brevet, sa reconnaissance internationale, son degré d'innovation (par exemple de nombreux brevets chinois ne sont en réalité que des améliorations de brevets existants) et son influence en tant que référence. Des "qualités premières" pour parler comme Descartes.

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