Les ports britanniques se battent pour desservir les éoliennes en mer

Trois ports se battent pour tenter d'obtenir les millions d'euros d'investissement et les milliers d'emplois qu'apporteront les futures éoliennes en mer.
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A perte de vue s'étendent des voitures, rangées en lignes parallèles sur des kilomètres. Au bout de ce dépôt de véhicules neufs s'écoulent les eaux glacées de l'Humber, au nord-est de l'Angleterre, dont l'estuaire est large de cinq kilomètres à cet endroit. Difficile d'imaginer que c'est ici, sur cet immense terrain de 880 hectares quasiment en friches, que pourrait se jouer l'avenir de l'éolien britannique.

Le prometteur Able UK, qui a acheté et assemblé les terrains depuis une décennie, souhaite y installer un gigantesque quai portuaire de 1,5 kilomètre de long, pour y charger les éoliennes hautes de 180 mètres qui vont être installées au large des côtes britanniques. S'il prévoit ainsi plus d'un demi-milliard d'euros d'investissement, c'est pour répondre à l'accélération imminente de l'éolien en pleine mer en Grande-Bretagne.

La propriété de la Couronne, qui possède les sols sous-marins, a attribué il y a un an neuf concessions en mer du Nord (concessions dites « round 3 »). Objectif : construire d'ici 2020 des éoliennes produisant 32 gigawatts d'électricité, l'équivalent du quart de la demande britannique d'électricité. Les premières installations doivent débuter en 2014.

Problème : la Grande-Bretagne n'a pas les infrastructures portuaires nécessaires. Chacune des éoliennes mesure une demi Tour Eiffel et nécessite des grues spéciales, un espace aérien complètement dégagé (aucun câble électrique) et des soubassements particulièrement résistants.

Trois ports britanniques se sont donc lancés dans une course pour améliorer leur infrastructure. Outre Able UK se trouvent le port de Hull, juste en face de l'estuaire de l'Humber, et celui près de Newcastle. Ce dernier est le plus avancé dans ses travaux et une usine de pales éoliennes y est déjà en cours de construction. A la clé, les trois ports espèrent mettre la main sur un marché juteux : pas moins de cinq éoliennes par jour pendant cinq à sept ans devront être installées (si l'ensemble du "round 3" se concrétise), avec des milliers d'emplois à la clé.

Les emplois seront d'autant plus solides que les usines fabricants les éoliennes seront probablement installées sur place, le transport des éoliennes étant très difficile. Siemens, General Electric, Mitsubishi et Gamesa (entreprise espagnole) se sont toutes les quatre engagées à construire une usine de turbines éoliennes au Royaume-Uni, sans préciser pour l'instant dans quel port. La première promet 95 millions d'euros et 700 emplois ; la seconde 120 millions d'euros et 1900 emplois (directs et indirects) ; la troisième envisage 120 millions d'euros et la quatrième 150 millions d'euros.

Les quatre entreprises avaient suspendu leurs investissements après les élections, pour savoir si le nouveau gouvernement confirmait son aide prévue de 60 millions de livres (70 millions d'euros) aux ports. C'est chose faite depuis fin octobre. David Cameron, Premier ministre, espère ainsi concrétiser ses promesses de construire une économie autour de la filière verte : "je veux être le leader mondial de l'éolien en mer", affirme-t-il. Les quatre entreprises devraient désormais annoncer de façon imminente où et quand elles vont investir, d'autant que tout doit être prêt pour 2014, pour tenir les objectifs du "round 3".

Il reste cependant une autre solution : ne pas faire venir les éoliennes depuis un port britannique, mais de l'autre côté de la Manche ou de la mer du Nord. "Nous transportons déjà d'énormes turbines à gaz par bateau, je ne vois pas pourquoi nous ne ferions pas de même pour des éoliennes", estime Stephen Burgin, président d'Alstom pour le Royaume-Uni. Il affirme n'avoir pas l'intention pour l'instant de construire une usine de turbines éoliennes en Grande-Bretagne.

Simon Brett, d'Associated British Ports (entreprise qui possède le port de Hull) réplique qu'un tel transport ne serait pas économique. "Un bateau destiné à transporter ces éoliennes coûte 150.000 euros par jour. Etre près des champs d'installation représente une énorme réduction des coûts." Selon cette logique, l'estuaire de l'Humber, située à moins de 12 heures de bateau d'environ 5000 éoliennes potentielles, est géographiquement très bien située.

Tous ces scénarios reposent cependant sur un énorme danger : que les investissements du "round 3" ne se concrétisent pas. Les entreprises qui ont acheté les concessions en pleine mer peinent actuellement à mettre en place le financement nécessaire. Elles ont encore quelques années devant elles. Mais si tout s'effondre, les rêves d'Able UK et des autres ports britanniques tomberont à l'eau.
 

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