Pourquoi le président chinois mène-t-il une implacable lutte contre la corruption ?

Depuis plusieurs mois, la lutte anti-corruption menée par le pouvoir central à Pékin fait tomber des têtes. Récemment, un officiel de rang ministériel a pour la première fois été inquiété. Selon les analystes, Xi Jinping utiliserait cette lutte contre la corruption pour asseoir son autorité afin de mener des réformes économiques qui s'annoncent difficiles.
Xi Jinping, l'homme fort du régime chinois mène une lutte sans merci contre la corruption qui lui permet d'affirmer son autorité à la tête du pays. (c) Reuters

C'est une véritable opération de nettoyage des élites qu'est en train de réaliser le président de la République populaire de Chine Xi Jinping. La Commission centrale de contrôle de la discipline, dont le chef est un proche du président,  aurait en effet obtenu la coopération de l'ex-ministre de la Sécurité de l'État Zhou Yongkang dans le cadre de la vaste opération de lutte contre la corruption menée par le pouvoir central.

Zhou Yongkang était un allié de Bo Xilai

La semaine dernière, le South China Morning Post avait déjà rapporté qu'une enquête pour corruption était sur le point d'être menée à l'encontre de Zhou Yongkang, sans pouvoir pour autant l'affirmer. Finalement, l'ancien homme fort, aujourd'hui à la retraite, s'en sort avec une simple audition, alors que beaucoup s'attendaient à le voir tomber.

Depuis le printemps dernier, des rumeurs circulaient à Pékin sur une alliance entre Zhou Yongkang et l'étoile filante du Parti communiste chinois Bo Xilai, aujourd'hui accusé de corruption, pour contrer le dauphin de Hu Jintao, Xi Jinping, dans la course à la présidence.

Selon les analystes, Zhou Yongkang ne devrait son salut qu'à son retrait de la vie publique. Mais, si la rumeur d'un pacte secret avec Bo Xilai n'est pas confirmée, l'ancien tsar de la sécurité du parti aurait été l'un de ses soutiens principaux lors de la réunion du Comité central du parti communiste chinois qui avait fini par décider de mettre fin aux fonctions de la star montante de l'époque.

>>> Bo Xilai : quand un ancien prince rouge comparaît devant la justice chinoise

Soupçons de corruption à tous les étages au sein du PCC

Depuis cette décision, les têtes ne cessent de tomber. La dernière en date est celle de Jiang Jiemin, le directeur de la Commission d'administration et de contrôle des biens publics qui s'est retrouvé débarqué de son poste. Un signal fort de la part de l'autorité centrale, car Jiang Jiemin est la première victime de rang ministérielle de cette grande opération anti-corruption. Celui qui était aussi l'ancien président de la société pétrolière chinoise (Cnpc) est soupçonné de "graves violations disciplinaires", a rapporté l'agence de presse Xinhua, c'est-à-dire de corruption dans le jargon officiel du parti communiste chinois.

L'annonce de cette enquête à l'encontre de cet ancien de la Cnpc est elle même intervenue quelques jours seulement après l'annonce d'investigations concernant quatre hauts responsables de la société pétrolière d'État dont son directeur général adjoint Wang Yongchun. Les quatre sont d'anciens collaborateurs de Jiang Jiemin à l'époque où il dirigeait la compagnie. 

Bataille anti-corruption et intérêt politique se mêlent

Cette série d'arrestations constitue une aubaine sur le plan de la communication dans le cadre de la lutte contre la corruption, mais est aussi un moyen pour Xi Jinping d'asseoir son pouvoir à la tête du pays en éliminant les barons des entreprises d'État et les soutiens de son ancien rival Bo Xilai. En effet une partie des personnalités suspectées de corruption par le régime ont en commun d'être passés par la Cnpc et d'y avoir connu une carrière fulgurante. Or Zhou Yongkang a lui même été aux commandes de la compagnie pétrolière d'État dans la deuxième partie des années 1990.

En fait, partout où est passé Zhou Yongkang, la Commission centrale de contrôle de la discipline trouve des suspects. Ainsi, d'autres hauts responsables de la province du Sichuan, comme le vice-secrétaire du parti dans la province Li Chuncheng, font eux aussi l'objet d'une enquête. Zhou Yongkang était secrétaire du parti dans la province de 1999 à 2002, alors que Li Chuncheng était maire de Chengdu, la capitale du Sichuan.

"La mise à terre de Zhou Yongkang, qui était vu autrefois comme un défenseur des entreprises d'État et de la répression politique serait la preuve que Xi Jinping a le pouvoir de mettre en place ses réformes", explique une analyse citée par Bloomberg

Xi Jinping se pose en homme fort et sauveur du parti

De fait, les alliés de Bo Xilai, alimentés par les fruits illimités de la corruption au sein de la Cnpc (quatrième entreprise mondiale par sa taille) étaient connus pour être de fervents opposants à une libéralisation de l'économie qui risquait de mettre à mal leurs privilèges acquis au cours de leurs diverses activités dans les entreprises d'État. Privilèges que souhaiterait faire sauter Xi Jinping en mettant en place ses réformes structurelles, selon les analystes.

Par réformes structurelles, il faut toutefois entendre réformes de l'économie, car, sur une ligne qui semble proche de celle adoptée par Deng Xiaoping, Xi Jinping a clamé haut et fort qu'il ne tolérerait pas un affaiblissement politique du Parti communiste chinois.

>>> Le Parti communiste chinois impose une ligne rouge à la libéralisation de l'économie

Les privilèges de ces barons du parti ne sont pas les seuls à être touchés. Victimes de l'opération mains propres de Xi Jinping, et de sa stratégie pour, soit éliminer ses ennemis soit en faire des alliés, les artistes acoquinés avec des officiels du régime devraient bientôt perdre leurs postes dans l'armée à des grades et salaires fantaisistes et qui agacent la grande muette chinoise.

Mis à jour le 4/09/2013 après l'annonce de l'audition de Zhou Yongkang.

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