Le Japon se mobilise pour la voiture électrique

L'industrie nippone a misé à fond sur ces nouveaux véhicules. Non sans une certaine appréhension.

C'est une station-service de Tokyo presque comme les autres. Sauf qu'on y recharge uniquement des taxis roulant à l'électricité. La compagnie de taxis Hinomaru s'est alliée à la start-up israélo-américaine d'infrastructure électrique Better Place pour mettre en place la première station de ce genre au monde. La nouveauté?: au lieu de recharger la batterie, on la change en 2 minutes à chaque arrêt. Pourquoi les taxis?? Car ils parcourent plus de kilomètres, émettent plus de gaz à effet de serre et contribuent davantage à la pollution atmosphérique que tout autre véhicule. Le Japon se prête particulièrement bien à cette opération. «?Il y a 250.000 taxis au Japon. Tokyo possède davantage de taxis que Londres, Paris et New York combinés, avec 60.000 taxis?», explique Kiyotaka Fuji, directeur Asie-Pacifique de Better Place.

Le Japon est devenu depuis quelques années un immense terrain d'expérimentation de la voiture électrique. Ouvrant la marche, bien sûr, les constructeurs. «?Après tout, c'est des ateliers japonais qu'est sorti le premier succès ??électrique??, ou plutôt hybride, commercial, la Prius de Toyota, suivie de près par la Insight de Toyota?», rappelle Chris Richter, analyste automobile de CLSA. Toyota et Honda continuent de promouvoir des modèles hybrides, mais ils promettent des voitures fonctionnant 100?% à l'électricité en 2012. Mitsubishi Motors a déjà sauté le pas du tout électrique avec sa i-Miev, lancée en avril. Carlos Ghosn, qui a toujours affirmé que la vraie révolution serait la commercialisation d'une voiture 100?% électrique, sortira sa Leaf dès cette année. En embuscade, inconnus du grand public mais pourtant indispensables?, les fabricants de batteries japonais. Sanyo et Panasonic EV (une coentreprise dont Toyota a désormais 80?%) détiennent respectivement 73?% et 15?% du marché mondial des batteries hybrides. Et dans les batteries lithium-ion destinées au tout électrique, Sanyo (22?% du marché), Matsushita (13?%) et Sony (12?%) s'arrogent encore la moitié des ventes.

Reconversion

Mais c'est peut-être l'engagement général de toutes les industries qui frappe le plus au Japon. Plus un constructeur immobilier dont la nouvelle maison-type n'intègre un garage équipé d'un chargeur de véhicule électrique. Plus un grand hôtel dont le parking n'ait pas son coin «?véhicule électrique?», même s'il ne sert encore à personne. Les stations-service classiques aussi ont commencé à s'interroger sur leur reconversion. Elles sont inquiètes?: les dizaines de milliers d'épiceries de proximité type Seven Eleven partout présentes au Japon étudient la possibilité de les remplacer.

Cette mobilisation générale est très compréhensible. Aucun pays développé n'est parvenu à maintenir une industrie manufacturière au centre de son économie comme l'a fait le Japon, et cette nouvelle révolution appelle une réponse de «?Japan Inc.?». Pourtant, pays de la voiture-roi, le Japon est autant terrorisé qu'enthousiasmé par la voiture électrique. Les constructeurs se demandent comment préserver leurs dizaines de milliers d'ingénieurs motoristes. Ils ont emprunté le détour de l'hybride, mais ça n'est qu'une façon de gagner du temps?: «?Une voiture hybride, c'est l'alliance d'un mauvais moteur à explosion avec une mauvaise batterie?», persifle Hiroaki Shimizu, l'inventeur d'Eliica, la voiture électrique la plus rapide du monde. Aujourd'hui, la Chine leur a ouvert les yeux?: les Chinois veulent sauter une étape et s'imposer directement dans la voiture électrique. C'est possible. Après tout, les premiers constructeurs automobiles n'étaient pas d'anciens fabricants de diligence.

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