La prise de conscience écologique s'accélère en Inde

Avec des dizaines de milliards de dollars d'investissements prévus dans l'énergie solaire, New Delhi veut favoriser une croissance sobre en carbone.

Une enveloppe de 220 millions d'euros pour indemniser les victimes et nettoyer le site, une relance des poursuites judiciaires contre le chimiste Dow Chemical, de nouveaux efforts pour obtenir l'extradition des États-Unis de Warren Anderson, ancien patron d'Union Carbide : voilà ce qu'a décidé fin juin le gouvernement indien pour répondre au désastre de Bhopal... près de 26 ans après la fuite de gaz qui a causé la mort de peut-être 25.000 personnes. Si les autorités se sont ainsi réveillées après un quart de siècle d'indifférence, c'est parce que la justice vient de prononcer des condamnations dérisoires dans le dossier, et aussi parce que le pays prend conscience de l'importance cruciale de l'environnement dans son développement.

Récemment encore, les instances dirigeantes en Inde estimaient que les problèmes environnementaux avaient été créés par les pays riches et que c'était à eux de les traiter (les émissions indiennes de gaz à effet de serre sont de 1,2 tonne par tête, contre 20,6 aux États-Unis...) Un pays en développement comme l'Inde ne pouvait avoir qu'une priorité : la croissance économique, fût-elle dommageable pour l'environnement.

Mais les choses évoluent. Le nouveau ministre de l'Environnement Jairam Ramesh admet volontiers que l'Inde doit s'associer aux efforts collectifs de réduction des émissions de carbone. New Delhi continue à refuser de signer à ce sujet un accord juridiquement contraignant, mais proclame désormais sa volonté de s'orienter vers une croissance moins productrice de carbone. Même si les positions de Ramesh irritent les traditionnalistes, l'Inde sait qu'il lui faut agir, sous peine d'être confrontée à des désastres écologiques. Le gouvernement élabore un plan d'action national concernant l'habitat durable, la protection de l'Himalaya, le reboisement...

Le leadership du charbon

C'est sur les énergies renouvelables que portent les travaux les plus avancés. Dans un pays où le charbon reste la principale source de production d'électricité, leur part est encore marginale. La plus développée est l'éolien, en croissance rapide : la capacité installée est passée de 1.869 mégawatts (MW) en 2004 à 10.891 MW en 2009, faisant du pays le cinquième producteur mondial du secteur, avec une industrie nationale active menée par Suzlon (3e fournisseur mondial de turbines). Mais c'est sur le solaire que l'Inde veut mettre désormais l'accent, un choix logique au vu de son ensoleillement. Tout est à faire : la capacité installée est de 125 MW, pour un potentiel évalué à 50.000 MW ! La « mission solaire » lancée début 2010 vise une capacité de 20.000 MW en 2022. Ce qui nécessitera d'investir 70 milliards de dollars. De quoi attirer les industriels du monde entier. L'Inde veut notamment développer le solaire dans les zones rurales trop isolées pour être reliées aux réseaux électriques, en développant le micro-solaire (chauffe-eaux, cuisinières, etc.).

Les initiatives se multiplient aussi dans bien d'autres domaines. New Delhi vient par exemple de lancer la construction d'une centrale qui produira de l'électricité pour 600.000 familles en brûlant un tiers des ordures de la ville.

La prise de conscience est loin d'être universelle toutefois et l'iconoclaste ministre de l'Environnement le sait. Décidé à favoriser une reforestation du pays, il s'oppose aux projets de construction d'autoroutes ou d'exploitations minières, souvent situés dans des zones fragiles. Ce qui suscite la colère de ses détracteurs qui l'accusent de vouloir étouffer le développement dont le pays a tant besoin.

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