Des robots pour trier vos ordures

Pour élargir sa gamme de machines de tri des déchets, Pellenc ST s'est lancée dans un programme de R&D collaboratif. C'était ça ou disparaître. Cet investissement, d'un montant de 20 millions d'euros, aura mobilisé une dizaine de partenaires et cinq labos de recherche pendant quatre ans.
La recherche a toujours été au centre de la stratégie de Pellenc ST, afin d’améliorer les capacités de ses machines de tri./ DR

Chez Pellenc ST, on peut enfin souffler. Basée dans le Vaucluse, cette PMI de 120 personnes spécialisée dans le tri des déchets sort d'un intense marathon de recherche qui aura duré quarante-cinq mois. Une course qui aboutit aujourd'hui à la commercialisation de plusieurs nouveaux modèles de machines. Le directeur R&D de la PMI, Antoine Bourely, ancien chercheur public, inventeur d'un robot trieur de pommes et recruté par la société Pellenc en 1991, est au coeur de cette aventure industrielle qui a commencé par une diversification stratégique.

En 2001, Pellenc était en effet spécialisée dans la fabrication de machines agricoles (machines à vendanger et à trier, notamment). La PMI prend conscience qu'un marché est en train de naître : la valorisation des déchets. Elle décide alors de créer Pellenc ST (pour Selective Technologies), en s'appuyant sur ses recherches sur le tri des fruits grâce à des robots. Depuis, PST n'a pas cessé d'investir dans la recherche et développement, à laquelle elle consacre environ 15 % de son chiffre d'affaires (22 millions en 2012).

Point d'orgue de ces investissements : le projet TRI+

Le projet a démarré en 2009 et s'est achevé voici tout juste quelques jours, début décembre, par une réunion de conclusion et une démonstration chez Pellenc ST.

Avec TRI+, la société s'est en effet attaquée aux « déchets industriels banals », dont le bois (950.000 tonnes mises en décharge tous les ans en France), et aux « ordures ménagères résiduelles » : 20,1 millions de tonnes par an en France, dont 11 millions de tonnes qui sont susceptibles d'être méthanisées. C'est un nouveau marché, énorme, qui s'ouvre ainsi à côté des emballages plastique que les machines de Pellenc ST maîtrisent déjà. Un marché d'autant plus prometteur que la mise en décharge des déchets va être interdite progressivement dans toute l'Europe.

La gamme de machines mises au point par la PMI intègre les nouvelles technologies photoniques, pour n'importe quel type de prétraitement d'ordures ménagères et de recyclage pour toutes les filières de déchets (emballages, déchets des équipements électriques et électroniques, ordures ménagères, etc.), et tous les matériaux (papier, plastique, bois, métaux, matériaux de construction, etc.). Ses machines sont, par exemple, capables de reconnaître du bois naturel ou du bois traité, les couleurs des plastiques, les différentes qualités de papier.

Plus de 9,2 millions financés par Bpifrance

Pour une PME axée sur la recherche, le projet TRI+ a toutefois été une énorme gageure, tant par sa taille que par son périmètre.

« Quand les membres d'Oseo [devenu Bpifrance] sont venus me voir pour me proposer de participer à ce programme, j'ai cru qu'ils s'étaient trompés de société, assure Antoine Bourely.

J'ai présenté sept ou huit axes de recherche et Oseo a décidé d'en faire un seul programme, ce qui a beaucoup tiré sur nos forces pendant quatre ans, au point que cela a nui à la société en période de crise. Avaler des phases de recherche, de développement et de déploiement sur cinq ou six fronts à la fois, c'est un rythme difficile », résume aujourd'hui le directeur R&D de la société.

Il faut dire que le projet TRI+ aura nécessité plus de 20 millions d'euros d'investissements, dont 9,2 millions proviennent du programme Innovation stratégique industrielle (ISI) de l'ex-Oseo. De son côté, la société aura investi 6,5 millions d'euros pendant ces quatre ans, aura reçu 2,1 millions d'euros de subventions et 3,5 millions d'euros d'avances remboursables de Bpifrance, qui a aussi financé les partenaires de TRI+. Sans oublier le crédit d'impôt recherche (CIR), qui représente entre 30 et 40 % des investissements non subventionnés. Lourd donc, très lourd, le projet TRI+.

Mais « sans ce programme de recherche, on n'existerait plus », n'hésite pas à dire Antoine Bourely.

Chez Pellenc ST pourtant, la recherche a toujours été au centre de la stratégie.

« Sur un effectif de 120 salariés, nous sommes 20 personnes dédiées à la R&D, avec une équipe de 15 personnes qui travaillent sur la valorisation des résultats de nos recherches », explique Antoine Bourely.

Leur mission : concevoir des machines capables de trier rapidement tous les types de déchets. TRI+, programme de recherche collaborative chapeautant en tout neuf lots de travaux et sept nouvelles technologies, a mobilisé une dizaine de partenaires, cinq labos de recherche et quatre autres entreprises.

Recherche publique et PMI font bon ménage

Une de ces équipes de chercheurs est l'unité mixte de recherche ITAP de l'Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture), dirigée par Jean-Michel Roger, à Montpellier. Cette équipe a une longue histoire de partenariat avec Pellenc, puis Pellenc ST.

« Nous avions déjà travaillé sur une série de projets européens avec Pellenc pour le tri à haute cadence des fruits, dans les années 1990. Dans ce type de recherche en amont, qui est très risqué, c'est l'équipe académique qui pilote le projet selon le cahier des charges de l'industriel. »

Étape suivante pour le labo et la PME, un projet européen « Craft », dont la spécificité est de mettre la PME participante aux manettes du projet, qui est tenu de produire des retombées économiques. Mais, preuve que les projets n'aboutissent pas toujours : ces recherches utilisant la spectronomie à infrarouge pour le tri des fruits ne réussissent pas à convaincre les grands distributeurs comme Carrefour et Leclerc.

En revanche, elles encouragent Pellenc à... se diversifier dans le tri des déchets. Après avoir exploré et abandonné la piste des robots, trop lents et devenus personæ non gratæ dans les années 1990 pour des raisons liées à l'emploi, les deux partenaires se recentrent sur d'autres pistes, plus fructueuses.

L'Irstea, qui fait partie du réseau des instituts Carnot chargés de booster la recherche entre les chercheurs publics et les entreprises françaises, trouve aussi son compte dans ce partenariat : un contrat financièrement avantageux, l'exploration de nouvelles pistes prometteuses et la possibilité de publier dans revues scientifiques des connaissances générales acquises dans le cadre du projet tant que la confidentialité promise à l'industriel est respectée.

« Produire des connaissances académiques et amener de la croissance à une entreprise ne sont pas incompatibles », insiste Jean-Michel Roger dont l'équipe aura consacré environ 35 mois/ homme sur quatre ans à TRI+.

Pellenc ST n'a pas attendu la fin officielle du programme pour commercialiser ses nouvelles machines, testées sur quinze sites en Europe et au Canada. Par exemple, au Mans, où Valor Pôle 72, le nouveau site de retraitement des déchets de Suez Environnement, a inauguré une nouvelle machine Pellenc ST en septembre dernier.

« Ils n'ont pas hésité à démarrer la machine devant 300 invités, dont les représentants du ministère de l'Agriculture », sourit Antoine Bourely, qui ne ferme pas la porte à un autre programme lorsque toutes les connaissances auront été « digérées ».

En attendant, sa gamme s'est étoffée de cinq nouvelles machines, aujourd'hui en phase de commercialisation. À noter que la PMI exporte ses machines dans plus de 40 pays (soit 80 % de son chiffre d'affaires).

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Commentaires 5
à écrit le 04/02/2014 à 13:48
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Ils vont cotiser pour les caisses des salariés mis au chômage ?

à écrit le 04/02/2014 à 10:21
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Bonjour, En France il semble qu'on privilège le tri manuel, à cause des emplois ( souvent aidés )! Le tri automatique est depuis longtemps possible ( plus de 15 ans ). C'est plutôt une question locale lors de de la construction des centres de tr...

le 05/02/2014 à 0:25
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Pour avoir visité des centaines de centres de tri en France, je peux vous dire que le degré de mécanisation est très variable d'un site à l'autre mais certains sont pratiquement automatisés. Je pense qu'on aboutira à terme à des centres de tri où les...

à écrit le 04/02/2014 à 9:20
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On parle de poubelles ou de politiques!

le 04/02/2014 à 11:51
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De politique naturellement, d'où l'initiative du vote électronique manipulable à souhait notamment les expats.

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